V. Entertainment

C'est là que ma nouvelle vie commence. Le fruit de mes efforts finalement récompensé par quelqu'un qui a vu mon potentiel. Manipuler les algorithmes, répandre mon art chaotique sur les réseaux sociaux, rejoindre qui le veut bien par ma voix; tout ça c'est bien, mais avoir une réelle plateforme? Les possibilités sont infinies.

J'entres dans la place, un peu plus fébrile que je ne pourrais l'être habituellement. On me demande ce que je fais ici, qui je viens voir. La personne à la réception qui essaie de faire office de chien de garde, mais qui en vrai n'est qu'un moustique à mes yeux. « Vox. Il m'attend. C'est par où? » Elle pointe une direction malgré elle, mais essaie de m'arrêter, disant qu'il est très occupé. Blablabla. De vides paroles.

Les mains dans les poches, je marches dans la direction approximative qui m'a été pointée, suivant le bruit. Un brouhaha qui semble un peu violent, des cris, du chaos. Le voilà, devant moi : le noyau chaotique de ce groupe décousu. Le pire comité d'accueil pour la majorité, mais quelque chose d'étrangement satisfaisant à mes yeux.

Sourire aux lèvres, j'accote mon épaule contre le cadre de la porte, observant la situation qui se dessine devant moi. Allait-on remarquer ma présence? En vérité, le plus de temps cela prendrait, le plus drôle ça serait. Alors je porte mon vape à mes lèvres, sans vraiment me soucier si c'est permis ou non.

Ses paumes restent dans ses poches, sous le vacarme quotidien de ses meilleurs acolytes. Entre Val et sa fâcheuse manie à être aussi doux dans sa voix pour susurrer les plus belles insultes auprès de ses protégés que Velvet brisant tout en morceaux autour d’elle, car l’une des apprenties ne comprend pas le sens de la mode. Et lui cligne des paupières, les épaules affaissées dans ces bruits assourdissants, l’envie d’opérer un galant demi-tour afin de laisser les beuglements pour les autres. Ses rétines capturent une ombre méconnue, un sourire se glissant sur ses babines en s’approchant de son nouvel acolyte. « Hades ? Mais que voilà ! », s’exclame-t-il avec un entrain faussé, regardant l’horloge connectée ici et là, sous le bâtiment beaucoup trop moderne. « Hum, j’ai eu un léger contretemps, tu ne m’en veux pas, j’espère ? Bien sûr que non, ton air ravi me dit le contraire. ».

Apôtre de l’enfer, se languissant des cris et de la discorde. Avec élégance, il l’invite en dehors des casses, des vêtements jetés et des insultes proférés contre quiconque osent lever la voix. Cela étant, tout ce qui côtoie le bâtiment pense irrésolument être intouchable et les rois d’un monde souillé, de quoi faire rouler des yeux le maitre de la V. ent. Néanmoins, il ne peut pas se plaindre : c’est bien lui qui concentre tous ceux-là dans un même univers. « Je vois que tu as déjà pris tes aises, c’est très bien. Fait attention à ne pas le faire près de Velvet, elle tient à ses tissus et ses croquis plus que nos vies. Nous venons de commencer, ce serait dommage de devoir se confronter à de la paperasserie. ». Surtout avec les flics de la crim', il n’a pas le temps pour ce type de scandale. « As-tu des questions ? Je vais te montrer ton lieu de travail. ». Autant commencer efficacement, n’est-ce pas ?

L'entrain qu'il a dans sa voix pue le fake; c'est évident que Vox en a plein les bras avec... peu importe quel genre de drama se trame dans cette pièce. Drama qui me fait sourciller, un mélange de curiosité et d'amusement. Si c'est l'ambiance de tous les jours, je vais sans doute m'y plaire. Et si non... il y a moyen de mettre le feu aux poudres pour que ça soit plus excitant. Mais chaque chose en son temps, vaut mieux ne pas faire trop forte impression trop rapidement, trop maladroitement. Le chaos est savoureux, enivrant; mais il vaut mieux l'apprécier lorsqu'il est calculé, presque planifié méticuleusement.

Je le suis de près, tout en lançant quelques regards derrière moi, pouvant difficilement camoufler un rire. La scène était incroyable; des jurons, des vêtements qui volent de tous côtés... serait-ce une chaussure? Impressionant lancé, impressionante trajectoire. Mais sitôt trop loin pour apprécier les subtilités de cette dispute dont je ne peux malheureusement pas prendre part, je me retourne, vape aux lèvres, tandis que Vox parle de précautions et de paperasse. Bleh. Néanmoins curieux, je tape la paume de ma main gauche avec le bout du vape, à la recherche d'une sensation de brûlure ou d'une douleur. Rien? Dommage. J'hausse les épaules.

« Y'a d'autres règles, à part ne pas mettre le feu aux trucs de Velvet? » Mieux vaut savoir quelles sont les conditions du jeu pour bien s'installer et se faire maître chez soi. Mais, hormis la nécéssité de savoir les trucs ennuyants, ce qui m'intéresse, c'est le trône. « Simple et efficace, cool ça. » Alors je le suis jusqu'à mon futur chez soi, une expression satisfaite sur le visage qui ne veut pas daigner s'en aller. Ouais, ça allait être bien, ici.

Les épaules se soulèvent d'un mouvement théâtral comme ceux des séries télévisées. « Ne viens pas trop déranger Val quand il est de mauvaise humeur, mais c’est valable pour chacun d’entre vous, n’est-ce pas ? ». Il ne s’inclut pas de manière volontaire. « Mon but est que vous vous sentiez tous bien. Si tu as la moindre problématique, il ne faut jamais hésiter à en fait part. ». Il ne peut cependant pas régler les conflits internes et cela se ressent dans ses réponses évasives. Chaque membre de la V. ent est composé d’énergumènes aussi excentriques que dangereux. Un faux pas et l’entièreté du bâtiment peut se retrouver sous les flammes. Assurance ou non, il vaut mieux préserver le terrain d’entente.

Les couloirs sont impressionnants, cachant des aquariums ici et là, aux poissons plus exotiques les uns que les autres. Ils arrivent dans une immense pièce, abritant les besoins fondamentaux pour qu’on puisse entendre sa voix n’importe où. « De la meilleure qualité, évidemment. ». Ainsi que des terrariums et des aquariums et quelques autres éléments étrangement disposés, comme si les préférences d’Hadès étaient là. Encore une fois, les épaules se soulèvent et il opère un demi-tour, l’ombre d’un sourire en coin.

« Rien de mieux que de se sentir chez soi, même au travail, non ? Néanmoins, tu peux arranger l’endroit comme tu le souhaites. Cela n’appartient qu’à toi. Dis-moi et tout sera changé. Des couleurs au micro. ». Il claque des doigts, démontrant que tout peut être aussi rapide. Vox ne mentait pas en stipulant les traiter comme des Rois. Des Enfers, certes, mais il ne déroge pas à ses règles. Enfin, il remercie ses journalopes de se fondre dans les décors et apporter les informations nécessaires.

L'autre règle semblait suffisament facile à suivre: ne pas déranger Val lorsque l'humeur n'y est pas. Bon, on dit ça, mais en vrai, ce sont ces moments qui sont le plus agréables, ceux où les âmes sont un peu plus vulnérables aux moquerie. C'est là que le chaos nait, que la discorde est semée, que les flammèches deviennent éruptions. Alors une moue se dessine sur mon visage, sans trop me soucier si oui ou non Vox la voit. Il veut qu'on se sente bien, mais mes envies sont sous clé, enfermées dans une cage qui m'empêche en quelque sorte de m'amuser au dépit des autres. Cette activité dangereuse, mais si enivrante.

« Ouais, j'imagine. » Je me contente d'une courte phrase, sans pouvoir m'empêcher de penser qu'en vrai, Val est probablement pourri s'il est aussi incapable de garder son calme. Boo.

Mes pensées sont interrompues par cette apparition dans mon champ de vision, ces poissons qui nagent le long des murs, dans ces aquariums d'apparence impressionante. Hormis le chaos des émotions humaines, de rares êtres vivants arrivent à capter mon attention: ces êtres vulnérables qui nagent, s'approprient la surface aquatique en entier pour leurs propres besoins; et les reptiles, animaux souvent venimeux, souvent craints, souvent méconnus, mal compris. Un animal de compagnie, peut-être, pour un Hades qui vient tout juste d'atteindre ses 18 ans, une récompense pour être finalement libre.

Et le voilà, justement, le terrarium parfait pour le premier animal qui pourrait faire partie de ma vie. Un endroit approprié pour un gecko, pas trop gros, pas trop petit. J'hoche la tête, satisfait, avant d'observer le reste. La pièce était agencée en mon goût, d'une manière presque glauque, presque effrayante. Incroyable comment quelques conversations peu révéler les traits d'une personne; incroyable comment Vox y est arrivé. « Tout est parfait pour l'instant, en vrai. L'endroit pourra évoluer en même temps que moi, plus tard, mais pour là? Rien à changer je crois. »

Son claquement de doigts arrache un sourire à mon visage, et je tourne mon regard à nouveau vers ce terrarium observé plus tôt, songeur. « Tu connais un endroit cool où se procurer un gecko? » Expression satisfaite au visage, je continue à marcher dans la pièce, observant chaque coin, testant le confort de la chaise, la portée du bras du micro, absolutement tout. Ouais, il n'y avait rien à changer.

Il hoche la tête. « Évidemment. Tout bougera à partir du moment où tu le voudras. Rien n’est définitif. Que cela soit dans six mois, dans un an, peu importe. C’est ton espace avant tout. ». Il arrivera à dégoter des sponsos suffisantes et d’autres financements pour les promesses, les streams et autres pépites qu’Internet réclame assidument aujourd’hui. Tout va tellement vite dans la société et les mentalités s’abrutissent de tout ce qu’ils n’obtiendront jamais que cela devient un gain, comme un argent de poche pour tout investisseurs qui se doit. « Je connais quelques animaleries qui pourront t’aider dans ce choix. Ils sont assez rapides et réglementaires, tu l’auras avant de t’en rendre compte. ». Praticité d’avoir trouvé une perle rare, surtout pour ces poissons exotiques et autres espèces se pavanant au sein de V. Ent.

Les désirs des fous sont les ordres des sensées. Reste à savoir jusqu’à quand. « Je te laisse bien évidemment la décision finale dans les programmations. Tu auras une équipe autour de toi pour le bon fonctionnement. Je m’occupe essentiellement de la partie vidéo, si tant une collaboration venait à naitre pour une promotion quelconque de nos artistes. Je n’ai aucun doute que nous nous entendrons sur les deux parties. ». Vox n’est pas récalcitrant à travailler en équipe, il gère une panoplie d’employés dont l’hystérie est comme un café au matin. Énergisant et profondément passionnant. Parfois lassant dans la théâtralité, mais la vie n’est-elle pas qu’un vaste champ de perfidie hypocrite jouant sur le sentimentalisme pour prétendre à ce qu’elle ne peut offrir ?

Plus jamais il ne retombera dans ce même désespoir. « Est-ce que tu souhaites rester encore un peu ici ou veux-tu que je te montre les principaux étages que tu utiliseras ? ». Visualisant le personnage, bien d’autres ne lui seront d’aucune utilité. Woojin a fait en sorte de bien délimiter ces poules aux œufs d’or en leur vouant les meilleurs services, proche de ses bureaux et ceux qui suivront la queue entre les jambes pour rester en vie. Les plus carnassiers dévorent et les autres restent sagement en retrait, Vox pense assurément que sa métaphore est justifiée devant son interlocuteur, lui adressant un sourire poli.

La fébrilité s'emparre de mon corps, soudainement; je fais les cents pas, le regard incapable de se reposer sur un seul élément de la pièce. Mon espace, déjà amplement suffisant pour l'instant, mais quand même. Mine. Mes paroles étaient véridiques, en vrai. L'endroit est parfait, évoluera avec moi, mais rien à changer dans l'immédiat. Cela n'empêche tout de même pas l'imaginaire de s'emporter, les idées de grandeur de s'installer. Les possibilités sont infinies, les jeux de couleur, les décorations, les potentiels collaborateurs et où ils pourraient s'installer. Et il y a ce sourire qui reste sur mon visage, dents bien affichées, un Hades bien heureux.

Téléphone à la main, je décide finalement de prendre quelques photos au cas où, sans oublier d'ouvrir l'application Notes pour recueuillir d'importantes informations. « T'as les adresses par coeur? J'y ferai un tour quand on aura terminé, je crois. » Impossible de cacher cet enthousiasme en moi, les étoiles dans mes yeux à la simple pensée de finalement être propriétaire d'un de ces animaux dont la majorité ont peur pour aucune raison. Autant bien profiter de l'occasion le plus vite possible.

« Une équipe? Genre quoi? » C'est la curiosité qui s'affiche désormais sur mon visage plus que de la confusion. Oui, une équipe, ça allait de soi. Mais combien d'entre eux, où allaient-ils être, quelles tâches étaient-ils en charge? Malgré le potentiel, malgré la portée de mes réseaux, mon âge me trahissait, parfois. Plonger tête première dans des situations sans expérience avait ses inconvénients, comme devoir gérer l'inconnu. Rien de bien dramatique, of course.

C'est l'inconnu qui ne sait pas gérer Hades.

Les sourcils froncés, je croise finalement les bras, songeur. « Hmm.. » Allais-je réellement fréquenter d'autres endroits? Ce trône sur mesure n'était-il pas suffisant? Mais, en même temps... « Ouais, pourquoi pas aller voir le reste? J'suis chaud. » Savoir avec quoi on travaille, connaitre les environnements naturels des autres âmes qu'on fréquente pour mieux les déchiffrer, découvrir leurs forces et faiblesses, jouer de celles-ci pour semer le chaos lorsque le temps s'y apprête. C'est ça, aussi, le boulot.

Offrant par sms les noms des différentes animaleries, récupérées dans ses notes par un miracle hasardeux, il s’épanche sur les possibilités que représentera sa place dans ce monde de la radio. Nullement surpris par le manque de connaissance envers ce spécimen aussi rare qu’un peu flippant parfois. Même Vox ne s’amusera pas à convoiter quelque chose sans avoir l’impression qu’une lame frôle sa gorge. « Une équipe, bien sûr. Elles seront différentes, telles que la programmation, nos prodigieux journalistes qui chercheront chaque scoop entre les musiques à diffuser. Mais également toutes les équipes techniques pour le son, sa qualité, l’informatique dans sa mise en place avec le streaming. Les productions musicales et visuelles, pour des promotions dont tu seras le responsable. C’est toi qui choisiras ce qui sera diffuser. ». Ayant l’habitude avec Velvet et Valentino, un de plus ou un de moins ne sera plus tant un souci.

Avec une gestion efficace et une tracée pour que Woojin puisse vérifier les agissements, anticiper les futurs débordements et prendre à contrepieds les dérapages incontrôlés. Après tout, son rôle essentiel est celui-ci : réparer les casses avec son sourire hypocrite. Dérivant vers l’ascenseur et un nouvel étage. Les journalopes. « Ce sont des commères, par ici. Rien n’est un secret pour eux, je préfère te prévenir. Certains sont des fouines, mais tout se passe toujours très bien. Si tu as besoin d’une quelconque info sur quelqu’un : vient les voir. ». Il ne dévoile pas que rien n’est gratuit dans ce monde, il lui laisse ce plaisir et le sien ? De contempler les joutes verbales et les crachats qui suivront. L’industrie ressemble au Loup de Wall Street en un peu plus propre, tout de même. Il montre les boutons de deux étages spécifiques. « Ces deux-là, ce sont Velvet et Valentino. Tu n’y vas pas sans autorisation. Je te laisse voguer comme bon te semble, je suis au plus haut et toujours disponible, mais pas les deux autres. D’accord ? Nous sommes d’accord. ». Surtout Val et ses problèmes de colères. Entre les deux, il sait quasiment qui sera le vainqueur. Presque.

C'est un rare regard attentif qui est dirigé vers Vox, cette honnête curiosité qui s'empare de ma personne, l'âme qui jubile de connaître les maints détails autour de ce boulot beaucoup trop parfait, qui me fait comme un gant. Comme si le poste avait été sculpté spécialement pour moi, toutes les attentions qui y sont, toutes les particularités uniques et les précisions que seul Hades peut réellement admirer. Tout pour alimenter les idées de grandeur, des scénarios magistraux, le script parfait de la vie d'un dieu. Et ce dieu a une équipe sous la main, et il est libre de faire ce qu'il veut, maître de son destin.

« C'est vachement cool, quand même. Ça arrache de ouf même.[/b] » Et je dois jouer le jeu social, garder certaines pensées pour moi, ces idéaux qui devront patiemment attendre. Et en attendant, le reste de l'endroit nous attend, étage par étage, sans que leurs fonctions me soient réellement utiles, mais ma curiosité ayant besoin d'être assouvie. Et aussi, pour mieux savoir quelles cartes se retrouvent dans mon jeu. « Good to know, good to know. » Des fouines, une opportunité en or de découvrir les secrets, les enfermer dans un tiroir de l'esprit et les ressortir lorsque le moment est opportun. Mais avec modération, tout de même. Après tout, c'est beaucoup plus fun de déceler les discrétions par soi-même.

Et c'est une moue un peu déçue qui s'affiche au grand jour sur mon visage lorsque la triste nouvelle vient à mes oreilles: Val et Velvet sont hors limite, hors d'atteinte. Dommage. « Et si j'ai besoin d'eux? » Sans doute que le big boss aura son mot à dire. De toute façon, les deux chiffres sont bien ancrés dans ma mémoire; celui qu'il ne faut pas toucher, celui pour retrouver Vox au besoin.

Mais, tout de même, ma curiosité reste insatisfaite, et j'ose une question. « Y'a une raison pourquoi on peut pas aller les voir? » Secrets professionnels, incompatibilité, choses qui ne doivent pas se dire ou être vues, débauche et étincelles? Who knows?