Deux jours s’étaient écoulés seulement depuis sa fameuse altercation qui l’avait laissée dans un sale état. Ji Sung avait l’habitude qu’on le confonde avec son double, mais certaines rencontres étaient plus drôles que d’autres. Alors que plusieurs en auraient voulu à leur copie de les avoir mis dans cette situation, pas le fleuriste. Il était presque reconnaissant que ce soit tombé sur lui, plutôt que Ji Hwan. Lui, il avait encaissé, sans rien dire. Son frère, lui, aurait sûrement répondu avec la même hargne et peut-être plus de rage encore… Réponse qui n’aurait sûrement rien arrangé. Certes, il se sentait un peu coupable de s’être laissé tabasser, peut-être qu’on prendrait son frère pour un lâche à cause de ça… mais il espérait surtout que cela terminerait cette histoire. “Ji Hwan” s’était pris une raclée, on pouvait donc l’oublier et passer à l’affaire suivante. Le jeune homme espérait, naïvement, avoir pu être utile à son frère. Puis, il préférait souffrir lui-même que de le voir dans un état similaire au sien. Grâce aux précieux conseils de Yin Hua et aux tutoriels YouTube dont il s’aliénait, il avait réussi à améliorer son maquillage et mieux cacher ses horreurs. De nature calme, ses gestes n’étaient jamais bien brusques, donc, il ne se faisait plus tant mal de manière stupide. Il arrivait à trouver une position confortable pour dormir et faisait attention à ne rien appuyer contre ses côtes encore douloureuses. Il commençait à croire qu’on lui avait peut-être fêlé une côte, s’immobilisant parfois à cause d’un mouvement qu’il regrettait instantanément. Le jeune homme avait d’ailleurs grimacé en soulevant un sac de terre trop lourd. Il avait immédiatement abandonné le projet et avait préféré fermer la boutique en cet après-midi pluvieux. Ji Sung enfila un manteau et prit son parapluie, n’ayant pas envie d’attraper bêtement une grippe alors qu’il souffrait déjà assez comme ça. Bien qu’il avait déjà envoyé un message à Ji Hwan pour annuler leur repas du soir, il préféra lui écrire qu’il allait “mieux”, donc de ne pas s’inquiéter, mais qu’il allait tout de même se reposer ce soir. Il craignait que son frère ne débarque en mode infirmière… s’il lui laissait croire qu’il avait vraiment la crève.

Le fleuriste n’aimait pas devoir fermer sa boutique ainsi, mais il savait que c’était toujours plus tranquille en ce jour de la semaine… sans parler du fait que c’était mort, s’il y avait de la pluie. Il avait donc de la chance dans sa malchance, puisqu’il pouvait donc se rendre à l’hôpital pour se faire examiner. L’attente n’y fut pas la plus agréable, mais au moins, il eut de la chance et elle ne fut pas trop longue. On lui fit une radiographie du thorax. Les résultats furent plutôt positifs : aucun organe n’avait été endommagé. On lui prescrit donc des antalgiques pour la douleur et lui conseille de prendre énormément de repos. Ji Sung refuse poliment la note d’arrêt de travail, n’ayant pas l’intention de fermer le Wild Flowers plus que cet après-midi. Il écoute avec attention les conseils qu’on lui prodigue, puis prend un bus pour rentrer chez lui. Le bruit ambiant lui rappelle qu’il n’a toujours pas commandé de nouveaux écouteurs et qu’il devrait sûrement le faire. Son esprit vagabonde, assortissant un bouquet de fleurs imaginaire rien que pour le plaisir de le faire, composant un message rempli de tendresse et de douceur pour une personne qui n’existe même pas.

Le jeune homme descend à son arrêt, ne tardant pas à rouvrir son parapluie pour se protéger de la pluie qui tombe de plus belle. Le son en est agréable, mais la fraîcheur de la température l’est un peu moins. Il marche dix petites minutes pour se retrouver devant son immeuble. Poliment, il salue le gardien et s’engouffre dans l’ascenseur. Une fois chez lui, il est surpris de trouver les lumières allumées. Ji Sung pensait les avoir éteintes avant de partir, mais peut-être avait-il la tête ailleurs. Il retire ses chaussures, son manteau et range son parapluie afin qu’il sèche sans tout tremper. Un soupir traverse ses lèvres, alors qu’il passe une main sur sa nuque tendue. Le fleuriste détache sa chemise fleurie, alors qu’il va directement à la salle de bain. On lui a conseillé de prendre des bains chauds, honnêtement, il n’a pas envie de tremper pendant des heures maintenant, mais une douche brûlante devrait aider aussi, non ? Il se glisse donc sous un jet qui fume, tant il est chaud. Sa peau tourne doucement au rouge, mais la chaleur lui fait du bien après cette courte marche fraîche. Il nettoie doucement le maquillage qui couvre son visage coloré, n’ayant pas besoin de le cacher alors qu’il est seul chez lui. (Enfin, il se croyait seul.) Sa peau a besoin de respirer aussi !

Embaumant d’un doux parfum floral, mais tout de même masculin, il sort finalement de la salle de bain avec une serviette noire sur la tête et une autre autour des hanches. Il se sèche les cheveux d’un geste automatique, sans trop y penser. Ji Sung avait l’intention d’aller s’habiller dans sa chambre, mais ses yeux s’écarquillent et il s’arrête en voyant…

-«  Ji Hwan !? » s’exclama-t-il, le prénom se trouvant étranglé par la surprise. «  Qu’est-ce que tu fais là ?! » demanda-t-il en paniquant.

Rapidement, il baissa la tête et tenta de cacher son visage derrière la serviette qui recouvrait ses cheveux, quelques secondes auparavant. Elle était juste assez longue pour couvrir aussi (à peu près) le haut de son corps qui était aussi couvert d’ecchymoses.

-« Je t’ai dit que j’étais… malade… mais… que tu n’avais pas à t’inquiéter ! » lança-t-il, essayant de subtilement se rendre à sa chambre.

Des vêtements cacheraient son corps coloré et s’il trouvait un masque pour le visage, il pourrait essayer de couvrir la majorité de celui-ci.

( Pando )

Lorsque Ji Hwan avait reçu le message de son double, l’informant qu’il devait annuler leur repas ce soir parce qu’il était malade, il s’était naturellement inquiété. Depuis enfant, Ji Sung avait toujours eu une santé plus fragile que lui ou même de leur sœur Ji Hae. Ses problèmes de santé avaient toujours suscité l’inquiétude de leurs parents, ainsi que celle des deux autres triplés, chaque fois qu’il ne se sentait pas bien. Bien entendu, Ji Sung connaissait très bien son frère. C’était pourquoi il avait presque automatiquement précisé que la situation n’était pas grave au point d’appeler les ambulances ou toute autre mesure d’urgence. En effet, lorsqu’il avait utilisé le terme malade dans son sms, c’était la première pensée à laquelle Ji Hwan avait immédiatement pensé. Probablement la raison pour laquelle il avait insisté jusqu’à finalement répondre par un simple ok, indiquant qu’il ne se verrait donc pas… Enfin, c’était ce qui était initialement prévu. Pourtant, voilà que le coréen se tenait devant la porte de l’appartement de son frère. Non, il n’avait pas respecté sa décision de base. Tout au long de la journée, il n’avait fait que penser à l’état de son alter ego, et son instinct lui soufflait que quelque n’allait pas. Etait-ce qu’on appelait le lien spécial entre jumeaux ayant grandi dans la même poche ?

Sûrement allait-il se faire réprimander par le dernier né en le voyant débarquer, même si voir Ji Sung en colère était plutôt rare. Si on devait caractériser le plus jeune de quelques minutes, ce serait la douceur, tout le contraire de lui. Il composa le code et pénétra. Aussitôt, le son de l’eau qui coulait, capté par son ouïe, lui indiqua que le troisième Cha était sous la douche. Parfait pour préparer la table en vue de déguster le délicieux poulet frit qu’il avait acheté au préalable avant de se rendre chez Ji Sung. Il ne lui fallut que cinq minutes à peine, juste le temps d’entendre les pas de son frère approcher dans le salon et de percevoir sa voix, surprise de le voir. « Salut, frangin ! » Un large sourire étira ses lippes alors qui leva la main pour le saluer, le laissant dire ce qu’il devinait déjà d'avance. « Je vois que ma présence te fait grandement plaisir. » dit-il sur un ton ironique, notant la réaction de son frère qui laissait penser le contraire. « Je sais que j’avais répondu dit ‘ok’, mais je ne pouvais pas ne pas venir, même si tu me dis que ce n’était rien. » avoua-t-il sincèrement. C’était plus fort que lui. Depuis leur jeunesse, il avait toujours protégé son petit-frère, et il n’avait pas l’intention d’arrêter de si tôt. « Je me suis dit que du bon poulet frit te ferait du bien. » Après tout, la nourriture était le meilleur des remèdes. « Va te changer et viens t’asseoir. » dit-il tout en se tournant pour ouvrir une canette de bière et prendre une gorgée en attendant son triplé.

Le coréen attendit sagement, se retenant d’attaquer immédiatement ce poulet qu’il savait parfaitement croustillant. Pour patienter, il décida de consulter son portable, vérifiant si sa petite-amie avait daigné lui répondre. Son message restait encore non lu. Combien de temps comptait-elle encore bouder ? Il n’en savait rien, mais cela commençait à l’agacer. Dire que tout était de la faute de ce type, repenser à lui ne fit que l’irriter qu’un peu plus, lui donnant une soudaine envie de boire d’une traite sa canette de bière. Son calme réapparut lorsqu’il vit son frère revenir, son visage dissimulé derrière un masque. « Tu m’as pas dit ce que tu avais. Tu es enrhumé ? Tu as la gastro ? Autre ? » Au premier coup d’oeil, il ne semblait pas être malade comme il pouvait l’être habituellement, mais étrangement Ji Hwan gardait cette même sensation qui l’avait embêté toute la journée.

( Pando )

Ji Sung avait toujours souffert d’une santé plus fragile. Il attrapait toutes les grippes, tous les rhumes, toutes les conneries impossibles… Souvent cloué au lit, il se perdait dans ses livres illustrés de magnifiques jardins alors que son frère et sa soeur se chamaillaient à l’extérieur. Au début, il les enviait, puis… avec le temps, il avait appris à apprécier sa tranquillité. Bien que sa santé se soit légèrement améliorée, elle n’a jamais voulu être au même niveau que les deux autres. Le fleuriste a donc encore cette fâcheuse tendance à facilement tomber malade. Il ne s’en plaint jamais vraiment, étant habitué et ayant l’équivalent d’une petite pharmacie chez lui. Il ne s’en sent embêté que lorsque cela l’empêche de travailler ou que cela l’oblige à annuler une sortie avec son frère ou sa soeur. Ce soir, pour une fois, ça l’arrange d’avoir cette condition de passoire. Le mensonge n’est pas quelque chose qui lui plaît, mais il pense que cette histoire causera moins de mal que la vérité. Ji Hwan et Ji Hae ont-ils vraiment besoin de savoir dans quel état il se trouve ? Et surtout pourquoi ? Probablement pas. Sûrement pas. Que pourraient-ils y faire, de toute façon ? Rien ne pourrait être changé et il s’est déjà rendu à l’hôpital. Le jeune homme préférait se dire qu’il était plus sage que Ji Hwan ne le sache pas. Sa réaction ne serait pas très jolie et encore moins pacifique, alors que justement, Ji Sung avait tenté de mettre fin à cette histoire violente ! Il est déçu de ne pas pouvoir voir son double, c’est bien vrai, mais le fleuriste se convainc que la prochaine fois ne sera qu’encore plus agréable. Puis, rien ne devrait le mettre dans une situation délicate, alors. Voilà, il réussit à enfin croire qu’il a fait le bon choix (même si ce dernier comporte un mensonge qui le démange).

Un soupir traverse ses lèvres, alors qu’il ferme les yeux et baisse la tête sous le jet brûlant de la douche. Comment occupera-t-il sa soirée, finalement ? Il n’y a toujours pas pensé. Il y a peut-être cette série dont tout le monde semble parler en ce moment. Elle ne l’intéresse pas vraiment, cela dit. Plus les gens lui en parlent, moins il a envie de la regarder. Ji Sung se tâte tout de même à la tenter, ne serait-ce que pour tenter de comprendre la folie. Il hocha toutefois la tête, se disant qu’il souffrait déjà assez comme ça, nul besoin de se torturer plus ! Peut-être pourrait-il plutôt commencer The big flower fight sur Netflix. Cela pourrait lui donner des idées intéressantes, en plus d’égayer sa soirée ! Le choix fait, la conscience presque apaisée, il coupe l’eau et sort finalement de la douche. La soirée sera sûrement courte, mais elle pourra tout de même être agréable. Tranquille, il pourra se reposer et…

QU’EST-CE QUE JI HWAN FAIT LÀ ?! Il lui file presque un arrêt cardiaque. Rapidement, le jeune homme tâche de cacher son visage coloré et les ecchymoses dessinés un peu partout sur son torse.

-« Salut, frangin ! »

Tout souriant, tout heureux, rempli de bonnes intentions… alors que Ji Sung pensait avoir réussi à le convaincre qu’il était malade, mais qu’il n’avait pas à venir jouer les infirmiers pour autant ! Il regrette immédiatement son mensonge, mais se demande tout de même comment continuer à le faire vivre.

-« Je vois que ma présence te fait grandement plaisir. »

Son ironie ne vient que tourner le couteau dans la plaie, alimentant cette douce culpabilité.

-« Je sais que j’avais répondu dit ‘ok’, mais je ne pouvais pas ne pas venir, même si tu me dis que ce n’était rien. »

Ji Sung ferma les yeux derrière sa serviette, hochant doucement la tête. Pourquoi fallait-il que son frère soit si attentionné ? Pourquoi fallait-il qu’il soit le faible triplé pour qui on s’inquiète tout le temps ? S’il était un peu moins chiant aussi, le fleuriste, peut-être qu’on le prendrait au sérieux ! Mais comment changer ?

-« Ce n’est pas que je ne suis pas content de te voir… mais… je suis malade… alors ma compagnie ne sera pas très amusante. Je ne voulais pas gâcher ta soirée. » tenta-t-il doucement, essayant d’au moins le corriger sur un détail.

Il tira un peu plus sur sa serviette, craignant de dévoiler un bout de peau violacée. Le jeune homme tentait d’ailleurs de se cacher derrière des éléments de sa décoration, profitant des plantes aux énormes feuillages pour soustraire ses blessures au regard de son frère.

-« Je me suis dit que du bon poulet frit te ferait du bien. Va te changer et viens t’asseoir. »

-« C’est de la soupe de poulet et nouilles… ou du porridge, la bouffe de malades, normalement. » répliqua-t-il avec un petit rire.

Heureusement qu’il ne l’était pas pour de vrai, cela dit. De la nourriture aussi grasse (bien que délicieuse) aurait pu être difficile à digérer (ou à garder), si sa santé avait décidé de faire des siennes pour vrai ! Ji Sung ne reste toutefois pas pour continuer le débat et s’éclipse dans sa chambre avant qu’on ne découvre son subterfuge. Il troque les serviettes pour un jogging gris et un haut à manches longues de la même couleur. Des vêtements amples et confortables. L’attirail parfait du malade, mais tout aussi indiqué afin de couvrir toutes ces marques et couleurs qui s’étirent sur son corps abîmé. Comment cacher son visage ? Le détail l’ennuie énormément… après quelques secondes à fouiller dans ses affaires, il met la main sur un de ses masques de papier avec un dessin de… Attack on titan ? Il ne se rappelle pas l’avoir acheté, mais on le lui a sûrement offert. En tout cas, les teintes rouges des muscles dessinés sous les yeux et sur les joues devraient aider à camoufler son visage. Il le gardera… toute la soirée s’il le faut et priera pour que Ji Hwan ne regarde pas ses yeux de trop près. Ji Sung passe rapidement une main dans ses cheveux, les ramenant le plus possible devant son visage. Toute l’aide sera acceptée ! Nerveux, plein d’espoir, il retourne auprès de son double. Il hésita un peu, mais finit par s’asseoir à sa place habituelle.

-« Tu m’as pas dit ce que tu avais. Tu es enrhumé ? Tu as la gastro ? Autre ? »

-« Le rhume viendra si la pluie et la fraîcheur s’attardent trop, mais… non. Je ressens… plus de fatigue qu’à l’habituel, en ce moment… mal de tête… quelques douleurs musculaires… Comme je t’ai dit, je n’ai rien de grave. Je dois sûrement commencer à me faire vieux ! » répliqua-t-il en forçant un petit rire, tentant de cacher sa nervosité.

Certes, il ressentait de la fatigue, mais c’était parce que son corps tentait de récupérer. Le mal de tête était une manière habile de dire que son visage le faisait souffrir, mais une fois qu’il serait guéri, tout irait mieux. Les douleurs musculaires étaient évidemment causées par son entêtement à travailler et parce qu’il faisait parfois des mouvements trop brusques.

-« Je pensais mourir devant un épisode d’une série de compétition de fleuristes, ce soir. Rien qui ne soit vraiment intéressant pour toi. » ajouta-t-il, sincèrement avant de se lever pour aller se chercher un verre d’eau.

L’hôpital lui avait tout de même prescrit des antalgiques, alors il n’allait pas boire d’alcool.

-« Je me disais que tu pourrais plutôt passer une meilleure soirée avec ta petite amie, au lieu de la gaspiller à t’ennuyer avec moi qui ne suis pas en forme. » lança-t-il, essayant de le convaincre de ne pas trop s’attarder.

Sa compagnie lui faisait, normalement, toujours énormément plaisir. Cependant, ce soir, plus il restait… plus il avait de chances de découvrir le véritable état de Ji Sung !

( Pando )

Bien qu’il avait tenté de se convaincre de ne pas venir, en voulant croire aux paroles de son frère, Ji Hwan n’avait pas pu résister à l’envie d’être à ses côtés. Sachant son triplé malade, il se devait d'être là, ne serait-ce que pour lui remonter le moral plutôt que de le laisser seul dans son coin. Un soupir s’échappa de ses lèvres devant l’absurdité des paroles de son double, qu’il ne perdit pas de temps à rétorquer :  « Idiot, qui t’as dit que tu gâchais ma soirée ? Si je suis là, c’est parce que j’aime être avec toi. » Jamais, ô grand jamais, Ji Hwan ne penserait passer un mauvais moment en compagnie de son double, même si leur caractère était diamétralement opposé comme le ying et le yang. Sans la moindre hésitation, si on lui proposait une soirée entre amis ou avec le fleuriste, il choisirait immédiatement son frère. C’était une évidence pour lui : son frère passerait toujours en premier, la famille avant tout.

« La bouffe de malades est déprimante. Ça, c’est pour le moral et bien meilleur. Allez, file au lieu de me contredire, ingrat. » riposta-t-il avec humour. son rire résonna à l’unisson avec celui de son double, qui s’éclipsa pour se changer, laissant le temps à Ji Hwan de disposer tout sur la table avant son retour. Dès qu’il arriva, le technicien du son le questionna, ignorant ce que pouvait couver son double. Toute façon, peu importe ce que c’était, il n’avait pas l’intention de partir, même si c’était contagieux. « Tu n’as pas la grippe, par hasard ? » En tout cas, les symptômes qu’il lui indiquait lui rappelaient vaguement cela, se remémorant l’état dans lequel il avait été l’année dernière. « Es-tu sûr de ne pas vouloir consulter un médecin ? Je t’emmène s’il le faut. » L’inquiétude se lisait clairement sur le visage du second, sachant très bien que même une grippe pouvait être alarmante compte tenue de la faible constitution de Ji Sung.

La conversation dévia, Ji Sung changeant habilement de sujet pour probablement faire oublier l’idée de l’emmener chez le médecin. Bien sûr, Ji Hwan n’était pas dupe, mais il avait déjà décidé qu’au moindre signe alerte, il m'emmènerait de force. Puis, dès le moment où le jeune homme avait évoqué ses symptômes, lui avait décidé qu’il resterait dormir ce soir chez son frère. Lorsque le fleuriste annonça son programme du soir, Ji Hwan savait déjà qu’il s’ennuierait probablement, car comme le disait son frère ce n’était pas un sujet très intéressant pour lui. Néanmoins, cela ne suffisait pas à le faire fuir. Après tout, il n’avait rien d’autre à faire de son côté non plus, surtout pas passer du temps avec sa copine. D’ailleurs, quand Ji Sung évoqua la demoiselle, Ji Hwan lui répondit sans détour, son ton laissant clairement transparaître qu’il s’était passé quelque chose : « Ne me parle pas d’elle. » Le jeune homme commençait à être de plus en plus agacé par la situation. Le silence radio de la demoiselle et son ignorance envers ses messages le lassaient également. « Madame a décidé de faire un break sans même m’en parler en amont. » Une décision unilatérale à laquelle il n’avait pu s’opposer, mais subir, ne comprenant pas pourquoi elle avait éprouvé le besoin de mettre leur relation en pause. « Ne t’avise pas à envoyer un bouquet en te faisant passer pour moi. » dit-il en pointant du doigt son double avec un petit pilon frit dans la main. Il connaissait bien les techniques de celui-ci pour l’aider à se réconcilier avec ses conquêtes sans lui demander son avis.

( Pando )

Comment Ji Sung avait-il pu croire qu’une fausse maladie suffirait à tenir son frère au loin ? Si Ji Hwan avait souffert d’une phobie quelconque des microbes, peut-être… mais rien n’avait jamais empêché les triplés de manger des galettes de sable quand ils étaient petits, rien ne le ferait aujourd’hui non plus. Enfin, les frigos remplis de bonne nourriture mettait tout de même quelques freins à la nostalgie croquante. Son double avait-il craint que ses placards soient vides alors qu’il prétendait être malade ? Le fleuriste s’était tout de même fait attaquer en revenant de l’épicerie. Il y avait perdu ses écouteurs, mais aussi ses achats pour le repas de ce soir-là. Sans parler de sa fameuse chemise qu’il avait dû mettre à la poubelle, puisqu’il doutait d’arriver à la nettoyer et la réparer correctement. Dans quelle poubelle l’avait-il mise ? L’avait-il sorti ? Ji Sung ne s’en rappelait pas et n’y pensait pas non plus, en sortant de la douche et tentant au mieux de soustraire son corps coloré aux yeux de son frère protecteur.

-« Idiot, qui t’as dit que tu gâchais ma soirée ? Si je suis là, c’est parce que j’aime être avec toi. »

-« Moi aussi j’aime passer du temps avec toi, mais je suis quand-même de meilleure compagnie quand je ne suis pas malade. » souffla-t-il pour sa défense (et pour que son double ne se fourvoie pas).

Cela dit, avait-il vraiment apporté un repas adéquat pour un malade ? Son menu ne balancerait-il pas plutôt du gras sur le feu ? Le fleuriste ne s’en formalisait pas réellement, appréciant l’attention (et sachant qu’il n’était pas malade, le mot juste se rapprochant peut-être plus de blessé). Ce n’est pas pour rien que Ji Hwan était technicien du son et non infirmier.

-« La bouffe de malades est déprimante. Ça, c’est pour le moral et bien meilleur. Allez, file au lieu de me contredire, ingrat. »

Son double n’avait pas tort en affirmant que les repas typiquement conseillés aux malades n’avaient rien de réjouissant. À croire que la nature aimait torturer ceux qui étaient déjà au plus bas. Il s’éclipsa toutefois bien vite, soulagé que Ji Hwan n’ait rien remarqué à ses nouvelles teintes qu’il s’arrangea pour couvrir de manière plus ou moins ingénieuse : des vêtements et un masque de beauté. L’autre continua de s’inquiéter de cette fameuse “maladie” dont il ne souffrait pas réellement. Enfin, oui, il souffrait… il avait de réels symptômes, mais rien qu’un sirop ou des pastilles pourraient faire passer.

-« Tu n’as pas la grippe, par hasard ? Es-tu sûr de ne pas vouloir consulter un médecin ? Je t’emmène s’il le faut. »

-« Ah ! J’y ai déjà été. C’est pourquoi je vais éviter l’alcool, ce soir. » admit-il, se disant que ce ne serait pas le mélange le plus judicieux.

Pas besoin de lui sortir la prescription médicale non plus, mais ainsi, Ji Hwan serait-il un peu rassuré ? Au point de laisser son frère tranquille et aller se la couler douce dans les bras de sa douce ?

-« Ne me parle pas d’elle. »

Ah merde ! Ji Sung venait-il d’aborder un sujet qu’il aurait mieux fait de garder mort ce soir ?

-« Madame a décidé de faire un break sans même m’en parler en amont. »

-« Pourquoi ? Qu’est-ce que t’as fait ? » demanda-t-il sans même penser que la jeune femme avait pu faire quelque chose.

En soit, cela aurait été possible aussi… mais Ji Hwan ne semblait pas d’accord avec cette pause, alors, elle ne devait pas avoir quoique ce soit à se reprocher, non ? À moins qu’elle ait décidé de prendre cette décision par culpabilité ?

-« Ne t’avise pas à envoyer un bouquet en te faisant passer pour moi. »

-« Tu dis ça comme si je me faisais passer pour toi à tous les jours… » répliqua-t-il, souffrant actuellement de la dernière fois (trop récente) qu’il l’avait fait.

Pourquoi Ji Hwan lui en tenait-il rigueur ? Ji Sung ne faisait que tenter de lui rendre service en faisant ça !

-« Tu ne voudrais pas reprendre avec elle ? Que les choses s’arrangent ? » demanda-t-il, entre deux bouchées de poulet.

Le fleuriste ne savait pas trop si elle était l’amour de la vie de son frère, n’ayant pas l’impression qu’il en était particulièrement fou amoureux. Cela dit, il avait conscience de ne pas être un expert en amour et de ne peut-être pas savoir ce que c’était vraiment, alors il était difficile de juger des sentiments des autres.

( Pando )