outfit || Quatre jours s’étaient écoulés depuis son agression. Ses blessures étaient toujours visibles, mais il s’était quelque peu amélioré pour les camoufler. Son maquillage n’était toujours pas digne d’un professionnel, mais il était moins choquant que le premier jour. Au moins, maintenant, il avait la bonne nuance de fond de teint et il avait aussi amélioré l’application de ce dernier. Le fleuriste avait essayé de cacher ce qu’il lui était arrivé, mais la vie avait décidé de l’exposer au plus de gens possibles ! Il avait passé la majorité de son temps en arrière-boutique, laissant son employée s’occuper des clients lors des heures les plus achalandées. C’est que Ji Sung n’avait pas voulu faire peur aux clients ! Malgré la gentille proposition, il avait refusé de sacrifier les précieuses pauses de son employée et était donc aller à l’avant. Évidemment, il avait fallu que quelques habitué.e.s viennent à ces moments fatidiques, posant les yeux sur son visage mal maquillé. Même Ji Hwan avait débarqué chez lui, alors qu’il lui avait dit de ne pas venir (s’inventant une maladie afin d’essayer de le maintenir au loin) ! Le fleuriste n’avait certainement pas pu échapper aux regards inquiets de son apprentie, lui répétant à maintes reprises (avec douceur) de ne pas le fixer ainsi mais de plutôt se concentrer sur les fleurs. Elles sont plus délicates et fragiles que lui. Puis, c’est pour en apprendre plus sur les arrangements floraux qu’elle vient à la boutique, non ? Ce n’est pas pour regarder son patron pendant des heures !

-« Mademoiselle Byeol… Les fleurs. » lui rappela-t-il tranquillement, signant au mieux cette simple phrase.

Elle pouvait bien la lire sur ses lèvres, puisqu’elle le dévisageait encore avec cet air qui le faisait sentir coupable. Le jeune homme lui offrit un sourire tendre, souhaitant lui montrer qu’il ne la réprimandait pas vraiment. Cette fois, il lui montrait comment préparer un bouquet simple sans raisons romantiques ou tragiques. Un bouquet de tous les jours, un bouquet pour remercier ou pour simplement faire plaisir.

-« L’acacia, par exemple, représente l’amour platonique, la grâce et l’élégance. » expliqua-t-il calmement, en lui montrant la fleur.

Ji Sung hésita quelques secondes, cherchant les signes appropriés, puis tenta de lui répéter ce qu’il venait de dire avec ses mains. Il n’était pas absolument certain d’avoir bien fait, mais la demoiselle lui ferait vite comprendre s’il s’était trompé. Le fleuriste lui montra comment bien l’agencer avec le reste du bouquet, puis l’invita à créer son propre bouquet, se tenant à sa disposition pour la guider ou répondre à ses questions.

( Pando )

outfit | Chaque jour passé à la boutique était un véritable rêve devenu réalité pour Byeol. Elle adorait se rendre sur son lieu de travail, se sentant épanouie, comprise et acceptée telle qu’elle était, sans aucun jugement de valeur. Elle appréciait énormément travailler et apprendre aux côtés de Ji Sung. Il était patient, pédagogue et surtout, il faisait des efforts pour signer, alors qu’il pourrait tout simplement laisser Byeol lire sur ses lèvres. La jeune femme appréciait sa sollicitude et prenait beaucoup de plaisir à lui apprendre de nouveaux signes chaque jour. Elle appréciait aussi qu’il la laisse parfois travailler dans sa bulle, sans ses appareils auditifs, quand elle avait le besoin de se couper du monde.

Mais depuis l’apparition des blessures sur le visage de son patron, Byeol ne lui demandait plus ce genre de service. Elle s’était beaucoup inquiétée pour lui, mais il n’avait rien voulu lui dire -et il en avait le droit-, sans doute pour ne pas qu’elle panique -et aussi parce que ce ne sont pas ses affaires-. Elle lui avait même proposé de ne pas faire de pause pour éviter qu’il côtoie les clients -c’était la moindre des choses qu’elle pouvait faire-, mais il avait refusé. Byeol avait alors décidé de prendre des pauses plus courtes, et Ji Sung ne s’en était même pas rendu compte. Bien qu’elle essayait de penser à autre chose, et surtout de ne pas s’inquiéter, c’était plus fort qu’elle : elle ne pouvait s’empêcher de regarder son patron, notamment son visage, notamment parce que c’était la seule partie de son corps sur laquelle ses blessures étaient visibles. Alors c’est tout naturellement qu’elle se fait doucement réprimander par le fleuriste. Elle se mord la lèvre, honteuse et s’excuse en signant : “Désolée… Mais vous êtes sûr que vous allez bien ? Vous n’avez pas mal ? On peut faire une pause vous savez…” C’était plus fort qu’elle. Les blessures de son patron lui rappellent de lointains souvenirs. Elle avait toujours été celle qui prenait soin des autres quand ils se faisaient battre par leurs professeurs. Même si la situation est totalement différente. Elle ne peut s’empêcher de lui demander si tout va bien pour lui et essayer de l’aider du mieux qu’elle pouvait, tout en restant à sa place.

Elle se concentre une nouvelle fois sur sa leçon du jour. Elle appréciait particulièrement les cours dispensés par Ji Sung. Elle se sentait réellement à sa place en créant diverses compositions, en laissant son imaginaire et sa créativité prendre le dessus et se matérialiser par les fleurs et autres plantes. Et puis il ne faut pas oublier qu’elle n’y connaissait pas grand-chose et qu’elle avait soif d’apprendre. Par exemple, elle associait l’acacia au miel, pas à une composition florale. Elle lui sourit quand il se met à signer sa dernière phrase. Elle le corrige sur les quelques fautes qu’il avait faites. Byeol était impressionnée par la vitesse d’apprentissage de Ji Sung. On pourrait presque croire qu’il avait signé toute sa vie. Elle ferme rapidement les yeux, imaginant le bouquet dans sa tête, avant de laisser ses mains prendre les différentes fleurs devant elle pour créer un bouquet représentant au mieux l’élégance, puisque c’était ce qu’elle voulait exprimer aujourd’hui. Elle se tourne vers Ji Sung quand elle hésite entre deux fleurs, voulant avoir son avis, ne voulant surtout pas se tromper ou le décevoir. C’était ce qu’elle redoutait le plus. Et puis elle s’arrête quelques secondes, le temps d’écrire ses deux prochaines questions : “Est-ce que l’acacia peut avoir une autre couleur ? Et est-ce qu’il y a une couleur ou une plante avec laquelle vous êtes le moins à l’aise ?” Byeol n’avait pas ce genre de difficultés, en tout cas pour le moment, mais elle était curieuse à ce sujet et avait déjà voulu lui poser la question à de multiples reprises, sans trouver l’occasion pour le faire. “Et vous êtes sûr que vous ne voulez pas faire une pause ? Vous n'avez pas mal ?”

( Pando )

outfit || Ji Sung ne savait pas si Byeol avait tenté d’appliquer à plusieurs autres boutiques, mais il avait commencé à apprendre le langage des signes dès qu’il l’avait engagée. Il s’assurait de garder des calepins ici et là, avec des stylos bien sûr, afin que la jeune fille ait toujours un moyen de communiquer sous la main. Bien sûr, ils pouvaient toujours utiliser leurs cellulaires, mais au cas où ces derniers manquent de batterie. Puis, il faut admettre que la clientèle plus âgée ne trouvait pas toujours très poli qu’on leur parle via un téléphone. (Même si… écran de cellulaire ou calepin, y avait-il vraiment une différence ?) N’étant maintenant qu’entre eux, ils n’avaient toutefois pas à s’en formaliser plus que ça. Le fleuriste tentait de signer au mieux de ses connaissances, essayant au passage d’attirer l’attention de la demoiselle sur ses mains et non sur son visage amoché. Il savait qu’elle pouvait toujours se rabattre sur la lecture des lèvres, chose qui ne l’aidait pas nécessairement dans le détournement d’attention ! Parce que même s’il tentait de cacher au mieux ses douleurs, ne se plaignant jamais et qu’il avait fait l’effort de se maquiller (même s’il n’avait pas vraiment de talent pour le faire), Byeol ne cessait de le regarder comme un bébé battu. Certes, Ji Sung avait conscience de ne pas être la tête d’affiche du modèle de l’homme virilement masculin, mais son ego prenait tout de même un petit coup à se faire regarder ainsi. Généralement, il se sentait assez en confiance dans sa boutique, la considérant comme son univers. Il avait toujours pu s’y réfugier pour s’éloigner des faiblesses qu’on lui accordait dans les autres sphères de sa vie… jusqu’à maintenant.

Il n’était pas fâché pour autant, comprenant les inquiétudes qu’il pouvait susciter… bien qu’il aurait aimé s’en passer. Le fleuriste se cachait justement sous vêtements et fonds de teint afin de moins attirer l’attention. Il ne pensait pas pouvoir se permettre de fermer la boutique pendant plusieurs jours, ni de l’ouvrir et la laisser aussi longtemps aux soins de ses quelques employé.e.s. Certes, tout le monde sait son boulot, mais Ji Sung avait du mal à laisser les autres faire le gros du travail. Sans parler du fait que la boutique était encore relativement jeune, donc, il n’a pas une énorme équipe. Doucement, il ramena son apprentie sur l’important sujet des fleurs.

-« Désolée… Mais vous êtes sûr que vous allez bien ? Vous n’avez pas mal ? On peut faire une pause vous savez… »

-« C’est très gentil, mais je vais bien, ne vous inquiétez pas. » répondit-il en signant tranquillement. « J’ai pris mes cachets. » ajouta-t-il, fouillant dans sa poche de pantalon pour en sortir un petit flacon de plastique.

Le fleuriste ne traînait pas sa pharmacie complète, mais plutôt une version voyage. Ayant ainsi toujours le nécessaire sur lui. Il avait développé cette habitude depuis tout petit, souffrant d’une santé à la fragilité parfois agaçante. Ji Sung avait d’ailleurs bien d’autres remèdes et médicaments dans son bureau, véritablement toujours prêt à se soigner afin de continuer à travailler. Le jeune homme remit son flacon dans sa poche, puis reprit la leçon là où il en était. Il hésita lorsqu’elle lui présenta deux fleurs, lui demandant son avis quant à laquelle se marierait le mieux avec son bouquet.

-« L’aster pourrait être intéressante pour le contraste des couleurs… mais la giroflée pourrait accentuer le côté ensoleillé… Les deux restent dans la symbolique de l’élégance, mais ont des nuances différentes. Selon le poème que vous voulez créer, l’aster peut signifier Croyez en moi ou un amour constant. Tandis que la giroflée veut plutôt dire Mon amour ne varie pas et la constance, encore. Personnellement, je trouve que la giroflée est une pointe plus romantique que l’aster… mais l’interprétation est libre à chacun et souvent, les clients veulent que ce soit joli, sans se soucier de la signification. » lui expliqua-t-il en lui écrivant le tout sur un calepin qu’il lui avait donné, notant toujours ses réponses de leçons dans celles-ci.

Le calepin était ainsi devenu un semblant de manuel pour elle. Du moins, c’était ainsi que Ji Sung le voyait. Le choix de la fleur restait tout de même celui de la jeune femme, aucune réponse n'étant mauvaise. Tout dépendait simplement du message qu'elle souhaitait composer. Il s'écarta légèrement pour la laisser écrire à son tour, attendant qu'elle lui montre son calepin avant de lire ce qu'elle souhaitait lui communiquer.

-« Est-ce que l’acacia peut avoir une autre couleur ? Et est-ce qu’il y a une couleur ou une plante avec laquelle vous êtes le moins à l’aise ? Et vous êtes sûr que vous ne voulez pas faire une pause ? Vous n'avez pas mal ? »

-« Tout va très bien. Je n’ai pas besoin de faire de pauses, c’est relaxant de travailler avec les fleurs. » répondit-il, essayant de signer.

Avait-il vraiment l’air si faible que ça ? Certes, il était amoché et pas au meilleur de sa forme, mais le fleuriste ne se pensait pas à l’article de la mort non plus. Ji Sung prit ensuite le temps de penser à ses autres questions, souhaitant lui répondre au mieux.

-« Il y a plus de 1 000 espèces d’acacia à travers le monde, de différentes couleurs, tailles, formes de feuilles, etc. Les plus utilisées par les fleuristes sont l'acacia dealbata (mimosa), l'acacia baileyana (acacia de Cailifornie), l'acacia pycnantha (acacia doré) et l'acacia tortilis (acacia tortueux). » écrivit-il avant d’aller lui trouver une photo de chaque espèce sur son téléphone. « Pour la seconde question. » reprit-il en signant. « J’ai longtemps eu du mal avec… l’acacia, justement. Mais, je me suis forcé à l’utiliser plus souvent dans mes bouquets pour surmonter le problème. » admit-il se remémorant combien cette fleur lui avait donné du fil à retordre !

Honnêtement, le fleuriste n’est pas toujours certain d’arriver à faire des bouquets très romantiques non plus. La majorité lui disent qu’il a tort, mais il n’est pas certain de vraiment connaître ou comprendre l’amour, alors, il n’est jamais exactement sûr d’écrire d’assez beaux poèmes floraux pour des sentiments si délicats. Or, il ne se pensait pas assez à l’aise pour l’admettre à Byeol.

-« Et toi ? Il y a une fleur ou une plante que tu as plus de mal à mettre dans tes bouquets ? » demanda-t-il, curieux de savoir s’ils devraient travailler sur quelque chose de particulier.

( Pando )