Bijou brillant dansant devant tes pupilles ébahies, tu observais chaque détail comme si tu pensais ne jamais en revoir la forme. La tête se penchant en douceur d'un côté puis de l'autre, les couleurs captivaient ton attention sous tous les angles, ne laissant aucun temps mort à ta contemplation. Les sourcils faiblement froncés, tu vins pincer les lèvres avec une douce force, un son à peine audible venant vibrer dans le fond de la gorge. Et tu distinguais alors ton reflet dans la vitrine, te redressant brusquement, le souffle coupé – comme si on venait de te surprendre. Comme si regarder faisait de toi une voleuse et tu te mordis la lèvre, la culpabilité étirant un instant son visage avant qu'elle ne soit remplacée par l'embarras. Tu reculas d'un pas, les mains jointes dans ton dos, feintant l'innocence alors que ton regard s'élevait vers le ciel. Gamine triomphant alors dans ce corps d'adulte, tu émis un faible rire, l'attention se portant alors sur ta camarade. Tu l'avais délaissée au profit de ce pendentif, les pupilles se dirigeant automatiquement vers ce dernier à la pensée. Ce n'était que les courbes d'une sirène et les couleurs divines qui l'accompagnaient. Loin de l'image de Calypso – mais personnage important des contes et des légendes. Tu ne pourrais jamais oublier cette idée de régner sur les mers ainsi. Ou bien encore ces destins tragiques de ces hommes naviguant sur les océans dans des temps anciens. A ce qu'on racontait, du moins. Et tu te rappelais de ces histoires chantées par la voix mélodieuse de ta mère. Souvenir lointain à présent mais que tu chérissais comme les autres. « Il est joli, le collier », dis-tu, le regard toujours tourné vers lui, le sourire léger. « J'ai presque pensé à Ariel comme nom de scène », confias-tu l'anecdote dans une esquisse amusée. Mais Calypso était un personnage plus emblématique encore, d'une certaine façon. Tu gardas le silence une nouvelle fois, le coin des lèvres tombant faiblement avant que tu ne pousses un soupir – comme pour t'encourager. Et les prunelles retombèrent vers Gyuri, le sourire retournant sur ta bouche. « Il faudrait que je me décide à trouver le cadeau pour mon frère. Que peut-on acheter à un enfant de douze ans ? Des cartes Pokemon ? », tu plissas un peu le nez, songeuse, ayant cependant bien des idées pour lui faire plaisir. Toutes semblaient bonnes et en même temps ça ne te semblait pas assez... « Je pensais pas que ce serait aussi compliqué », tu parlais comme une jeune mère au foyer – allant jusqu'à mettre tes mains sur tes hanches dans une frimousse à la fois perplexe et presque agacée. « Si tu as des idées, je suis preneuse. Je pensais prendre un bijou mais... non. Une montre ? Peut-être une montre et des cartes Pokemon ? », t'y tenais aux cartes Pokemon apparemment. « On commence par quelle boutique ? Tu veux t'acheter quelque chose de particulier ? Hésite pas à me dire quand tu auras soif ou faim. Il faut penser à s'hydrater c'est important. On pourra s'arrêter quelque part si jamais », t'étais qui, sa mère ?

Les pensées qui vagabondent d'elles-mêmes, au rythme des pas qui guident les deux âmes au creux de ce centre commercial. Deux âmes en quête d'un certain répit, probablement; s'enfuir des caméras, des regards qui scrutent leurs moindres faits et gestes à toute heure de la journée, des inquiétudes, des émotions qu'une personne de leur statut social n'a pas le droit d'évacuer en public. Des cris et des pleurs parfois étouffés au creux d'un oreiller, lorsque tout le monde dort, de peur qu'une des autres membres ne découvre ce qui se trame derrière cette carapace.

C'est ce qu'elle a l'impression de faire, Gyuri, en tentant de vivre une vie soi-disant normale; accompagnant Li Na au centre commercial, ou traînant Yaejin avec elle un peu partout pour éviter qu'elle ne se mette dans le pétrin. Jouer la grande soeur avec les plus jeunes, ou essayer simplement d'être une bonne amie pour celles qui sont plus prêt de son âge. L'envie que chacune des membres sourient, sincèrement, à chaque jour. Etchan, Iseul, Li Na, Mina, Yaejin. Nari.

Mais, parfois, elle se demande si elle est seule, là-dedans.
Ou si elle a le droit d'assumer que peut-être est-ce le cas pour les autres.
Peut-être Li Na, elle aussi, cherche à s'enfuir de quelque chose.

« Quoi? » La voix lointaine de la plus jeune la sort de sa transe, elle qui s'était arrêtée devant une vitrine, plusieurs pas derrière la leader. Et celle-ci se ramène immédiatement aux côtés de la jeune chinoise, curieuse de voir ce qui a pu capter son oeil. Un pendentif à l'effigie d'une sirène, brillant, éblouissant. Et sans doute hors de prix. « Ariel? C'est joli, ça te va bien, en vrai. » Mais toutes les significations sentimentales au monde n'auraient pas pu permettre à la plus jeune de choisir ce nom, concept oblige. Et c'est dommage, se dit Gyuri, qu'une jeune fille doit troquer son individualité pour les biens du concept que la compagnie a méticuleusement préparé.

Elle continue de fixer le pendentif, hypnotisée par son élégance et la lumière que les gemmes reflètent; telle une réelle sirène, faisant de Gyuri sa nouvelle victime comme si elle se retrouvait sur un bâteau, loin de la rive. Et elle se surprend à se demander combien ledit pendentif coûterait, pour ne pas avoir à rompre le contact visuel. Des pensées qui s'évaporent en un instant, remplacées par quelque chose d'un peu plus enfantin. « Douze ans tu dis? Hmmm... » Et, comme ça, Gyuri se remémore son enfance, tente de se rappeler des goûts de Shin Gyu à cet âge crucial, mais en vain. Son frère lui manque. Loin de son jumeau pendant si longtemps, l'impression qu'une partie de son âme est restée à Mokpo avec lui. Peut-être est-ce pour ça qu'elle ne se sent pas complètement entière.

Heureusement, Li Na est là. Et sa posture de grande soeur énervée fait naître dans la gorge de Gyuri un rire franc, qu'elle accepte à coeur joie. « Tu parles comme si tu avais six enfants aux couches! » Et, un grand soupir plus tard, elle reprend ses esprits. « On devrait aller dans un truc de jeux pour trouver de l'inspiration pour ton frère. Y'a probablement des cartes Pokémon là-bas aussi, si tu y tiens! »

Et le reste des paroles que Li Na prononcent s'échappent d'entre ses lèvres à un débit presque spectaculaire, elle qui semble s'inquiéter au même niveau que la leader peut s'inquiéter des autres. Elle a tendance à s'oublier, Gyuri; vouloir que tout le monde dorme bien la nuit, ou que tout le monde mange à sa faim ou boive jusqu'à plus soif, quitte à ce qu'elle ne mange que le fond de la casserole ou qu'elle ne boive que les dernières gouttes d'eau restantes. Et l'attention lui fait chaud au coeur, même si elle a l'impression que Li Na ne devrait pas avoir à se soucier de ce genre de chose. « T'inquiète pas pour moi, on ira manger quand on aura faim toutes les deux. On a le temps! Il faut s'occuper de ton frère en premier. » De son doigt elle pointe la première boutique qu'elle voit qui semble répondre au thème recherché. Et, extatique, elle agrippe doucement la main de sa camarade. « Allez, opération rendre un gosse de douze ans heureux, start! »