« Rappelle-moi pourquoi on est là, déjà ? », s’enquit-il, le timbre baissé sous la tension. Les yeux vitreux, vidé de son âme devant ces boules de poils courant partout autour d’eux, dont plusieurs ont élu domicile sur le policier. Leon a beau devenir morose et essayer de les chasser, ils reviennent systématiquement à lui, comme s’ils avaient compris qu’il ne les portait pas irrésolument dans son cœur. Il faut, en plus, que les plus poilus inondent son vêtement sombre par du blanc. Il fait semblant de ne rien voir, la peur de devenir un tantinet trop cinglant et méchant, pinçant les lèvres devant son collègue amusé de la situation. Il pointe sa main vers lui, comme un enfant en crise. « Et pourquoi ils sont sages avec toi et pas avec moi ? Ils font peur à me fixer comme cela. ». Il lève le menton et approche sa paume, comme s’il cherchait la bagarre avec un gros chat tricolore.

Heureusement, cela n’est rien de méchant, retirant des poils avalé par, il ne sait quelle magie, les rides de frustration sur le visage. Oui. Son rouquin capricieux doit se sentir seul, c’est pour cela qu’ils sont ici. Néanmoins, cette ribambelle de court sur pattes ne l’emballe pas, imaginant avoir un deuxième fripon sautant partout et détruisant l’entièreté de son appartement. Il n’y survivra pas. Déjà qu’il cache la plupart de ses plantes ou bien se sert d’un pulvérisateur d’eau en guise d’arme contre celui qui vient mordiller sans autorisation. « Tu ne veux pas en adopter un ? ». Il remercie gentiment son collègue d’être venu avec lui, baissant la tête face à un gris sur ses épaules, les yeux relevés vers son vis-à-vis dans un appel à l’aide silencieux.

« Tu ne voulais pas adopter un chat ? » Répondit Shi Heon au tac au tac, nullement honteux de sa présence en ces lieux. Il aimait les animaux cependant il avait aussi conscience que, dans sa situation, ce serait compliqué pour lui de s’en occuper. Certes, il ne vivait pas seul mais il ne voulait pas imposer quoi que ce soit à Byeol, tout comme il n’était pas certain de vouloir une boule de poils dans ses pattes, aussi mignonne était-elle. Avec douceur, le sourire aux lèvres, il caressait les chats qui venaient à lui, jamais trop sauvages au contraire de ceux qui n’hésitaient pas à grimper sur son collègue. « C’est parce que tu leur ressembles, ils veulent te dominer. » Taquina l’officier, ne résistant jamais à charrier l’autre garçon qui se montrait grincheux face aux circonstances, alors qu’il n’y avait rien de dramatique aussi. Puis, franchement, dans leur métier, ils croisaient des personnes plus terrifiantes que de multiples chats. Ces derniers étaient d’ailleurs probablement bien plus humains que tous ces criminels qui entravaient leurs routes et méritaient le pire.

L’esquisse présente sur son visage ne s’effaçait pas tandis qu’il choyait les félins près de lui, attendri par deux d’entre eux qui ronronnaient et demandaient toujours plus de caresses. « Je n’ai pas le temps. » Des paroles qu’il prononça sans détourner son regard des chats qu’il câlinait. « Puis je ne suis pas certain qu’il ferait bon ménage avec moi. » Il avait beau être sociable, il n’était pas le meilleur maître et, par-dessus tout, il tenait à la propreté de son logement. Rares étaient ceux et celles qui franchissaient les portes de sa maison, justement parce que c’était son petit cocon, Shi Heon ignorait s’il était prêt à confier son foyer à un animal avide de tout détruire. « Les chats c’est mignon, mais c’est mieux chez les autres. » Exactement. « Tu n’en as pas trouvé un qui te donne envie de l’adopter ? » Après tout, ce n’était pas lui qui avait proposé de venir au refuge, mais bel et bien Leon ; le jeune homme pouvait l’aider à se décider, s’il le désirait, hors c’était l’unique chose que Shi Heon ferait.