Ses nerfs ne savent pas trop si c'est la fébrilité ou l'anxiété qui est au rendez-vous, incapable de faire la différence entre la réaction physique que les deux émotions peuvent affliger. La nausée qui va et vient, les étourdissements, la volonté de prendre ses jambes à son cou et retourner se cacher dans la quiétude de son appartement, là où tout la sécurité est de mise. Il laisse échapper quelques regards furtifs vers la porte d'entrée, lui qui vient pourtant tout juste d'infiltrer la file. Juste à temps, même; quelques groupes de personnes envahissent la librairie, présents pour la même raison que tous : cette séance de dédicace de Kim Freya, inspirante, impressionnante.

Mais, livre entre les mains, les doigts tremblotants, il respire doucement, calme ses ardeurs, se dit que ça vaut la peine. Rencontrer l'auteure d'un de ses livres préférés, une occasion qui n'arrive pas à tous les jours, une décision qu'il espère ne pas regretter malgré cette sensation de serrement autour de son cou, ce souhait de se faire tout petit malgré son imposante stature. Il n'est pas difficile à manquer, le grand gaillard, du haut de 183 centimètres, épaules larges; il fait même tache dans la foule, parmis le flot de fans d'un autre genre, beaucoup plus petits, vêtus différemment. Il ne fait pas partie de la démographique habituelle d'une librairie, même s'il n'y a pas de barrières à la lecture.

C'est finalement son tour, et timidement il présente son livre, celui aux pages froissées, à la couverture abimée; l'usure qui trahit les maintes lectures qui précédaient ses nuits, chaque mot sur le papier comme une douce caresse qui attendrit les cicatrices, les histoires qui bercent les âmes les plus fragiles et qui chassent les cauchemars trop souvent fréquents. « Bonjour... » Il ne sait pas trop quoi dire; c'est sa première fois à un tel événement, jamais n'a-t-il osé auparavant, tant une séance de dédicace de livre comme celle-ci qu'un événement de musique, lui qui est pourtant si fan d'un impressionant nombre de groupes. Il n'est pas fait pour les foules, la faiblesse de sa voix ne correspond pas à l'imposante montagne qu'il peut être physiquement. « J'ai tout vos livres, ils m'aident à relaxer... » Un timide aveu, difficile à entendre; il n'ose pas lever le ton, ne veut pas empiéter sur personne.