Surprise un matin d'automne

Face à Eunseop, je ne pouvais pas retenir les gestes qui étaient pour moi si naturels pendant des années. Alors oui, malgré tout ce qui s'était passé... J'avais tendance à l'oublier. Oublier que son passé était parti en fumée dans son esprit, et que je n'y avais plus ma place. Pourtant, moi, je n'avais jamais pu l'oublier, même après tout ce temps, même après le fait qu'il soit fiancé à cette fille complètement insignifiante... Notre relation n'a pas toujours été facile, elle a connu des hauts et des bas, des moments compliqués, de stress, de peur, d'amour, de bonheur... Mais une chose était sûre, toutes ces années m'ont permis de comprendre à quel point je l'aimais, plus que tout, et qu'il était l'homme de ma vie. Cela m'avait semblé encore plus évident alors que nous étions en train de vivre cette épreuve sans précédent. J'aurais pourtant simplement pu passer à autre chose, après tout, il n'en aurait jamais rien su à moins de miraculeusement retrouver la mémoire un jour... Mais je n'ai jamais pu m'y résoudre. Car il hantait mes pensées et mes rêves chaque jour. Il ne voulait pas partir de ma tête et de mon cœur... Alors je priais pour que les choses s'arrangent un jour...

L'ironie veut que je trouvais les films romantiques niais avec leur dénouement si prévisible et complètement surréaliste... Mais aujourd'hui j'aurais voulu que ma vie ressemble à l'un de ces films et qu'on me permette d'avoir une happy ending avec l'homme que j'aime... Je rêvais secrètement qu'un matin, il retrouve la mémoire et qu'il court jusqu'à moi pour me retrouver... S'il y avait un peu de pluie, ce serait parfait, ça rendrait la chose encore plus hollywoodienne... Mais ce n'était qu'un détail évidemment. En attendant, je subissais cette situation sans broncher. Je cherchais en lui les fragments de l'homme que j'ai tant aimé et que je continue à aimer. Je le vois se manifester parfois, au détour d'un regard, d'un sourire, d'une expression... Et mon cœur se serre à chaque fois.

J'essuyais les gouttes de café qui s'étaient invitées au coin de ses lèvres, agissant presque machinalement, sans vraiment réfléchir. Je m'étais rapprochée de lui, me retrouvant maintenant collée à son corps, mais je n'y avais pas vraiment prêté attention. Pourtant, pendant un instant, le temps semblait se figer, et une certaine tension s'installait entre nous... Pourtant, je fus plus que surprise lorsque je sentis brusquement ses lèvres se poser sur les miennes. Je restai interdite, surprise pendant quelques secondes, avant de vite reprendre mes esprits et de répondre à cet échange qu'il venait d'initier. Je dévorais ses lèvres, tellement heureuse de pouvoir à nouveau goûter leur saveur enivrante. C'est avec plaisir que j'accueillis sa langue, souhaitant rencontrer sa jumelle pour faire à nouveau sa connaissance... Ce ballet passionné me faisait littéralement tourner la tête, et j'en oubliai presque le lieu dans lequel nous étions...

Je dis bien "presque", car un bruit de vaisselle qui se brise au sol vint couper ce baiser pourtant si parfait... Une aura meurtrière aurait pu s'échapper de moi à cet instant précis. J'étais totalement frustrée alors que ce baiser ne demandait qu'à être encore exploré et approfondi... Et surtout savouré ! Lorsque je posai mon regard vers l'endroit d'où venait ce bruit... Plus personne n'était là. Il ne faisait aucun doute que cela devait venir du propriétaire du café, qui avait dû nous surprendre et qui était sans doute tout aussi surpris de la situation que nous... Nous aurions simplement dû nous arrêter là, comme le feraient des personnes ordinaires dans un tel moment... Eh bien, je ne faisais absolument pas partie des personnes ordinaires. Complètement frustrée de ne pas avoir eu davantage de ce baiser initié par lui, qui signifiait sûrement beaucoup de choses, je décidai d'agir. Me levant, je pris position sur ses genoux avant de l'embrasser à mon tour avec passion et frustration non dissimulées. J'envoyai directement ma langue jouer avec la sienne, me serrant contre lui comme si je m'accrochais à une bouée de sauvetage. Le souffle court, j'avais immédiatement la sensation de perdre pied... Je ne voudrais pour rien au monde que tout ceci s'arrête. Je me fichais d'être dans un endroit inapproprié, ce n'était jamais quelque chose qui, par le passé, nous avait arrêtés...

Surprise un matin d'automne

J’aurais juré avoir ressenti le soupir de soulagement filtrer ses pulpeuses et se mêler à mon souffle erratique, un témoignage muet qui me poussa davantage au vice. J’ignore combien de temps s’était écoulé, et je me sentais incapable de mettre fin à cet échange passionné. Je la dévorais, la buvais et la respirais, tout à la fois sans comprendre comment elle pouvait à ce point réveiller ce que j’avais cru oublié : des émotions. Une myriade de sentiments dont il me semblait avoir été privé en même temps que la tumeur m’avait été enlevé. Ma poigne se contracta sur son poignet encore captif, mais se relâcha aussitôt que la vaisselle se brisa avec fracas sur le sol. Un vacarme qui m’arracha de ses lèvres pour tenter de deviner d’où il provenait. Et même si j’en avais ma petite idée, face à moi ne se trouvaient que les débris de porcelaine… sans personne pour les ramasser. Mon estomac se noua brusquement à l’idée que Ji Pyeong ait pu assister à la scène. Un ami, un allié rencontré alors que je tentais de réapprendre à vivre. Lui qui n’avait connu qu’Eun Ah… je l’avais sans aucun doute déçu.

Une fraction de seconde seulement, quelques pensées qui disparurent aussitôt qu’elles m’étaient venues alors que Hye Jin anesthésiait à nouveau mon esprit. En s’asseyant à califourchon sur mes jambes, elle m’écrouait des siennes. Une sensation à la fois étrange et pourtant si familière. J’étais fatigué de ces montagnes russes. Comment une inconnue pouvait-elle me faire ressentir autant…en si peu de temps ? Mais les questions s’évaporèrent alors que ses lèvres assaillirent de nouveau leurs jumelles. Je me laissais hypnotiser par sa façon de me regarder avant de fondre sur ma bouche en même temps que ses paumes annexaient mon visage. Je n’étais plus désormais qu’un pantin entre ses mains et étonnamment… j’exultais. Tandis que ses mains voguaient entre ma mâchoire et ma nuque, je nouais les miennes au creux de ses reins avant de les faire glisser sur ses cuisses. Les mots n’avaient aucune importance, seul le ballet de nos pulpeuses et de nos paumes se révélait suffisamment loquaces pour nous, à tel point que, comme un vieux réflexe, je fis courir mes doigts jusqu’à sa taille et l’emprisonnait d’une nouvelle poigne. Je me perdais dans son souffle, sous la chaleur de son toucher, et ce fus une décharge électrique qui me força à interrompre l’ardeur d’un baiser volé.

A bout de souffle, mes yeux chutèrent avant de revenir se planter dans les siens. Deux ans… cela faisait plus de deux ans que je n’avais plus ressenti ni éprouvé le désir. La douleur d’une virilité gonflée par l’envie et qui m’étouffait à cet instant précis. Il n’avait suffi que d’un baiser, pourquoi était-ce aussi simple ? Je la mirais, perplexe, peu certain de la façon dont il me fallait réagir, à la fois heureux de retrouver ce que je m’évertuais à revivre par le biais de séances chez un spécialiste, et perdu… Si nous n’étions pas dans un café, me serais-je seulement interrompu ? « Hye Jin… » soufflais-je d’un timbre rauque. Je m’attendais à ce qu’elle se dissipe en même temps que j’avais fait rompre le contact de nos lèvres, et pourtant… elle était encore là, l’envie irrépressible d’aller plus loin. « Chez toi.. » murmurais-je. Je capitulais. Et sans plus attendre, je la forçais à  quitter les lieux. « Monte dans la voiture, j’arrive. » Je ne pus retenir le sourire d’étirer mes carmines alors que je lui laissais la clé de mon véhicule.

De mon portefeuille, je sortais deux billets pour celui qui fit à nouveau son apparition. « Eun Seop… » lâcha-t-il d’un ton plaintif. « Merci pour le café… » Je m’apprêtais à partir lorsqu’il menotta mon poignet. « Tu vas faire une connerie… Eun Ah… » Mon regard vogua de Hye Jin déjà installée dans la voiture à mon ami. « Peut-être que j’en fais une… peut être pas… » J’avais pris ma décision, en une fraction de seconde seulement, j’avais décidé de fauter…

Surprise un matin d'automne

Pendant un instant, mon cerveau avait de nouveau occulté toutes les choses horribles qui s'étaient passées. À nouveau, Eunseop n'était plus que Eunseop... C'était sûrement la première fois depuis que l'on s'était retrouvés que j'avais vraiment eu cette sensation de retrouver l'homme que j'aimais, l'homme avec qui j'avais partagé cinq magnifiques années de relation... Mais là, alors que j'étais assis sur ses genoux en train de l'embrasser avec une passion non dissimulée, il n'y avait plus rien... Plus de perte de mémoire, plus d'Eunha, plus de beau-père horrible... Je sentais son corps répondre complètement au mien comme il le faisait autrefois. Là, en cet instant, il était impossible de dire que nous étions des inconnus. Nos corps parlaient pour nous... Et j'étais persuadé que son corps, lui, se souvenait de moi, même si sa tête, elle, avait tout effacé.

Soudainement, je pus sentir sa virilité commencer à se gonfler dans son pantalon... Et cela ne fit que m'exciter un peu plus à mon tour. Il réagissait très vite... Autant qu'avant, je devais bien l'admettre. Tous les deux, nous avions tendance à nous laisser emporter assez régulièrement, peu importe l'endroit, si nous avions envie, cela pouvait aller très vite. Encore une fois, je voyais que c'était quelque chose qui n'avait pas changé... La preuve en était qu'il ne m'aurait pas repoussé depuis un moment, alors que clairement, s'asseoir sur les genoux d'un homme dans un café n'était pas une chose très normale par ici, et encore moins bien vue... Mais il avait l'air de s'en foutre complètement... Ce dont j'étais heureuse.

Il interrompit finalement cet échange, et pendant un instant, je me contentais de fixer ses iris, cherchant à comprendre ce qu'il voulait... Je savais qu'il était sûrement perdu... Après tout, j'étais encore un peu une inconnue dont il ne savait pas grand-chose, à part que j'étais la copine de son cousin... Enfin, une fausse copine bien sûr, et de son côté, il était sensé être fiancé... Et pourtant, nous voilà en train d'avoir cet échange ici et maintenant... Autant dire que ça pouvait dérouter, même si bien sûr pour moi, tout ce qui venait de se passer était quelque chose de totalement normal, une chose à laquelle nous étions habitués à faire ensemble. Finalement, mon nom s'échappa de ses lèvres... Puis quelques mots, "chez toi", qui signifiaient tellement de choses. Je ne pus retenir un sourire qui s'affichait malgré moi sur mon visage. Vraiment ? Il voulait vraiment aller jusque-là ? Parce que oui, je me doutais que s'il voulait qu'on aille chez moi, ce n'était pas pour enfiler des perles... Je quittais ses jambes, me relevant avant qu'il en fasse de même et qu'il me donne ses clés de voiture pour que je l'attende à l'intérieur. Je ne dis pas un mot, pourtant, j'essayais de lire une dernière fois en lui, histoire de voir s'il était vraiment sûr de ce qu'il faisait... Puis finalement, je décidais de ne pas me prendre la tête et de m'exécuter. Je quittais donc le café.

Peu de temps me fut nécessaire pour rejoindre sa voiture. Alors que je l'attendais, mon cerveau ne pouvait s'empêcher de se torturer. Était-ce bien d'aller si loin si vite ? Évidemment, j'avais très envie. N'ayant jamais cherché à me remettre avec quelqu'un d'autre, je n'avais plus eu de rapports intimes depuis que tout ceci avait commencé... Et mine de rien, ça commençait à faire un sacré bout de temps. Mais au-delà de ça, je m'étais promis d'y aller en douceur, de ne rien brusquer, de ne rien précipiter... Mais n'était-ce pas ce qui était sur le point de se produire ? Lorsqu'il me rejoignit finalement dans la voiture, il me suffit d'un simple regard sur lui pour décider de couper littéralement mon cerveau. Je préférais suivre mon cœur et mon instinct, et là, il me hurlait de simplement me laisser aller, de profiter de ce que je pouvais et d'espérer que tout irait bien.

Le trajet jusqu'à mon appartement, qui avait aussi été le sien pendant une période, fut relativement court. Une fois qu'il fut garé dans le sous-sol du bâtiment, nous descendîmes de la voiture. Je vins le rejoindre et pris sa main pour l'entraîner avec moi. En quelques enjambées, nous avions rejoint l'ascenseur qui allait nous mener pour la première fois depuis bien trop longtemps dans notre chez-nous. Rien que d'y penser, cela me donnait des palpitations incontrôlées. J'avoue que j'avais du mal à croire que tout ceci était en train de se réaliser. Un petit bruit résonne, l'ascenseur est là, les portes s'ouvrent devant nous. Je m'y engouffre, entraînant le jeune militaire à ma suite. Avec dextérité, j'appuyais sur le bouton de l'étage où nous devions terminer notre course, puis je venais encadrer son visage de mes mains avant d'initier un nouveau baiser langoureux, collant mon corps contre le sien... Je le sentais, je n'avais plus la patience d'attendre même une minute de plus que nous soyons arrivés à destination pour reprendre ce que nous avions commencé.

Surprise un matin d'automne

Ses doigts se refermèrent sur mon poignet avec plus d’insistance. « Eun Seop… tu ne devrais pas… vraiment… » Pour toute réponse, je le toisais, agacé de me faire encore et toujours dicter ma conduite. « Ji Pyeong… pas toi s’il te plait. » Je ne comprenais pas où il voulait en venir, et même s’il était loin de connaître les détails d’une vie intime inexistante, il n’avait jamais prétendu me juger. « Mais enfin, tu es marié ! ». Le soupir de rage m’échappa. « Marié ? Depuis quand ? Je subis des fiançailles imposées depuis mon réveil, je ne savais plus marcher que je devais déjà aimer... » En détournant le regard, je la vis, le sourire aux lèvres alors qu’elle s’était installée sur le siège passager. « Tu ne peux pas comprendre… » lâchais-je finalement. Et sans attendre de réponse de sa part, je fuyais son antre. En quelques enjambées, je rejoignais Hye Jin. J’ignorais ce que je cherchais, mais je redoutais de ressentir à nouveau l’absence d’un désir qui m’avait si longtemps déserté.  

Sans mots, je prenais place derrière le volant et m’accordait un instant pour l’observer. Je voyais ses perles sombres briller d’une étincelle qui faisait sans aucun doute écho à la mienne. Un large sourire derrière lequel je pouvais aisément lire ses pensées. J’y répondais d’une moue taquine en allumant le moteur. Je sentis le volant vibrer en même temps que le frisson remonta le long de mon échine. Etait-ce l’impatience ? Le doute ? L’appréhension ? Je peux encore faire marche arrière. Une pensée qui fut balayée d’un revers de main alors que je conduisais avec souplesse jusqu’à son bâtiment. Un trajet de quelques minutes seulement et je rangeais ma voiture au sous-sol. Mes yeux scrutaient les lieux en quête d’un signe, n’importe quoi tant que je pouvais faire fonctionner mon cerveau à nouveau. J’avançais sans m’en rendre compte, comme possédé. Je la suivais d’un pas lent alors que sa main se glissait dans la mienne et m’entraînait déjà vers les portes de l’ascenseur le plus proche. Et ce fut à cet instant précis, alors que les portes se refermaient sur nous que la lucidité fit son retour. Je vais l’accompagner devant sa porte… puis je pars. Une décision aussi solide qu’un bonhomme de neige en plein été… Ses paumes vinrent encadrer mon visage comme elles l’avaient fait plus tôt, m’assaillant déjà d’un autre baiser, et ma résolution vola en éclat avant même que je n’ai pu m’en convaincre.

Elle mordait avec envie dans mon inférieure, et si je pus résister une fraction de seconde, toute la retenue dont je savais faire preuve ne semblait pas suffisante pour lui résister. À mon tour, j’enlisais l’ivoire sur son ourlet de chair, transit par la chaleur de son corps contre le mien. Si la flamme dansante de mon désir paraissait s’être atténuée un court instant, elle s’embrasait désormais et se transformait en un véritable brasier. Fiévreux d’un corps à corps inédit, passionné, langoureux, sauvage… j’achevais de bâillonner la raison pour me vautrer dans une concupiscence nouvelle. Sans force, je la poussais dans un coin de la cabine et m’attelais à redessiner ses courbes du bout des doigts. De sa mâchoire en passant par son cou, je fis chuter ma paume jusqu’à son genou et la remontais lentement vers ses hanches. Je ne contrôlais plus, ni mon souffle, ni même mon rythme cardiaque devenu fou. Je n’avais plus qu’une envie : la débarrasser de ses vêtements et goûter à chaque centimètre de sa peau. En quelques gestes, je bravais le rempart de coton et fis courir ma main droite sur sa taille, ses côtes, pour finalement atteindre sa poitrine. Mais la dentelle demeurait intacte alors que les portes de l’ascenseur s’ouvraient brusquement.

Les mots étaient superflus, et je la suivais sans opposer de résistance alors qu’elle m’amenait devant la porte de son appartement pour la déverrouiller à la hâte. Je me rendais compte à quel point je faisais preuve d’une retenue certaine une fois que le battant se refermait. Le monde extérieur ne pouvait plus nous atteindre désormais, et je me surprenais de l’agilité avec laquelle je lui retirais, un à un, ses vêtements. Je ne m’arrêtais qu’une fois à égalité parfaite, et dans mes bras, je savourais le velours de son épiderme. La chaleur de ses muscles qui se contractaient à chaque baiser, sa respiration brulante et hachée, son parfum enivrant alors que je rayais son cou d’un ivoire affamé.

Surprise un matin d'automne

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