Bouteille, ma meilleure amie..   @Hwang Gyuri

---

Papier froissé entre les doigts. Bouteille pleine dans l'autre main. Le corps étalé dans l'herbe alors que le jour décline doucement. La nuit apporte sa fraicheur. Sa noirceur. Un bouchon qui saute et ses lèvres contre le goulot. Le coeur perdu et l'esprit inondé de regrets. Pas de larmes, il avait déjà trop pleuré. L'Espoir éteint pour ce soir. Priant pour ne pas voir les étoiles cette nuit.

Plus loin, de la musique, des rires. Certains s'entrainent entre eux avant qu'il ne fasse trop noir. Trop froid. Hope ne bouge pas. Fixe le ciel s'assombrir. Puis, ses paupières s'abaissent. Des images reviennent. Des sons résonnent à ses oreilles. Passé lointain. Douceur aux traits fins et à la peau pâle. Gamine à peine plus âgée qu'elle. Un rire sonnant comme une clochette tintant l'entrée dans une boutique vieillotte. Un sourire sur les lippes, le coeur au bord des lèvres. Redressant son corps allongé, une main se portant à sa bouche. L'alcool n'a pas parcouru ses veines depuis tant de temps, il aurait presque oublié les effets. Il avait presque oublié le dégoût et l'envie se mêlant.

Ses doigts se desserrent sur la lettre. Fixant les mots noir sur blanc. La photo jointe. Elle avait été la seule à chercher son contact après son départ. La seule à lui avoir donné des nouvelles lorsqu'elle s'en était sortie. Jeune femme douce, promise à une belle vie avec celui qu'elle aimait profondément. Grandissant dans un cadre trop sexué pour elle, avant de devenir amante d'un homme bien. Partenaire de vie, fiancée, femme. Une photo de son échographie, de son enfant, de sa famille. Hope avait vu son évolution par des clichés et à travers ses mots, ses paroles. Nouvelles régulières et pleines d'une tendresse presque familiale.

Alors pourquoi si brutalement..?

Serait elle plus heureuse dans les étoiles ? Sans le passé pour la poursuivre. Sans l'incertitude de l'avenir. Sans les cauchemars qui devaient hanter chaque gosses ayant eu leur vie passée. Oublier serait la meilleure chose ce soir. Demain il aviserait. Les jours suivants, il s'en remettrait. Mais cette nuit, l'Espoir se voulait éteint. Mort peut être même. Caressant l'alcool de sa langue qui en détestait le goût. Saoulant son esprit pour fondre les pensées dans un brouillard de plusieurs heures.  

Le corps retombant dans l'herbe, un voile sur ses iris tournés vers le ciel. Adieu temporaire pour la joie et les sourires. Retour d'une mélancolie serrant le coeur.

Une soirée un peu banale, comme les autres. Sans trop savoir quoi faire de mes temps libres, c'est les rues de Hongdae que j'erre, masque au visage, se fondant dans le décor. La musique qui tonne, les rires et les brouhahas qui se fondent entre eux, les foules qui s'assemblent et se rapprochent alors que le soleil se cache pour la nuit et que la lune fait son entrée. Certains s'amassent près d'une scène improvisée, là où un jeune groupe d'idoles tente de se faire connaître, performent leur première chanson dans l'espoir de percer dans ce dur univers.

La nostalgie m'emporte, et le sourire aux lèvres, c'est des souvenirs d'il y a plusieurs années qui me heurtent de plein fouet. Etchan, moi et les deux autres en ce même endroit, l'espoir aux yeux, débordantes d'énergie. Tous ces efforts pour finalement n'avoir qu'un ou deux albums vendus de plus le lendemain matin. Téléphone à la main, je filme le tout, m'assurant que leur logo soit bien visible pour ne pas oublier. Ils sont doués, ils méritent que leurs efforts soient récompensés. Une mention dans mon prochain live, une story sur instagram, peu importe. Si je peux aider, je le ferai.

La performance terminée, mes pas me ramènent à nouveau au milieu de la rue. Âme errante, sans trop d'objectifs, incapable de déterminer quelle est la prochaine étape. Une foule de gens apparait soudainement, une énorme bande d'amis cherchant un peu de divertissement en cette populaire rue. Sans se soucier de ceux autours d'eux, ils envahissent l'espace, passent d'un côté et d'autre de ma personne, m'étouffent presque de leur présence. Ainsi, la vague finalement passée, je m'éloigne du centre pour me mettre en retrait, reprendre mes esprits le temps d'un instant.

Une ombre, une silhouette, quelque chose attire mon regard. Les yeux plissés je regarde en sa direction. La noirceur a déjà envahit les lieux, et l'herbe si peu illuminée pourrait camoufler n'importe quoi ou n'importe qui. Tout de même, ma curiosité l'emporte, et prudemment je m'enfonce dans la froide pénombre, pieds dans l'herbe. Mes yeux s'habituent à la nuit, et la silhouette se transforme en une forme familière, celle d'une autre personne au sol, le visage aux traits connus. « Sunbaenim! » Le pas plus pressé, je tombe finalement à ses côtés, genoux au sol, tentant de l'asseoir à mes côtés. « Est-ce que ça va? Êtes-vous blessé? » L'odeur qui émane de cette bouteille d'alcool ouverte atteint mes narines, et mon estomac se noue d'inquiétude.