Ses longs ongles parfaitement manucurés tapotent doucement sur les livres, son regard à l’affût du prochain roman de fantasy qu’elle dévorera probablement en une soirée ou deux, la nouvelle romance qui la transportera dans un univers de fées et de magie. De temps à autre, sa main s’emparait d’un livre pour observer la couverture, lire le résumer, feuilleter les pages. On dit de ne pas juger un livre par sa couverture. Elle n’était pas tout à fait du même avis. La couverture, c’était important, c’est ce qui donnait envie de découvrir le livre, c’est ce qui ornerait son immense bibliothèque. C’était tout aussi vrai avec les personnes, peu importe ce que le monde dit.

Ses yeux étaient comme ceux d’un rapace, parcourant le rayon attentivement, lisant chaque titre, notant chaque détail, jusqu’à ce que son doigt ne s’arrête sur la tranche d’un livre. Le titre lisait “The Cruel Prince”, un titre qu’elle avait vu et entendu a mainte reprise maintenant, mais qui manquait toujours cruellement à sa collection. Un geste fluide et l’objet se retrouvent enfin entre ses mains. Mission accomplie. Son visage se détourne des rangées de livres, ses longs cheveux blonds fouettent l’air et elle prend la direction de la caisse, mais, du coin de l’œil, quelque chose attire son attention. Quelque chose, ou quelqu’un. Elle n’avait vu que son profil avant qu’il ne se détourne à nouveau pour faire face à l’étagère, mais elle reconnaîtrait ce profil entre mille. Lui ne l’avait pas vu, tant mieux. Son pas se fait plus léger, s’approchant doucement de sa proie telle une féline en chasse. Elle attrape son masque pour dégager sa bouche et s’approche de son oreille, toujours en gardant une distance respectueuse. « Salut beau gosse ! Alors qu’est-ce qu’on achète de beau ? » Un grand sourire orne ses lèvres, espérant fortement l’avoir surpris.

Le corps longiligne émet un faible sursaut, les yeux sensiblement écarquillés et descendant vers la silhouette féminine. Le sourire s’appose, accordant la sérénité d’un visage familier au même titre qu’il étudie cette nature année par année. La joyeuseté dans cette simplicité est uniquement une question de volonté. De ces deux personnes concernées qui, certes, ne se connaissent pas parfaitement, leurs caractères réciproques, mais favorisent le dialogue et une certaine félicitée contemplative. « Oh. Bonjour Yaejin. Ravi que l’on se retrouve ici. ». L’un et l’autre se différencient toujours suffisamment pour que leur échoie leur lot de surprises. Le plus âgé estime qu’il vaut mieux rester dans l’ignorance dans le quotidien auprès des personnes avec qui il doit ponctuellement partager sa vie. Notamment lors de singularité telle que la demoiselle, dont ses rétines se sont apposées sur le contenu entre ses mains.

« Un achat bienvenu ? ». La tignasse brune essaie de deviner le titre par le biais de sa visibilité, curiosité d’une lecture qui ne lui ait que peu commune. Les heures de conversations suffisent à deux créatures raisonnables d’en venir à bout, mais leurs différenciations leur empêchent spécifiquement d’épuiser tous les sujets, qu’ils ont en commun ou non. « De la fantaisie ? Qu’est-ce que cela raconte ? ». Lui était au même endroit : la littérature anglaise que fort peu de gens aiment sincèrement, une poignée d’élus assez sensible pour en estimer toute la splendeur de ces œuvres jugées obsolètes. Lui se surprend toujours face à l’inconstance du cœur humain, le cœur trop romantique pour en comprendre les subtilités. Ainsi, il ne peut se fier aux apparences ou du bon sens. « Je te suis, Yaejin, je ne faisais que passer ici. Je t’écoute. ». Néanmoins, les conjonctures ne cessent d’évoluer et lui aussi, écoutant son interlocutrice dans son récit.

Plutôt fière de son petit effet, la jeune femme se décala légèrement pour faire face à son interlocuteur. Son sourire s’était encore étiré à cette salutation. Ce n’était pas le genre de la maison de s’encombrer des barrières professionnelles et sociétales. Tout le monde pouvait devenir ami s’ils y mettaient un peu du leur, les étiquettes étaient là pour être arrachée, et quitte à ce que quelqu’un connaisse tous les recoins de sa vie et de sa personne, alors autant bien s’entendre. Et quoi de mieux pour l’entente qu’une discussion tout ce qu’il y a de plus informelle! Et puis, la jeune idole ne pouvait le nier, elle était assez curieuse d’en savoir plus sur lui.

Le regarde de la blonde suit celui de son vis-à-vis, se posant sur le livre qu’elle tenait dans ses mains. « Oh! Oui, c’est un livre de fantaisie, ça fait un moment que j’en entends parler alors j’ai enfin sauté le pas! C’est un livre de romance fantaisie assez classique, une humaine qui vit dans le monde des Fae et qui va faire la rencontre d’un prince… Assez cruel, et bon, on sait tous que ça va finir en romance. J’aime plutôt bien le trope enemies to lovers alors j’ai hâte de m’y mettre! » À vrai dire, elle-même ne connaissait pas entièrement le synopsis de ce roman, mais pour en avoir consommé de ce genre toute sa vie, elle était plutôt confiante quant à ses prédictions. Elle prit une seconde pour observer la section où il se trouve, littérature anglaise, cependant, il ne semblait pas manifester l’envie d’acheter quoi que ce soit pour le moment. « Tu n’achète rien? J’adore la littérature anglaise, mais je reste sur les romances classiques, Jane Auten pour ne citer qu’elle, je suis assez prévisible de ce côté-là. »

Lorsque le cœur est épris d’un genre, il est difficile de devenir sensible à l’attention des autres. Peu importe le récit ou les protagonistes, tout devient insipide ou dénué d’intérêt si cela ne se rapporte pas à la raison même des nombreux achats du même style. Il ne comprend qu’un peu trop bien ce sentiment. « Tu sais toutefois ce que tu aimes et c’est encourageant pour les écrivains. Ils savent au moins qu’ils gardent leurs publics. Tu pourras me dire si ce fut à la hauteur de tes espérances, je l’espère ? ». Il ne connait pas tant la fantaisie, mais prête une oreille attentive à tout jugement, qu’il soit négatif ou tinté de positivité dégoulinante de subjectivité. Un faible rire quitte ses lèvres à l’évocation de cette belle dame et ses romans à l’amour contemplatif.

« Je peux te conseiller quelques autres de ce genre, si tu désires rester dans la même trame. Soit en restant dans la littérature anglaise, soit en parcourant d’autres nationalités. ». De quelques enjambées, ses doigts longilignes trouvent un auteur russe. « Tolstoï. Anna Karénine. Quelques passages qui paraitront d’une certaine longueur pour toi, mais les intrigues devraient t’intéresser auprès des couples. ». Suivi par le classique français. « Madame Bovary, de Flaubert. Idéal d’amour transi. Je pense qu’il peut t’apporter quelques surprises dans sa lecture. Une héroïne un peu dramaqueen. ». Terme souvent utilité et dont il éprouve une certaine reconnaissance à l’ajouter à son vocabulaire, surtout dans la description de genre kitsch. Il se tourne vers elle. « Néanmoins, cela peut être un peu vieillot. ». Il ne peut le nier, trouvant un charme inexplicable à ses littératures étudiées. « As-tu des livres à me conseiller ? ». Comme ce qu’elle tient dans ses paumes, l’échange amusant.

La fantaisie et Yaejin, c’est une grande histoire d’amour, tout comme les romances d’ailleurs, alors dès que les deux sont combinées, il ne faut pas beaucoup de temps pour que ça rejoigne les étagères de la jeune femme. Que ce soit bon ou mauvais, il y aura toujours un potentiel acheteur en elle. « Les écrivains risquent pas de se retrouver sans public avec moi, ça c’est sûr! Je t’en dirais des nouvelles, t’inquiète, vu l’épaisseur il sera fini en une semaine! » Elle n’est peut-être pas la lectrice la plus rapide, mais quand elle est dans un livre, elle ne le lâche plus pendant des heures. Le nombre de fois ou elle s’est mise en retard pour les practices juste parce qu’elle avait le nez plongé dans un livre, parfois même pas si bien que ça. Elle a juste cette capacité à se faire happer par ces univers si différents du sien.

Son penchant pour les comédies romantiques anglaise est avouée, une romantique désespérée qui s’imagine un duc incroyablement beau venir rivaliser avec un autre pour sa main. « J’avoue que j’adore la littérature anglaise, mais honnêtement je lis de toutes les nationalités, j’ai beaucoup de livres de romance italienne, mais la plupart je les ai trouvé en Italie, c’est assez dur de les trouver en coréen. » Les langues n’étaient pas un problème pour elle, grandir dans une famille bilangue donnait une certaine facilité pour l’apprentissage. « Anna Karénine! J’adore ce roman, l’un de mes préférés. C’est vrai qu’il y a quelques longueurs, mais honnêtement, ça se lit vraiment très bien! Bon après je suis pas très difficile, je me laisse emporter facilement par l’histoire. » Mais malgré sa bibliothèque impressionnante, elle ne peut pas non plus tout connaître, et même avec sa moitié Européenne, le livre mentionné par la suite ne lui laisse qu’une vague impression de déjà vu. Un instant de réflexion pour fouiller dans sa mémoire. « Hm… Ça me dit quelque chose, mais je crois pas connaître. Ça a l’air cool, je vais me le noter quelque part! » Une note mentale pour le moment, le temps ne manquera pas pour l’écrire dans sa longue liste de romans à acheter pour plus tard.

Les livres vieillots ne la dérangent pas tant que ça, ils sont même plutôt instructifs. Après tout, quel plaisir de clouer le bec d’un hater avec une réplique distinguée et cinglante. « Oh ça j’en aurais beaucoup à conseiller, mais ça va sûrement me valoir toute une séance pour parler de mes goûts en termes de romance! » Un rire franc lui échappe, non pas que ça la dérangeait. Ses goûts ne sont pas particulièrement singuliers, mais les amants dépeints dans ce genre de livres ne sont pas vraiment le genre de personne idéal avec qui former une relation. La dominance, les instincts primaux, que de fantasme qui ne se transmet que trop mal dans le monde réel. « Déjà il y a le grand classique dans le genre de la romance fantaisie, Sarah J. Maas avec Un palais d’Épine et de roses, elle a lancé une vraie mode en termes de titrage d’œuvre. » Un instant de pause pour réfléchir. « Dans un autre registre, mais toujours de la romance, Le chant d’Achille, une petite pépite, franchement ce livre je pourrais le relire tous les jours!  » Quelque chose qu’il était peut-être un peu plus susceptible d’apprécier, si tenté qu’il aime la mythologie grecque.

« Je pourrai t’envoyer un mail ou un SMS avec les titres, si tu le souhaites. », s’enquit-il doucement face à ce désordre vivant et pourtant si pétillant de joyeuseté. Il n’éprouve pas plus chaleureux, plus sociable et plus hospitalier que ces visages éclatant de béatitude, offrant une largesse d’esprit au monde civilisé qui s’étiole à chaque nouvelle génération. Elle se plie volontiers aux vieilleries, la curiosité régnant dans un humour bon enfant, une ambiance affable et le bon sens de ce que signifie la bonne humeur.

« Nous avons le temps pour cela. Si tu désires me faire une liste et catégorisée, je suis à l’écoute. ». Il ne prend pas aux minutes, n’expédie personne si le besoin est là. Fugace ou futile, perceptible ou urgent. Sans jamais rire au nez de qui que ce soit, la contemplation singulière auprès des uns et des autres. Il semble interrogatif. « Des œuvres tirés de la mythologie ? Si telle est le cas, je t’avoue être curieux à ce propos. Mais ne fais pas selon mes goûts sensibles, bien qu’admirable. Je t’en remercie. Je suppose que cela s’étend, en termes de romance, à toutes catégories ? Quelles sont les plus appréciées dernièrement ? ».

Risque-t-il à ses dépens, de ses sous-genres et l’écriture sans nul doute saignante à ses rétines aguerries. Néanmoins, rien n’arrête sa curiosité de lecteur, comme un amant désirant plaire à sa muse, prêt aux pires concessions pour la sublimer chaque jour un peu plus. « As-tu une autre boutique à visiter ? ». Ils ne paraissent plus s’attarder dans les rayons, voguant sous les mots sans poser les yeux sur quoi que ce soit les entourant. Ainsi, il questionne quant à la possibilité de détailler leurs conversations dans un lieu adapté. « Je dois passer chez un fleuriste, avant, j’espère que cela ne te dérange pas ? ». Llewelyn n’a rien de mystique, il garde simplement ses mots pour en questionner d’autres.

« Oh! J’adorerais! » Ses yeux pétillent d’excitation. Quel amoureux de littérature ne se réjouirait pas de découvrir de nouveaux récits. Peut-être montre-elle bien plus son engouement que d’autre, mais c’est dans sa nature, elle n’est pas très douée pour cacher ses émotions. « Oh oui, il y a vraiment de tout en termes de romance et dans tous les genres. Le dernier livre en date que j’ai lu, donc avant ce bad boy là… » Elle lève rapidement la main pour montrer le livre entre ses mains. « … C’est “Le Serpent et le Descendant de la nuit”, un truc avec des vampires, très dark, très cru, mais j’ai adoré! Sinon il y a les livres du Grishaverse qui sont très cool, surtout Six of Crows, mon préféré. Et si tu veux plus doux, très cocooning, on a Heaven Official’s Blessing, un light novel chinois que j’ai beaucoup aimé, même les autres livres du même auteur sont très bien, c’est de la romance gay par contre, je sais que ce n'est pas pour tout le monde, mais perso, j’adore, de vrais petits bonbons en sucre ces bouquins! Enfin, je te ferais une liste par sms aussi parce que sinon on y est encore un siècle. »

En grande touche-à-tout qu’elle est, elle peut encore parler pendant des heures de ses découvertes, mais non seulement elle possède bien trop de livres pour se souvenir de vraiment tout, elle risque donc de passer à côté de vraies pépites, mais si elle ne s’arrête pas, les employez du magasin seront obligé de les virer pour pouvoir fermer. Un grand sourire orne ses lèvres. « Rien de bien particulier, j’avais prévu de faire du lèche-vitrines de toute façon, donc aucun endroit en particulier a visiter! »

Ses yeux brillent d’excitation à la mention d’un fleuriste, sa curiosité soudainement bien plus éveillée. « Ooooh, un fleuriste? Un cadeau pour une belle? Ou un beau? Quelqu’un a courtiser? » Le regard lourd de sous-entendus, elle lui laisse à peine le temps de répondre avant de passer sa main sous son bras, un geste bien familier qui ne passera probablement pas inaperçu pour quelqu’un de son influence. Que ça puisse plaire ou non, pour elle, sa nonchalance fait simplement partie de son charme. « Je paye ça et je te suis. » Elle le traîne à la caisse bras dessus bras dessous, paye rapidement et se retourne vers lui, sourire aux lèvres, cette fois-ci en lui laisse son espace personnel, prête à le suivre.