L’index et le majeur viennent tapoter la petite épaule, croisant le regard chocolaté et sans nul doute surpris. « Finis ton déjeuner dans mon bureau, tu seras avec moi cette après-midi et sûrement en soirée. ». La phrase est à peine terminée que la silhouette du plus âgé se redresse et parcours la cafétéria sous les regards curieux. Inspecteur à la criminelle, il ne vient quasiment jamais entourer des nouvelles recrues, lorgnant sur l’insigne et les années de services. Rien ne l’intéresse concrètement, continuant son chemin en écoutant les pas suivant son rythme. Il laisse le gamin entrer dans sa pièce jonchée de documents divers, de photos disposées sur un tableau géant et d’autres stéréotypes qu’il laisse toujours pour le plaisir des plus engagés. Leon apprécie quelque peu cette flatterie aucunement nécessaire, mais modérée et appréciable.

Il prend place sur sa chaise, secouant la main dans le vide. « N’avale pas de travers. J’ai vu avec ton chef ce matin, tu vas me suivre sur une durée indéterminée concernant une affaire en cours. Nous pensons que cela peut être intéressant pour toi d’élargir les champs de ce que la police offre. Et tu seras, de toute manière, confrontée à l’une de ces situations. ». Celles qui paralysent les sens et font revenir les tripes jusqu’aux lèvres dans un dégoût à peine déguisé. Le dossier s’ouvre et il le retourne, le plaçant devant les yeux innocents. « Il n’y a pas de schémas propres sur les victimes. Que cela soit au niveau de la corpulence, de l’ethnie, du sexe ou même de l’âge. Les habitudes, les passions, ils n’ont rien en commun. Seul un détail : ils ont tous acheté un appareil photo en ligne. ».

Il désigne l’objet sur le cliché. Un modèle quelque peu obsolète, bien que la vague vintage ayant fait des affaires auprès de la nouvelle génération. « On a essayé de retracer, mais, évidemment, impossible de mettre la main sur le vendeur en question. Toutefois, le tueur le sait et nous dépose un charmant tableau. ». Leon prend le temps d’exposer les photographies les unes après les autres. Bien qu’horrifiquement réussi, la beauté de la scène n’a rien à envier sous son horreur sous-jacente. « Il prend en photo certains moments, à des heures spécifiques, pour nous mener sur des pistes. Je dois aller sur la nouvelle scène et j’aimerais que tu viennes avec moi. ». Il pose tout de même la question, personne n’est jamais préparé à l’humanité dans sa plus mauvaise apparence.