Mains dans les poches, cigarette entres les dents, je marche d'un pas assuré sans me soucier si celui qui m'accompagne est toujours en train de me suivre. Il n'a qu'à garder le rhythme. Un drôle de type, ce Hanja. On dirait qu'il a tout pour lui, il est toujours bien habillé, il a tout l'argent qu'il veut; mais il cherche des sensations fortes?

Bon, c'est pas comme si je pouvais parler. Je suis pareil, après tout.

Tout l'argent du monde est dans mon compte de banque. Personne n'a pu me l'arracher. Pas la police, pas les carcasses de mes parents qui pourrissent à quelque part dans un cimetière, ou peut-être en prison, qui sait. Bon débarras. Et surtout pas  le reste de ma famille. Je peux faire ce que je veux. Le monde est à ma portée. Le monde est à moi.

Alors quand il s'est approché de moi, motivations ultérieures en tête, j'ai sauté sur l'occasion. Il ne sait pas dans quoi il s'est embarqué. Il deviendra un de mes apôtres au mieux, ou un martyr qui regrettera d'avoir voulu me faire confiance au pire. Dans tout les cas, il était temps de s'amuser.

« Tu sais dessiner? » La réponse importait peu. Je lâche mon sac à dos devant moi, celui-ci s'écrasant au sol faisant un bruit métallique. J'en sors quelques aérosols, et je regarde en direction de Hanja, le visage teint d'une expression difficile à déchiffrer.

Je jette ma cigarette au sol, l'écrasant violemment avec mon pied. « Sert toi », lui dis-je en lui tendant également un masque. « T'inquiète il est neuf », parce qu'on est fou, mais pas imbéciles.

C’était ton insouciance qui te rendait aussi libre. Ce qu’on attendait de toi, c’était de reprendre la direction de l’empire familiale. D’être celui qui serrait des mains, et offrait des sourires aux caméras. Le reste, tu le laisserais à tes employés. Ceux qui étaient payés suffisamment cher pour que le reste de ta vie ne soit qu’une succession d’amusements. Ça commençait aujourd’hui. Avec le dieu des enfers. Tu savais pas si c’était vraiment son nom, et honnêtement, t’en avais rien à foutre. Tu comptais sur lui pour te divertir. Pour rendre ton quotidien plus intéressant, moins banal. Y’avait pas pire que l’ennui pour un mec comme toi. Toi qui avais tout ce dont tu désirais. Toi qui pouvais marcher sur le reste du monde sans aucune crainte. Tu le suivais d’un pas léger dans tes vêtements qui semblaient simples mais dont le prix équivalait à un salaire annuel pour certaines personnes.

« Aussi bien que Picasso. » C’était ta réponse. T’étais pas un artiste et tu comprenais rien à l’art. Si t’avais des connaissances sur le sujet pour te donner l’air intelligent durant les galas de charité, ça t’empêchait pas de trouver la plupart des tableaux sans valeur. T’attrapais le masque qu’il te tendait « Ah…moi qui pensais qu’on était assez proche pour partager nos microbes. J’ai le cœur brisé. » Tu l’enfilais pour dissimuler ton petit sourire idiot et t’attrapais une canettes métalliques que t’agitais avant de viser le mur. Des trucs illégaux, t’en avais fait plein. Surtout en compagnie de gamins friqués comme toi qui n’avaient pas de limites. « Faut faire quoi ? Un truc anarchiste ou t’as des revendications à faire entendre ? Tu pouvais tout aussi bien faire un éléphant en chausson et une trompe en ballon.

Je n'avais jamais vraiment eu l'intention de m'aventurer dans une vie de crime. Mes parents étaient bien trop stupides, ils se sont fait criminels endurcis, se font fait avoir, en ont payé le prix. Je n'ai pas leur cerveau, ou devrais-je dire, absence de. J'ai mes neurones, fonctionnelles; et les ambitions qui viennent avec. Alors le crime? Ce n'était pas pour moi. Pas de vol, pas d'assauts, pas de meurtres, pas de fraude. Rien qui me mettrait davantage sur le radar policier que je ne peux déjà l'être, juste par ma connexion avec mes parents.

Mais ne pas vouloir être criminel ne veut pas dire respecter la loi tout le temps. Est-ce que briser quelque chose, mettre le feu à une poubelle ou faire un graffiti sont considérés comme des crimes? Techniquement, oui. Mais ils sont suffisament mineurs, suffisament insignifiants pour qu'ils soient des exceptions. J'avais trouvé la ligne que je ne voulais pas franchir, et je la connaissais bien. Alors ce soir, je joue du bon côté de la ligne. Et je ne suis pas seul, cette fois-ci.

« T'inquiètes, ça s'apprend. » Hanja n'était qu'un potentiel jouet au début, et cette impression qu'il regrettera dans quoi il s'est embarqué reste toujours camouflée dans un creux de mon esprit. Pas que je suis inquiet, Si ça arrive, ça arrive; il n'aura juste pas été assez fort. Et je ne me tiens pas avec ceux qui sont trop faibles. Mais en même temps, le gamin est attachant. God damnit.

Il a des ambitions, lui aussi. En vrai, il n'a pas l'air de savoir qu'il en a, mais tout le monde a un petit quelque chose. Il est curieux, il a de la volonté, il est heureux d'être ici. Il a du potentiel, le petit. « C'est ça la beauté de la chose, tu fais ce que tu veux. Y'a pas de règles. » Je lui souris mesquinement avant de mettre mon propre masque et m'attaquer à un pan de mur, peinturant rapidement un doigt d'honneur avec un signe d'anarchie sur l'ongle levé. Puis, à côté, je fais autre chose; un emoji, similaire au logo de Nirvana, mais un peu plus diabolique. J'hausse les épaules en guise de suite à ma réponse d'auparavant. La limite, c'est lui qui la fixe.

C’était épuisant, de ne jamais rien ressentir. De ressentir ce vide en toi que n’importe quelle connerie ne pouvait combler. Dans le fond t’étais qu’un gamin qui tentait d’attirer l’attention de ses parents trop souvent absent. Ça fonctionnait pas, alors t’étais là, à suivre Hades, sans remettre en question son nom. T’étais pas un mec difficile dans le fond. T’aimais flirter avec l’illégalité, te faire poursuivre par les flics tout en sachant qu’ils ne pourraient jamais te garder plus de quelques heures en apprenant l’identité de ton père. T’étais pas choqué de dégrader un mur, t’étais même un peu exalté d’essayer quelque chose que t’avais jamais fait avant. « J’apprends vite » que tu répondais d’un ton fier alors que tu bombais le torse. Tu fixais le mur pour visualiser l’œuvre que t’allais y laisser. T’avais jamais dessiné de ta vie. Alors t’allais pas faire grand-chose avec une bombe de peinture. Pourtant tu doutais pas une seule seconde de tes capacités.

A sa remarque, tu te tournais vers lui, le regard plus sérieux. « J’en ai jamais eu, des règles. » Jamais assez d’affection pour t’arrêter dans tes bêtises. Tu gribouillais un mouton avant de changer de couleurs pour y ajouter quelques fleurs. Un univers qui détonnait avec le sien. Tu manquais de t’étouffer en découvrant son tableau avant de te marrer comme un crétin derrière ton masque. « T’as beaucoup de colère en toi ? Pas étonnant pour le roi des enfers.» Tu te donnais des airs pas très intelligents, mais t’étais bien plus cultivé que tu le laissais paraître. Les joies des professeurs particuliers payés une fortune pour gérer ton éducation. Ceux que t’aimais rendre fous en laissant croire que tu retenais rien de tes leçons. C’était bien plus drôle de provoquer leur colère plutôt que d’obtenir une gentille tape sur la tête. « Alors tu penses quoi du mien ?? » Les passants seraient enchantés non ? Tu les graciais de ton talent.

Ah, il est marrant, le gamin. Il apprend vite qu'il dit, et pas timidement. Non, il en est fier, sa posture entière avait changé, l'expression sur son visage le trahit. Il me fait rire, un rire léger comme presque personne n'est capable de le faire. Je ne sais pas trop si c'est parce qu'il me rappelle ce que j'étais plus jeune, ou si c'est parce qu'il me donne cette impression d'être beaucoup trop naif. Peu importe. Je m'amuse bien avec lui, et il faut en profiter avant que la réalité le frappe. Et quand ça arrivera, s'il reste dans les parages, ça sera peut-être une autre rare âme à ajouter dans la liste des importants.

Et mon sourire ne s'en va pas, surtout quand il dit qu'il n'a jamais eu de règles. Encore une fois, est-ce qu'il est trop naif, ou est-ce que c'est un miroir? Attachant, ce Hayan. Et tandis que je dessine d'autres trucs sur le mur, des symboles violents, des emojis apairés, que j'écris des slogans, il dessine sa première oeuvre. Nul besoin d'y porter attention toute suite, mieux valait attendre qu'il ait terminé. Trust the process.

« Dunno », je lance lassement, en guise de réponse à sa question. La colère, c'est un grand mot. Une des émotions primaires avec la joie, la tristesse, la peur, le dégoût, la surprise. En moi rugit un chaos, des flammes sans fin et un désir d'emporter le monde avec moi dans cet inferno. Mais est-ce de la colère à proprement parler? « Je porte pas trop d'attention aux émotions en général. C'est le résultat qui compte. »

Et en parlant de résultat, Hanja a terminé sa propre oeuvre. Je retire mon masque, victime d'une autre de ces émotions primaires: la surprise. Je cligne des yeux alors que j'essaie de processer ce que je vois. C'est certainement pas ce à quoi je m'attendais. « C'est uuuh... différent? » Finalement, c'est le rire qui reprend le dessus, et je tape le dos de mon complice, amusé. « Je m'attendais pas à ça! Mais c'est pas mal, y'a des trucs à améliorer, mais c'est un bon début. Good job. »

Profitant du fait que mon masque n'était plus dans mon visage, j'allume une autre cigarette. « Genre, l'ombrage est pas top. Regarde celui-là et le tiens, tu devrais voir la différence », ajoutai-je en pointant un graffiti un peu plus vieux mais plus détaillé. Quelqu'un avait décidé de montrer qu'il ou elle savait dessiner Bart Simpsons sur son skateboard. Good for them, really.

T’avais jamais pu laisser parler ta créativité (probablement parce que t’en avais aucune) et t’allais le démontrer avec ton œuvre absolument terrible. Toi tu le trouvais vachement bien ton mouton, avec sa laine bien fournie. Et puis les fleurs, y’en avait tellement que tu pouvais dire en avoir découvert une nouvelle espèce. Toi, tu ressentais pas grand-chose. C’était la solitude qui te rendait vite. Pas de colère, pas de rancœur. Rien à balancer sur un mur pour évacuer tes émotions. T’étais juste content d’être là. Avec un mec dont tu savais rien mais que tu suivais en toute confiance. S’il t’arrivait un truc, ça poserait uniquement un problème à tes parents parce qu’il n’aurait plus d’héritier. Ton absence, elle n’aurait aucun impact sur ceux qui t’avaient donné la vie. T’aurais dû trouver ça triste, t’étais juste résigné. Tu te laissais emporter par cette petite voix dans ta tête. A suivre des idées farfelues sans prendre la peine de réfléchir.

Son rire, tu le prenais pas mal. Au contraire. T’aimais bien l’entendre. Ça te donnait l’impression d’être un peu moins invisible. « T’as dit que y’avait pas de règles !! » T’en avais rien à foutre du reste du monde, de ce qu’on pouvait penser de toi. Tu te pensais tellement au-dessus qu’aucune réflexion ne pouvait t’atteindre. T’avais rien à revendiquer en dehors de frites plus grandes au McDo. Tu regardais le graffiti qu’il te montrait. Tu t’approchais, tu l’étudiais un peu avant d’avoir un moment d’illumination. « Hey mais c’est Tarte Simpson. » Encore une preuve que tu regardais pas assez souvent la télévision. En dehors de Top Chef qui te donnait des idées beaucoup trop grandes pour tes talents culinaires inexistants. « Tu fais du skate toi ? » T’en avais jamais fait. Encore quelque chose à ajouter à ta liste. T’avais toujours besoin d’un peu plus d’adrénaline. C’était le problème, de toujours avoir ce que tu voulais. Y’avait plus rien pour te surprendre. Mais Hadès, il était une très bonne nouveauté qui continuait de t’étonner.

Son oeuvre attire l'oeil de par ses attraits uniques, sa différence. Un mouton entouré de fleurs parmis les différents graffitis lettrés fait par quelques thugs qui essaient de marquer leur territoire, les dessins violents ou vulgaires, ou ceux qui essaient de passer un message. En soi, la différence n'est pas nécessairement mauvaise. Mais ça choque presque, surtout quand le vibe général d'un graffiti est à l'opposé de ce que Hanja a voulu monter au monde. Quelque chose d'unique, qui prouve un peu que le gamin manque de maturité. Mais ça, il y arrivera bien un jour.

Je pointe certains points à améliorer, comparant le tout avec un autre graffiti plus détaillé, fait par quelqu'un qui savait ce qu'il faisait. Un réel artiste, pas un wannabe, pas un thug. Et je ris, toujours aussi fort, quand il s'offusque à la vue de nouvelles « règles ». Hilarant, ce Hanja. « Bah ouais, pas de règles genre tu fais ce que tu veux. Mais si tu veux que ça aie l'air classe y'a des lignes directices à suivre. Mais c'est pas grave, c'est que des suggestions au final. » Des suggestions, des idées qui aident à guider ceux qui n'arrivent pas à trouver un cadre approprié dans le chaos de leur âme. Quelque chose qu'on encourage à respecter, mais qui n'est que le choix de l'être qui décide si oui ou non il veut se conformer.

« Tarte Simp- non, son nom c'est Bart, Hanja! » Je ris à nouveau, amusé par le lapsus. Mais mes yeux s'illuminent lorsqu'il change complètement de sujet, ses pensées incapable de rester sur place. « Du skate? Pas vraiment, j'ai un longboard chez moi parce que ça faisait classe comme déco. » Mais rien ne nous empêchait de faire notre baptême aujourd'hui-même, non? Je pointe en direction d'une boutique, non loin d'ici, qui pourrait justement nous être utile. « C'est ton jour de chance. T'as envie? »

Tu souhaitais à personne d’être dans ta tête. Cet amas d’idées pour la plupart destructrice que t’arrivais à gérer grâce à ton assurance et un sang-froid à tout épreuve. Tu te sentais invincible. Protéger. C’était la triste réalité de ce monde. T’étais né du bon côté. Chez ceux qui ne manquaient jamais de rien d’autre que d’amour. Et tu préférais avoir à bouffer dans ton assiette plutôt que de trouver une main à tenir. L’humain, il était vil. Indigne de confiance. L’argent, ça trahissait pas. T’avais fait ton choix depuis longtemps. Alors tu voguais au fil de tes envies avant de devoir supporter des responsabilités. Ta vie, tu comptais la vivre en quelques années. Profiter de tout ce qui s’offrait à toi avant d’abandonner ta liberté. « Mh. J’aime bien aller à l’encontre de ce qu’on pense de moi. L’effet de surprise !! Tout le monde pense que je suis un connard, j’le suis, mais j’ai aussi une âme d’artiste. Personne s’attendrait à ça de ma part. » Et son rire, il était largement suffisant comme récompense pour ton joli (ou pas) travail.

« Bart. Tarte. Y’a pas de règles, je décide de comment il s’appelle. C’est là toute la beauté du pouvoir. » Tu haussais les épaules avant de changer de conversation. T’en faisais des conneries. En montant à l’arrière de moto dont les conducteurs étaient inconscients mais t’avais jamais mis ta vie en jeu sur un planche à roulette. « Un longboard. Très bon choix. Bien mieux qu’un shortcake » que tu marmonnais plus pour toi que pour lui. Difficile de te suivre quand tu mélangeais tes pensées sans donner toutes les informations. Tu levais les yeux vers la boutique avant d’afficher un sourire amusé. « Carrément. » Tu lui donnais une tape sur l’épaule pour l’inciter à te suivre. T’avais jamais mis les pieds dans ce genre d’endroit. « Je veux le plus beau. Tu préfères lequel ? » Y’en avait du choix, t’y connaissais rien. T’allais en plus, sûrement lui refiler ensuite. T’étais du genre à te lasser rapidement. Il en fallait beaucoup, pour garder ton attention. « Après tu m’apprends. » Tu hochais la tête pour confirmer tes mots alors que tu pointais une planche avec une tête de mort. Bien son style, à Hadès.

Il mentionne le skate, et la boutique n'est pas très loin; alors, sans trop réfléchir, on y va, on fait ce qu'on veut. Une activité de plus dans notre chaotique nuit, celle où on est roi. Et il mentionne un shortcake sous sa barbe, une référence que je ne comprends pas trop, qui me fait plisser des sourcils mais que j'ignore quand même. On a tous nos secrets, ou nos aventures.

Alors on entre dans cet endroit où je n'avais jamais mis les pied, cet endroit où les employés nous saluent un peu trop informellement, qui me donne envie de les regarder de haut. Est-ce qu'ils savent qui est entré ici? Le grand Hades et son fidèle acolyte, Hanja? Est-ce qu'ils sont au courant des opportunités que cela peut donner à leur minable entreprise si les planches vendues sont de bonnes qualités, si j'ose leur faire publicité à ma foule de supporters, ceux qui s'abreuvent de mes paroles? Heureusement, un seul regard suffit pour qu'ils comprennent leur place.

On a pas besoin d'eux, on a pas besoin d'aide. On sait ce qu'on veut, parce qu'il n'y a pas de règles.

Hanja demande mon opinion, comme s'il était important pour le choix de sa propre planche. Mais, en même temps, l'attention m'arrache un petit sourire amusé. S'il me demande mon avis, c'est qu'il croit qu'il importe, c'est qu'il en a besoin. « J'aime bien celui-là, perso. » Je pointe le même que Hanja, un design en noir et blanc, quelque chose qui ressemble à un tatouage sur planche, quelque chose qui ressemble au roi des ténèbres. Honnêtement, mes yeux s'étaient d'abord arrêtés sur des designs un peu plus colorés, mais comment dire non à une image de crâne? « Mais après, tu prends celui que tu veux, hein. Oublie pas, y'a pas de règles. »

Sauf celles de la loi. Et encore...

J'attends donc que Hanja choisisse la planche qu'il veut, et on se déplace vers les caisses. Parce que oui, les règles, mais il ne faut pas s'attirer des ennuis pour rien. « J'te l'achète? Cadeau de... je sais pas, ton anniv en retard ou en avance. » Et, une fois la facture réglée, on ressort, et je pointe un coin tranquille, là où on pourra se pratiquer. « On va aller là, y'a personne, ça va être plus calme. Et comme ça si tu te casses la gueule y'aura que moi pour rigoler. » C'est suffisant, non?

T’avais pas de liste, de ce que tu voulais faire. Tu prenais les choses comme elles venaient sans jamais mesurer les risques. Avec Hadès, la vie était plus drôle. Et faire du skate, ça te semblait être une bonne idée même si ton équilibre était des plus précaires. Toi tu remarquais même pas les employés, bien trop bas dans la chaine alimentaire pour attirer ton attention. « Ouais, il est trop cool celui-là. » Un style bien lointain de celui de gentil garçon que t’exposais en public. Aujourd’hui, tu devais plaire à personne. T’étais le maître de ton destin et tu comptais bien en profiter. Tu t’apprêtais à sortir ta carte de crédit, mais t’étais surpris par son geste. « Hein ? Un cadeau ? D’anniversaire ? » Tu fronçais les sourcils. Personne t’offrait jamais rien, parce que t’avais déjà tout. Et tes parents, ils se souvenaient même plus quel jour t’étais né. Tu te contentais d’afficher un sourire de crétin, tu savais pas dire merci. C’était tout comme.

T’ignorais toujours les employés en sortant, sans même dire au revoir, bien trop emballé à l’idée de monter sur ta planche. « Tu me sous-estime ! Je suis doué pour tout ! » Mensonge. En fait, c’en était pas vraiment un. Parce que t’y croyais vraiment, à tes paroles. Tu cherchais un endroit plus calme, pas trop pentue et sans trop de cailloux. « Prépare toi à être subjugué. » Oh oui, il allait l’être. Par ta maladresse et ton incapacité à tenir débout sur un objet roulant. Tu mettais que quelques secondes avant de finir le cul par terre. T’étais un peu sonné et tu massais doucement le bas de ton dos. « Je crois que y’a un problème avec le skate. » Of course, c’était pas toi le problème. L’incompétent.