06. Junpidon
Which of all my important nothings shall I tell you first?

J’ai rendez-vous avec Ari, aujourd’hui. Ce fait ne quitte jamais bien longtemps mes pensées, puisque j’ai hâte d’entendre sa voix et de discuter avec elle. J’ai cru comprendre qu’elle n’était pas immunisée aux charmes de mon cher ami Hyun Su. Je ne sais pas l’avis de mon ami à propos d’elle. Je ne suis pas sûr s’il saurait de qui je parle, si je le lui demandais et je n’ai pas envie d’embarrasser ma pauvre Ari. Quoique… comment mon ami pourrait-il ignorer qui elle est !? Ari est une habituée de son café, il me semble. Puis, dans mes souvenirs, elle a toujours été très jolie ! Si moi qui suis aveugle le sait, clairement que Hyun Su l’a remarqué avec ses deux beaux grands yeux toujours fonctionnels ! Peut-être devrais-je lui demander si une cliente ne fait pas battre son petit coeur, commencer par tâter le terrain… y aller subtilement. J’ai plusieurs amies… il ne pourrait tout de même pas se douter directement que c’est d’elle que je parle ! Puis, même si je n’avais qu’une amie, il pourrait ne pas faire le lien quand-même. Ari n’est pas la seule cliente (bien qu’elle soit sûrement la plus mignonne). Mes doigts quittent le piano. Vraiment, je n’arrive pas à me concentrer sur cette mélodie que je tente de composer depuis plusieurs heures. Mon esprit vagabonde trop. Entre les pensées joyeuses au sujet d’Ari et les souvenirs un peu moins amusants qui s’amusent à venir me troubler, l’exercice est bien difficile. Heureusement, je n’avais des cours à donner que ce matin. Je devais en donner encore cet après-midi, mais mes deux élèves ont dû annuler. C’est pourquoi je pensais pouvoir travailler sur cette chanson que j’aimerais présenter pour un petit concours indépendant. Vu comment ça n’avance (pas), j’aurais peut-être mieux fait d’accepter l’invitation de mon autre ami à aller au gym ! Mais bon, tant pis.

Je finis par me lever, abandonnant définitivement l’instrument et vais me changer. J’échange mon jogging pour un jean et mon t-shirt pour quelque chose d’un peu plus habillé. Sans être vêtu pour aller faire un photoshoot de magazine, je tiens à tout de même être présentable pour mon amie. Je prends soin de me coiffer, retouchant ce que j’avais fait ce matin pour aller travailler. Je ne pense pas que ma chevelure s’était transformée en nid d’oiseau, une fois que j’étais rentré chez moi, mais on ne sait jamais ! Je mis une touche de parfum, tapotai mon visage pour m’assurer qu’un affreux bouton n’avait pas décidé de profiter de ma cécité pour se pointer. Tout semblait correct ! Je pris donc mes affaires, puis sortit. Ma fidèle canne en mains, j’empruntai le même chemin que d’habitude pour me rendre aux transports en commun. Le trajet n’était pas bien long. Les gens se montraient compréhensifs et gentils, aujourd’hui. Même qu’un garçon m’arrêta avant que je ne traverse la rue, alors que le feu était passé au vert… pour les voitures. Je le remerciai chaleureusement et attendis de pouvoir passer sans y passer, littéralement. Quelques minutes plus tard, je poussais la porte du café à chats de mon ami. La chaleur et l’odeur si particulière des lieux m'accueillirent. Je saluai l’employé, me demandant si Hyun Su était là aussi ou s’il était sorti faire une commission. Je n’étais pas venu pour lui, mais Ari ne se plaindrait pas d’avoir quelqu’un de beau à regarder pendant qu’elle me parlait, non ? L’employé me dit que mon amie était déjà arrivée. Je le remerciai en souriant et me dirigeai vers notre place habituelle.

-« C’est moi que tu avais hâte de retrouver pour arriver en avance ou… ? » demandai-je, la taquinant dès que j’arrivai là où elle devait se trouver.

Si la table est vide parce qu’elle est aux toilettes, j’aurai l’air con quand-même ! Mais qui me jugera ? Catzilla ? Peut-être. Je posai mes mains sur la chaise que j’occupe habituellement, m’assurant qu’il n’y avait rien dessus et que je pouvais bien m’y asseoir.

-«  Tu ne m’attends pas depuis trop longtemps, j’espère ? » ajoutai-je en prenant place devant (je l’espère) mon amie.

L’employé avait dit qu’elle se trouvait à notre table habituelle et, généralement, je me situe assez bien dans ce café. Mais qui sait ! Aussi bien, j’ai mal compté mes pas et je m’assois devant un.e inconnu.e qui se demande ce que je fais là !