contretempsoutfit ||   @Asano Haruhi

Il lâche un rire aux mots, secouant la tête pleine d’idées lointaines. « Je ne peux pas te promettre que nous n’en croiserons jamais, mais je m’assurai que tu n’en vois même pas l’ombre des plus grosses araignées. ». Gardé un espoir mince pour celui qui pense que tout cela n’est qu’un gaspillage insensé, de frôler le bitume à compter les jours restants. Si désespérément. De creuser un peu plus ce qu’il se tapit au fond de ses yeux rieurs, brillant d’une joie délavée, sans trouver de quoi réchauffer ses sensations qui se refroidissent un peu plus tous les matins.

Hochant simplement la tête. « Nous pourrons faire une check-list et coché les choses que nous voudrions faire pour le pays visité ? Même si ce n’est pas tout, cela donnera envie de revenir pour compléter ? Comme visiter des musées, voir des merveilles du monde, même des rues colorées ou des carnavals. ». Un peu de tout et de rien, empêchant l’esprit de sombrer. Est-il pitoyablement aveuglé par sa condition, colorant le bleu de ses idées, juxtaposés à ses striures rougeâtres de part et d’autre sur sa carcasse. Les souvenirs lointains où tout n’était que des tâches noirâtres. « Comme la Laponie ? Je peux essayer de voir les dates, quand elles seront plus probables de les voir, si tu veux ? ».

Il espère qu’elle trouvera l’émerveillement de ses rêveries, qu’elle aura l’impression de toucher les étoiles du bout des doigts, qu’elle comprenne l’astre réchauffant les cœurs et illuminant les marées mordantes. Qu’elle puisse vivre les expériences désirées avec enthousiasme, essayer d’y arriver lorsqu’il prolifère des mensonges. Qu’elle conserve cette authenticité, que tous ces choix soient les bons et le restent. Qu’elle finisse par l’oublier comme cela doit l’être. Oui, qu’elle fasse toujours les bons choix.

Il relève la tignasse, clignant des paupières. « Oui ? », dit-il en baissant les yeux vers sa gaufre à peine entamer. Il se mord les lèvres, l’erreur de ses pensées. « Je suis tellement perdu dans les voyages, pardon. Je finis vite. ». Entamant cette gourmandise au goût de vitriol, qui finira ailleurs en rentrant, en ayant tout fait de travers. « Oh, tu sais peu de choses ? L’appel de personnes âgées qui apprécient nous voir. Quelques malaises ici et là durant un mouvement de foule. Rien de palpitant. Et toi ? Des endroits découverts pour des photos ? Des idées que tu aimerais exploiter ? »

Il préfère l’entendre parler de ses journées ensoleillées, de ses rencontres qui la font rêver, découvrant qu’elle sait comment l’oublier. Il préfère l’entendre énumérer ses idées sur la photo, les prochains croquis et ses activités annexes. Il déteste l’idée de l’avoir inquiété, prêt à laisser chacun à ne plus se souvenir de lui. Chaque bouchée est une torture à son estomac, écoutant les réponses, brûlant sous le café. « Tu as déjà fait des portraits ? Je veux dire, un mélange avec de la peinture ? Plutôt que de choisir un panorama ou une scène, de la créer toi-même et la juxtaposée avec le modèle ? ». Déviant de ce qui n’est pas nécessaire. Qu’elle ne s’habitue pas à celui qui compte ses jours, petit à petit.

Son joli rire se mèle à celui de la jeune femme, amusée par ces adorables promesses, celles digne d'un grand protecteur. « Ah oui? Tu vas les pulvériser du regard avant même que je sois capable de les voir? » La scène se dessine devant ses yeux, ce qui n'a pour effet que d'aviver cette émotion, le fou rire qu'elle tente désespérément de cacher derrière ses mains. Une situation un peu farfelue, sans possibilité; mais un imaginaire que même les pires arachnophobes ne sauraient en être effrayés.

Le sérieux réussit à se redessiner sur son visage, juste à temps. Et c'est une étincelle qui nait au creux de ses pupilles, les idées qui voguent, les envies qui gagnent du terrain. « Ah! Oui! Mais ce que tu peux être brillant Eros, qu'est-ce que je ferais sans toi? » Une liste à cocher, un élément si simple et pourtant si efficace, permettant à n'importe lequel couple d'amis de rêver, d'avoir hâte au futur et aux jours meilleurs. N'importe quoi, tant qu'ils sont capable de vivre le moment présent, sans tracas, sans pensées indésirables. Qu'ils soient heureux, surtout lui. « Oui, exactement, ou l'ouest du Canada, dans les montagnes. La destination que tu préfères. » Ou les deux, soyons fous.

L'inquiétude s'était installée rapidement, l'imaginaire qui s'était dispersé un peu trop loin, ignorant l'état de celui assis devant elle. « Oh mais prend ton temps, Eros, ne te rend pas malade. » Son coeur choisit de croire qu'il s'était lui aussi simplement égaré dans la discussion, malgré cette intuition qu'elle essaie de pousser bien loin, la même qui surgit régulièrement à la vue du regard désolé de sa petite soeur. Sa tête choisit de s'abreuver de la courte histoire de son ami, lui qui l'impressionne tellement, capable de tant de grandes et bonnes choses, qui vole au secours d'autrui sans se poser de question. « Tu sais, tu dis que c'est peu de choses, mais pour moi ça me semble énorme. Heureusement qu'il y a des gens comme toi dans ce monde qui sont capable de faire ce que tu fais. » Et, comme toutes ses autres paroles, elle y croit.

Songeur, son regard s'évade de nouveau vers le haut, l'esprit qui se remémore les années passées, les temps d'une jeune femme fraîchement sortie de son pays natal et qui fréquente les bancs d'école, le coréen malhabile. « Est-ce que l'université compte? » Un doux rire rompt le silence nouvellement installé. « Mes mains ont toujours été un peu plus habile avec un appareil photo qu'avec les pinceaux, mais j'avais bien aimé les quelques occasions d'avoir pu faire quelque chose d'un peu plus concret en classe. »

Un rare sourire mesquin fait son apparition, accompagne celle qui fut accaparée d'une idée soudaine. « Tu veux en faire avec moi? Ou peut-être que tu veux être mon modèle? » Et à nouveau elle cache ce fou rire qui veut s'emparer de son corps, cette fois-ci derrière son smoothie.

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Il rit avec elle, mettant ses deux devant ses yeux et montrant un poing imaginaire, désignant les grosses araignées, pour les pointer de ses phalanges. « Je leur dirai « affrontes mon regard ». Je pense qu’il devrait y avoir un petit effet. », s’enquit-il malgré l’absurdité de la situation. Dérivant sur les possibilités, les choix pour juxtaposer les envies et mieux définir les destinations et les activités. La liste est une idée comme une autre, une banalité pour celui qui avait tant de fois essayé de cocher les cases lorsqu’il était plus jeune. Malheureusement, aucune d’entre elles n’a été accomplie. Peut-être une ou deux, l’illustrateur se raccrochant à cela comme des fantaisies qui resteront imaginaires. Ainsi, il évoque ce qu’il lui parait si lointain maintenant, la paume passant derrière la nuque et les épaules qui se soulèvent distraitement.

Il pourrait lui dire qu’elle s’en sortirait tout aussi bien sans lui. Il serait capable de lui confier qu’elle pourrait s’occuper à s’émerveiller des lieux sans qu’il soit présent. Il lui délivrera qu’elle serait plus souriante et qu’elle délaissera son inquiétude pour rire de la vie qu’elle aura mieux sans lui. Il pleurerait d’être si désolé d’être cette masse ombrageuse qui parcourt les rétines et creuse l’immobilisme. Même quand il lui dit « et pourquoi pas les deux ? Et probablement d’autres si c’est sur le chemin ? ». Des détours comme moyens de fuir la réalité. Ce qu’il a toujours réussi. Elle ouvrira les yeux qu’il n’est pas nécessaire d’être là. Pour personne, en réalité. Et c’est aussi bien comme cela, dans le fond. D’être désolé de partager égoïstement une partie de leur vie. Pour quelques instants, avec la promesse de ne pas être trop présent, s’en allant lorsqu’il sera temps.

De trouver du réconfort dans un exercice difficile, d’une profession qui n’est pas la sienne et qui n’en demeure pas moins laborieuse. Tous ces visages, tous ces sourires et ses désespoirs, toutes ces paroles et ces demandes. Fragilité combattue par les sourires et les soulèvements d’épaules vagues. C’est le moins qu’il puisse faire ? Pour ces moments où il n’est pas amusant, qu’il fracture les ambiances et se donne en spectacle, loin des soirées sur lesquelles les larmes s’échappent. Les soupirs essoufflés de sanglots et l’envie de partir un peu plus vorace, sous le goût insipide de cette gourmandise qu’il souhaite rejeter violemment, lorsqu’il écoute attentivement son interlocutrice. Il s’étouffe avec un morceau à la badinerie énoncée, la rougeur sur les joues et le regard cherchant un point d’ancrage. « Hum… Non, mais, je… je veux dire… », tousse-t-il bruyamment pour dissimuler sa gêne, cacher par ses paumes et un rire nerveux.

Il écarte doucement les phalanges, laissant une vision fine vers la jeune brunette souriante, le même étirement sur les siennes et les mauvaises pensées reléguées dans un coin. « Tu es vilaine, noona. ». Le rire se fait plus naturel, la timidité plus intime. Il n’a pas confiance en ce qu’il est, comment le pourrait-il à l’encrer sur une peinture, à moins d’en faire un raté ? Il boit quelques gorgées pour se reprendre, encore surpris. « Je veux bien en faire avec toi. Tu sais faire des merveilles avec tes doigts et tu sais capturer les beaux moments. Je sais que je vais beaucoup apprendre avec toi, tout en passant un excellent moment. ». Il dit vrai. Il ne se souvient pas d’un moment où cela était le contraire. D’où sa tristesse au creux de son cœur, de savoir qu’il est le problème aux autres. De glisser vers le bas au lieu de les illuminer. « J’essaie de retaper un vieil atelier, on peut tout laisser dedans en attendant. Nous aurons l’espace nécessaire, aussi. ».

Elle rit de plus belle, aidée par les ridicules paroles de son ami, des promesses de batailles épiques contre les araignées d'Australie, vaincues d'un simple regard perçant. « Heureusement que tu es là, qu'est-ce que je ferais sans Eros le preux chevalier? » La situation est des plus absurdes, mais elle amène un semblant de légèreté à la discussion. Des idées folles, des listes de choses à faire et de contrées à visiter. Quelques banalités qui font rêver, l'espoir de jours heureux et d'éclats de rires infinis. Et surtout si son cher ami est partant pour l'accompagner au bout du monde.

« Les deux et plus, ça veut juste dire de plus longues vacances avec toi. Et je dis oui! » Elle espère qu'il ressent la même chose, qu'il a autant envie d'aventures et de paix qu'elle, que les idées de grandeur toutefois réalisables soit un échappatoire qui leur fera du bien à tous les deux. Elle ne veut que son bonheur, lui qui travaille si fort pour les autres, pour son frère, lui qui ne mérite que du bien, lui et son magnifique sourire qui illumine toute une pièce. Elle est chanceuse, Haruhi, d'avoir quelqu'un comme Eros dans sa vie. Un ami des plus chers, un des rares qui a réussi à se rapprocher autant, elle qui a un énorme cercle d'amis et connaissances mais un minuscule entourage précieux.

Et cet entourage, elle ne l'échangerait pour rien au monde. Il en vaut la peine, il mérite d'être protégé. Tant lui que son bonheur, aussi fragile est-il; la gravité de cette fragilité qu'elle ignore pourtant.

Elle se remémore les jours d'école à l'université, là où elle a appris à faire de ses passe-temps un art et un métier, là où elle a expérimenté avec toutes les autres formes d'arts qui faisaient partie du cursus sans nécessairement en être douée. Et elle s'amuse à penser à s'y remettre, et elle attire Eros dans son délire; et elle rit de plus belle devant sa gêne. Ce n'était pas nécessairement son but, mais la finalité de son idée mesquine n'est pas regrettable. Elle sent que son rire est plus naturel, et elle se détend par le fait même, ravie qu'il ne soit pas complètement fermé à l'idée.

Un hochement de tête plus tard, elle ne peut s'empêcher de sourire face au compliment, mais ne souhaite pas être seule sur le piédestal. « Je crois qu'on a beaucoup à apprendre de l'un et l'autre, tu sais. Tu vas sans doute me montrer des choses, toi aussi. » Ils n'ont pas le même coffre à outils, les mêmes bagages; alors qu'elle peut lui apprendre ce qu'elle connait des arts, il peut lui montrer sa vision, sa dextérité, comment se servir de ses mains pour quelque chose de plus physique. Elle l'envie un peu sur ce point, Haruhi; elle n'a pas le bras fort, et pas la foi de passer ses journées à la salle. Elle s'y tient loin, et c'est peut-être mieux ainsi.

« Oh? » Et justement, il mentionne un atelier, et ses yeux brillent de curiosité. Un énième sourire se dessine sur ses lèvres, les opportunités qui virevoltent dans son esprit, la joie au coeur. « C'est une si bonne idée! Il nous faudra trouver un nom pour l'atelier. Hmmm... » Et elle part dans ses pensées à la recherche d'un terme digne de ce nom. Mais c'est le genre d'inspiration qui ne lui est pas commune. « Haros..? Eru? » Doucement, elle rit; les noms sont un peu ridicules, maladroits. Mais peut-être que c'est ce qui les représente le mieux.

contretempsoutfit ||   @Asano Haruhi

Un doux rire esquinte les parois de sa mâchoire, tant il n’est pas habitué à ce que cela soit aussi franc. Puisqu’Eros est un être silencieux par habitude pernicieuse d’un passé abusif, pleuvant les coups et les cris aboyés. Ainsi, il a pris le point de bourdonner occasionnellement pour s’effacer au mieux, converser sur soi dans le pire des cas. S’enroulant autour des personnalités en marmonnant des beautés désirées pour se confondre à leurs expectations et se perdent dans ses propres envies. Parce que le dessinateur n’a que son esprit pour mieux dériver et se disperser s’il devient trop expansif sur sa personne.

Étant également épris par un train de pensée ou une fascination morbide sur sa fin, se déconnectant si aisément qu’il en oublie le monde qui l’entoure. Cela n’en demeure pas moins affreux, en toute honnêteté, la façon dont fonctionne son esprit. Celle de pouvoir se perdre des heures dans sa propre imagination insalubre, comment celle-ci coule facilement dans ce schéma en tourbillonnant, un kaléidoscope de couleurs ternes et d’images arrêtées qui le maintient absorbé de longues minutes, concevant son corps inerte de temps de façon. Sous la dualité timide et douce en dodelinant de la tête. « Hum… Eru. C’est court et cela sonne comme un prénom ? L’atelier ‘ Eru ‘, j’aime beaucoup. ».

Si calme et réservé, malgré sa facilité à se socialiser avec des inconnus, sans craindre d’utiliser sa force pour aider et supplanter les appels libidineux. Ce sont des couches maladives, d’humeurs accablantes et de comportements troubles pour mieux voiler les regards et serrer son cœur à chaque fois qu’on l’observe d’un peu trop près. « On peut installer des lumières et créer des décors ? Si on peut mêler nos deux arts dans une même discipline ? Il nous suffira de trouver des sujets, comme des objets ou des personnes en fonction de la thématique choisie. ». Des mots coulant sur la langue avec facilité, sous sa personnalité caché et intime, que personne ne peut remarquer.

Auprès des amis, même des connaissances à évoluer à travers des échanges verbaux comme celui-ci. « Je ferai un double des clés pour que tu puisses en avoir une avec toi. Si l’envie te vient de déposer des affaires au lieu de te charger, par exemple. Ou pour des essais, des séances, même si je ne suis pas là. ». Eros est un puzzle détruit, dont les pièces sont échouées sous un goudron épais et froid, des fragments impossibles à décoller. Peu importe les segments, le prochain chapitre n’en demeure pas moins plus affreux, étape par étape, vers une immobilité glaciale et libératrice.

« Est-ce qu’il y a des thèmes que tu voudras aborder ? Qui te tente ? Mêmes celles que tu n’oses pas. Eru sera un peu comme un dépotoir à idée. ». Son esprit se tourne vers le présent, aux côtés de cette amie extraordinaire. Vers l’excitation coulant dans ses veines, vers cette énergie douce, presque trop charmante, qui fait palpiter la créativité et bourdonne l’imagination. Qui supplante l’envie de manger, la gourmandise abandonnée, sous l’éclat d’une recherche intense sous son froncement de sourcil délicat.