Ji Ah s’éveilla avec un frisson dans cette chambre d’hôtel bien trop luxueuse pour sa personne, la lumière du matin filtrant à travers les rideaux ternes illuminant son visage. Elle passa son bras au-dessus de ses yeux, un grognement étouffé s’échappant de ses lèvres. La migraine menaçante qui pulsait dans son crâne lui rappelait la nuit mouvementée qu’elle venait de passer, et surtout du nombre de verres ingurgités. Après quelques minutes, elle se redressa lentement, une main posée sur son front, essayant de rassembler les fragments flous de la nuit précédente. Elle avait passé la nuit avec un homme. Un homme dont le nom résonnait maintenant dans sa tête avec une lourdeur insupportable : Ahn Shi Heon. De tous les hommes sur cette terre, il était celui avec qui elle n’aurait jamais imaginé se retrouver au lit, encore moins souhaité, pour une multitude de raisons. Le riche l’avait toujours exaspéré et cela depuis le le lycée où plusieurs fois il l’avait balancé lorsqu’elle fumait en cachette, quand elle sautait au-dessus du muret pour sécher les cours ou quand celui-ci tentait de la séduire avec son égo surdimensionné. Comme s’il pensait que toutes les filles succombaient à son charme. Certes il avait un beau physique, mais jamais il n’avait réussi à attirer son attention, bien au contraire, moins elle le voyait, mieux elle se portait. Et pourtant à cause de ce foutu alcool, la jeune femme avait couché avec lui.

Le bruit de l’eau qui ruisselait, lui fit comprendre que le trentenaire n’était plus à ses côtés et devait très certainement être sous la douche. C’était l’occasion parfaite de s'éclipser au plus vite, sans avoir à l’affronter et surtout son satané égo. Elle quitta le lit, se glissant hors des draps. Ramassant ses vêtements éparpillés sur le sol avec précipitation pour ensuite les enfiler à la hâte. Son esprit était déjà en train de tracer le chemin le plus rapide vers la sortie quand son regard fût irrésistiblement attiré par la veste du Ahn soigneusement posée sur une chaise. Elle savait qu’elle devait partir, mais quelque chose dans cette veste semblait lui murmurer qu’elle valait la peine d’être inspectée de plus près. Se laissant guider par son instinct, elle fouilla silencieusement les poches, ses doigts à la recherche de quelque chose d’intéressant. Soudain, elle sentit quelque chose de plat et rectangulaire. Gagné ! Elle tira l’objet de la poche, un portefeuille. Elle l’ouvrit, découvrant dans un premier temps la carte d'identité du garçon, aucun intérêt, puis en l’ouvrant elle y découvrit quelques billets? Un sourire étira ses lèvres alors qu’elle ne réfléchit pas bien longtemps pour les prendre afin de les ranger dans sa propre poche. Maintenant, elle n’avait plus qu’à s’en aller. Elle referma rapidement le portefeuille pour le remettre à sa place, mais lorsqu’elle se retourna pour partir, elle se figea. Son regard croisa celui du coréen et merde, l’avait-il vu faire ?

Le réveil fut quelque peu difficile, à cause de tout cet amas d’alcool qu’il s’était enfilé la veille ; un verre après l’autre, Shi Heon n’avait pas vu les heures défiler et il s’était pris au jeu, alors qu’il échangeait, flirtait, avec une vieille connaissance. Si on lui demandait, il n’était pas en mesure d’expliquer comment tout avait commencé ; lui s’était rendu dans ce bar avec l’espoir de se détendre un peu, se délecter d’un verre puis rentrer, après une longue journée. Il n’avait pas particulièrement imaginé qu’il finirait à l’hôtel, en charmante compagnie, néanmoins vraisemblablement les circonstances les avaient mené à cette chambre, malgré les différentes provocations lancées au cours de la soirée. D’aussi loin qu’il se rappelait, lui et Ji Ah avaient toujours été chien et chat, hors Shi Heon l’admettait, il était certainement celui qui lui cherchait le plus de noises, à chaque fois. Ce n’était pas qu’il ne l’appréciait pas, il n’avait aucun avis particulier à son égard, mais il aimait l’embêter… Et non, ce n’était pas son sens aiguisé de justice qui le motivait à la dénoncer tout le temps - quoi que peut-être un peu hors il y avait eu certaines fois où il aurait pu éviter mais, simplement pour la taquiner et l’entendre râler, il ne résistait pas à parler de ses fautes auprès des professeurs. Avec du recul, Shi Heon le reconnaissait, c’était mesquin et puéril cependant, à l’époque, pour lui ce n’était qu’un jeu. Ji Ah n’avait qu’à être une élève plus exemplaire, et surtout cesser de voler ses camarades ou dieu ne savait qui d’autre. A ce sujet là, pour sûr que, oui, c’était son côté justicier qui l’avait conduit à dénoncer ses fautes. Il n’était pas assez mature pour remarquer la vie compliquée qu’elle avait et encore moins pour la comprendre. A ses yeux, elle n’était qu’une fille rebelle qui passait son temps à chercher des ennuis, probablement même un genre qu’elle se donnait et c’était le pourquoi ils se provoquaient constamment, parce qu’ils ne venaient pas du même monde. L’approcher et la draguer, évidemment qu’il l’avait fait également, comme avec toutes les jolies filles qu’il croisait. La voir le rejeter sans arrêt était ce qui le motivait à continuer, comme un défi qu’elle lui donnait, mais aussi parce que ses réactions désinvoltes étaient toujours très drôles. Elles l’amusaient, alors le jeune homme persistait, sans attendre réellement quelque chose de sa part, en réalité. C’était une autre façon de la provoquer et de l’énerver. Pourtant, la veille, ça avait été différent. Tout s’était fait naturellement, malgré quelques piques envoyées ici et là, et ils avaient fini dans le même lit. Chose que Shi Heon n’aurait jamais cru possible un jour et sûrement que, sans l’alcool, cela ne serait jamais arrivé. Hors, il ne s’en plaignait pas puisque, après tout, mis à part un mal de crâne, la nuit passée n’avait pas été si désagréable. Au contraire.

Premier réveillé, le garçon resta encore quelques minutes au lit, le temps d’émerger puis de s’habituer à la lumière du jour, avant de finalement se lever. Il s’empara de ses affaires jonchant sur le sol et, sans attendre plus, il n’hésita pas avant de filer sous la douche. Le plus souvent, il était celui qui disparaissait au petit matin, ne prenant pas la peine de croiser sa conquête au levé du jour cependant, pour aujourd’hui, il n’en ressentait pas particulièrement le besoin. Peut-être parce qu’il avait envie de voir la réaction de Ji Ah, une fois celle-ci réveillée, et apprendre ce qu’elle devenait, après toutes ces années. Hier, c’était l’alcool qui avait parlé mais, à présent, ils étaient sobres et le lieutenant était certain que la jeune femme ne l’accueillerait pas de la même manière. Ce qu’elle lui prouva lorsqu’il ouvrit légèrement la porte de la salle de bain, sa douche terminée, à l’entente du bruit dans la chambre d’hôtel. Un sourire amusé au bord des lèvres, il ne se fit pas prier pour sortir son téléphone puis filmer, alors qu’elle commençait à fouiller dans sa veste. Décidément, elle n’avait pas changé, après toutes ces années et, contrairement à l’époque, elle n’avait vraiment pas de chance. S’il n’était qu’un simple étudiant autrefois et ne pouvait rien faire d’autre que la dénoncer, il pouvait désormais mettre les menottes à ses poignets puis l’arrêter. L’évidence soigneusement gardée dans son portable, il rangea le mobile dans sa poche avant d’ouvrir enfin la porte de la salle de bain et faire son apparition dans la chambre. « A peine levée et tu comptes déjà partir comme une voleuse ? » l’interrogea-t-il tout en s’avançant dans la pièce, faisant exprès d’employer une telle expression, sans pour autant montrer qu’il avait assisté toute la scène. Sur ses paroles taquines, Shi Heon s’approcha de sa veste afin de l’enfiler sur ses épaules puis lui fit face une nouvelle fois. « Mais puisque tu m’as l’air prête, allons-y. » Aurait-il dû agir autrement ? Faire semblant d’être embarrassé par la situation, puisque ce n’était pas tous les jours qu’on couchait avec une ancienne camarade d’école ? Ce n’était pas lui de se comporter ainsi, principalement car il n’était aucunement mal à l’aise et qu’il était assez grand pour ne pas se formaliser de ce genre de chose. Elle n’était pas la première, et certainement pas la dernière, avec qui le jeune homme partageait sa nuit donc ça faisait bien longtemps qu’il avait cessé d’en être gêné. Ceci dit, l’avait-il seulement déjà été ?

Une fois réveillée, une seule pensée lui était venue à l’esprit : s’en aller avant que Shi Heon ne sorte de la douche. La coréenne n’avait aucune envie de le croiser, de voir son sourire amusé face à cette situation qui ne serait jamais arrivé si elle avait su rester sobre. Enfin, c’était fait et Ji Ah ne pouvait faire machine arrière. D’autant que la soirée n’avait pas été si désagréable, mais elle ne lui dira jamais. Après tout, le jeune homme avait déjà un égo bien assez grand à son goût. Elle était sur le point de partir, mais s’arrêta en apercevant la veste de celui-ci posée sur une chaise. Un moment, son regard se porta vers la salle de bain, se demandant si elle avait le temps de voir s’il avait de l’argent sur lui. Cela ne prit guère longtemps avant de s’approcher du vêtement, inspectant les deux poches jusqu’à ce qu’elle sorte son portefeuille. La seule chose qui l’intéressait était l’argent soigneusement rangé à l’intérieur. Elle prit tout son contenu avant de remettre l’objet à sa place d’origine. Elle s’apprêtait à partir, mais son regard croisa celui du jeune homme. Shit !

Ji Ah le suivit du regard, ne bougeant pas spécialement alors que sa remarque lui arracha une petite grimace. Oui, elle comptait bien partir pour ne pas voir son affreuse tête de si bon matin, mais il faut croire que c’était clairement loupé. « J’avais espoir de ne pas voir ta sale tête de si bon matin afin de ne pas me pourrir la journée. » Malheureusement, c’était trop tard. Tant pis, de toute façon, une fois dehors, ils se sépareraient et feraient comme si rien ne s’était passé. D’ailleurs, la jeune femme prit les devants, les mains enfoncées dans les poches de sa veste loose, elle quitta la chambre pour rejoindre directement l’ascenseur. Elle garda le silence ainsi qu’une certaine distance avec le coréen pendant toute la descente jusqu’au rez-de-chaussée de l’hôtel. Son regard balaya la clientèle, dont l’esthétique contrastait nettement avec la sienne, moins soignée et élégante. Maudit riche. Une fois à l’extérieur, elle se tourna quand même pour faire face au Ahn. « Nos chemins se séparent ici. J’espère bien qu’on ne se recroisera pas. » Ji Ah espérait vraiment ne pas le recroiser, ou du moins, la prochaine fois, elle ferait tout son possible pour l’éviter. Elle n’arrivait toujours pas à comprendre comment ils avaient pu en arriver à boire ensemble et finir dans cette foutue chambre d’hôtel. Vraiment, l'alcool pouvait parfois être son pire ennemi. « À jamais. » dit-elle une dernière fois, tournant les talons pour s’éloigner du jeune homme et ramener cet argent dans sa minuscule chambre.

Ce n’était pas très sympathique de la part du garçon de faire comme si de rien n’était, comme s’il n’avait pas vu la demoiselle glisser sa main dans la poche de sa veste et qu’il ne l’avait pas filmée en train de lui voler son argent. Peut-être que, oui, Shi Heon aurait dû dire quelque chose néanmoins, sur l’instant, il n’en avait pas ressenti la nécessité ni même l’envie. Tout ce qui lui avait traversé l’esprit était que, malgré les années, Ji Ah n’avait pas changé à ce sujet. Certes, il n’était probablement personne pour la juger, puisqu’ils ne venaient pas du même milieu, cependant ça n’enlevait pas le badge qu’il portait et la justice qu’il avait juré de faire régner. Quiconque commettait un crime, aussi infime soit-il, était fautif et lui ne pouvait pas fermer les yeux devant un tel acte ; assurément la raison pour laquelle il n’avait pas hésité à enregistrer une vidéo, histoire de garder une trace. « Dommage. Elle te plaisait pourtant bien ma sale tête, hier soir » Des souvenirs lointains d’une conversation entre deux personnes qui avaient plusieurs grammes d’alcool dans le sang, et qui avaient préféré finir la soirée ailleurs qu’autour d’un verre. Evidemment, Shi Heon prenait plaisir à l’embêter, comme par le passé, cependant il n’insista pas plus que ça; son but n’était pas de la mettre à l’aise puis, par-dessus-tout, il y avait un sujet bien plus important à aborder avec elle : l’argent qu’elle lui avait volé, sans le moindre scrupule.

Tout le long du trajet, de la chambre à l’ascenseur jusqu’à la réception de l’hôtel, le jeune homme n’avait rien dit, se contentant simplement de l’observer en silence. Ce n’était que lorsque Ji Ah compta prendre la poudre d’escampette qu’il se motiva finalement à agir. Elle lui disait « À jamais » hors lui aurait bien voulu répondre un « Pas si vite ». A la place, Shi Heon pressa le pas, avançant à sa hauteur, avant de poser ses doigts sur son épaule afin de la motiver à se retourner. « Tu ne crois pas que tu as oublié quelque chose ? » Demanda-t-il alors, non pas sans lui tendre la paume de sa main. « Je t’ai vu fouiller dans ma veste » Par précaution, il préféra préciser, au cas où la jeune femme ne comprenait toujours pas de quoi il parlait. C’était une chance qu’il lui accordait, bien qu’elle l’ignorait certainement, car si elle lui rendait la monnaie, il ne chercherait pas à pousser le problème plus loin ; il se contenterait de partir, après avoir donné un simple avertissement. Toutefois, si elle refusait de coopérer, et ne lui remboursait pas la somme exacte qu’elle avait prise, il n’hésiterait aucunement à la traîner au commissariat du coin.

Ji Ah choisit de ne pas répondre. Pouvait-elle réellement le contredire après s’être laissée emporter dans les méandres alcoolisés en compagnie de cet ancien camarade de classe ? Oui, Ahn Shi Heon était un bel homme, mais le physique ne représentait pas tout, la personnalité était aussi importante. Malheureusement, sur ce point, même après tant d'années, le jeune homme continuait à l’irriter. Ji Ah décidé de rester silencieuse, si leurs langues s’étaient déliées sous l’effet de l’alcool et qu’ils avaient même passé un bon moment ensemble, à présent elle était sobre. Elle pouvait donc simplement partir, rentrer chez elle pour déposer ces quelques billets dans sa boîte, puis prendre une douche, même si elle serait froide, afin de se débarrasser de tout ce qui s’était passé. Ensuite, elle se rendrait sûrement à la pharmacie par précaution, car elle était à peu près sûre qu’ils ne s’étaient pas protégés.

Une fois en bas, elle ne chercha pas à faire de long discours, montrant son envie de ne pas le recroiser à l’avenir. C’est ainsi qu’elle espérait pouvoir partir tranquillement. Cependant, le jeune homme la retint en posant sa main sur son épaule, l’obligeant à se retourner pour le regarder. Un regard qui exprimait clairement ses pensées : qu’est-ce qu’il lui voulait ? Une question à laquelle elle ne tarda pas avoir la réponse. Elle l’écouta, fronçant légèrement les sourcils en réaction à sa question et à cette main tendue qu’elle avait envie de repousser avec la sienne. Avant même qu’elle n’ait eu le temps de dire quoique ce soit, il précisa un plus ce qu’il entendait par oublié quelque chose. Et merde ! Il semblait qu’il l’avait vue faire.  « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Allait-elle réellement avouer comme une bonne fille ? Absolument pas. Même si l’adage disait : faute avouée est à moitié pardonnée, elle n’était pas prête à se plier à cette idiote règle. « Je n’ai pas fouillé dans ta veste. » Ji Ah maintenait ses positions et son visage ne trahissait rien. À force de mentir, on finit par être douée, même si cette fois-ci, cela risquait de ne pas fonctionner. « Je crois que tu n’as pas compris quand je t’ai dis à jamais. » dit-elle tout en repoussant cette main d’un revers sans aucune délicatesse. Franchement, cet argent en avait-il vraiment besoin ? Lui qui avait toujours baigné dans la richesse sans le moindre souci. Est-ce que quelques misérables billets allaient réellement changer sa vie.

Shi Heon n’était pas étonné de la réaction de la jeune femme, il s’était même attendu à ce qu’elle nie ses accusations cependant, pour elle, il avait espéré qu’elle serait honnête. Probablement que si Ji Ah l’avait été, lui en serait resté là et lui aurait même laissé l’argent ; après tout, il n’en manquait pas spécialement, il ne courrait pas après ces quelques billets retirés la veille, il n’appréciait simplement pas la façon de faire. Son sens de la justice s’était forcément accentué au fil des années, encore plus maintenant qu’il exerçait dans la police, et il n’était pas en mesure de passer à côté d’un délit commis. Certes, il ne disait pas qu’il comptait la mettre derrière les barreaux pour un vol de quelques wons, toutefois c’était son rôle de la réprimander et lui donner ne serait-ce qu’un avertissement. La raison pour laquelle il lui offrait plusieurs chances de se repentir et, si elle ne le faisait pas, si il la reprenait en train de commettre un tel acte, le policier se montrerait beaucoup moins sympathique ; peu importait leur nuit passée ensemble, ceci et cela étaient deux situations bien distinctes. « Vraiment ? Pourtant, je suis sûr de ce que j’ai vu. » Et de ce qu’il avait filmé, un détail que la jeune femme ignorait et qu’il ne comptait pas révéler de sitôt. Hors, quoi qu’il racontait, Ji Ah restait ancrée sur ses positions, persistant à nier et, au vu de son attitude, Shi Heon se doutait que ça ne s’arrêterait pas là. Tout du moins, lui n’avait pas l’intention de s’en aller, sans avoir obtenu gain de cause ; en vérité, il se fichait de son argent, il souhaitait juste que son ancienne camarade avoue ses actes et s’excuse. Puisque, non, ce n’était pas correcte de voler comme elle l’avait fait, et ce peu importait tout le fric que le garçon disposait sur son compte en banque. « Tu es sur de toi ? » Insista-t-il, alors que Ji Ah repoussait sèchement sa main, certainement prête à partir de plus bel. « Est-ce qu’on va devoir régler ça au commissariat ? » La taquinerie ne se lisait plus dans ses yeux sombres, Shi Heon la contemplait en silence et se montrait bien plus que sérieux dans les propos qu’il énonçait. C’était vraiment la dernière chance qu’il lui accordait aujourd’hui ; si la demoiselle persistait à nier, lui non plus n’aurait aucun scrupule à l’attraper puis l’emmener à la première agence de police, se trouvant sur leur route.

La jeune femme avait décidé de camper sur ses positions plutôt que de dire la vérité, même lorsque l’homme prétendait l’avoir vu voler. Ils n’étaient que deux, il s’agissait de sa parole contre la sienne, tant que Ji Ah restait cohérente dans ses déclarations. Ses prunelles sombres le regardait, agacé par son attitude insistant à lui faire cracher le morceau, mais elle ne comptait pas céder.  « T’es vraiment agaçant, je t’ai dit que je ne vois pas de quoi tu me parles. » La coréenne souhaitait à nouveau tourner les talons, mais l’homme évoqua le commissariat qui lui arracha un rire moqueur. « Le commissariat ? T’es sérieux ? » À voir l’expression sérieuse sur son visage, il était difficile de croire qu’il plaisantait encore juste pour la taquiner. Pourquoi prendre un ton si grave juste pour quelques billets ? Sa famille avait-elle fait faillite pour que la perte de quelques billets le fasse autant réagir ? Une hypothèse peu probable, sinon ils n’auraient jamais été dans cet hôtel si luxueux. Devait-il réellement aller aussi loin pour cela ? Mais au fond, était-ce si surprenant que ça ? Après tout, il avait toujours été ainsi, à la dénoncer à la moindre de ses fautes pour qu’elle soit punie. Il l’agaçait vraiment.

« Je n’irai pas au poste et tu n’as pas à m’y obliger. » S’il pensait que Ji Ah le suivrait docilement sans rien dire, il se trompait lourdement. La coréenne n’avait pas l’intention de mettre les pieds dans cet endroit qu’elle avait déjà fréquenté par le passé à cause de ses mauvaises fréquentations ou de petits délits, et l’un plus grand lui ayant valu deux mois de prison. Non, elle n’avait nullement envie d’aller dans cet endroit grouillant de flics. Pour l’éviter, elle devrait lui rendre son argent, mais elle n’en avait pas envie et son attitude la confortait dans cette voie. « Tu peux aller te faire voir. » dit-elle tout en lui lançant un regard empli de mépris, avant de s’éloigner à  nouveau espérant qu’il lui foute la paix pour de bon. Mais allait-il réellement la laisser partir ainsi ?

Evidemment que Ji Ah ne voyait pas de quoi il parlait, pourquoi le saurait-elle ? Parce qu’elle ignorait que Shi Heon avait une manche au-dessus d’elle et qu’il détenait dans sa poche, la preuve de ses actes. « Vraiment ? » L’interrogea alors le jeune homme, avec sérieux, lui offrant une seconde chance de se rattraper, cependant elle préférait nier jusqu’au bout. Ce qui ne l’étonna aucunement, ayant l’habitude avec les petits délinquants qu’il croisait dans son boulot, néanmoins il aurait espéré pour elle que Ji Ah avait changé. Peu importait les années écoulées, elle continuait ses mauvais actes et, au contraire du lycée où il dénonçait uniquement par plaisir de l’embêter – et un peu son sens de la justice – ce n’était plus le cas aujourd’hui. Il était lieutenant de police, il ne pouvait pas détourner le regard devant tout acte de délinquance et, selon lui, c’était son devoir de réinstaurer l’ordre même si elle ne l’écouterait probablement jamais. Shi Heon pouvait aisément le deviner avec le comportement de la demoiselle qui, il le savait, n’avouerait jamais la vérité. « Dans ce cas, je pense que tu ne me laisses pas le choix. » Sur ses dires, le garçon ne se laissa pas prier qu’il faufila son bras sous le sien afin de la retenir, et l’empêcher de partir, avant de faire signe à un gars de la sécurité de venir en leur direction. Pas besoin de l’observer pour savoir que Ji Ah fulminait certainement de l’intérieur puis l’avait tué des milliers de fois dans son esprit cependant, pas de chance pour elle, Shi Heon n’avait pas peur des petites vermines. « Je t’aurais bien menotté moi-même mais je ne les ai pas sur moi. » Une remarque qui, lorsqu’on le connaissait et ignorait son métier, pouvait porter à confusion mais qui, en cet instant précis, n’avait aucun double sens en réalité.

Tout en la tenant fermement par le bras, l’officier se saisit de son téléphone portable, pas pour sortir l’évidence qu’il détenait, afin de composer le numéro de la police. « On va régler ça tranquillement. » Déclara-t-il tout aussi sérieusement, l’agent de sécurité arrivant alors à leur hauteur. « J’appelle la police. » Expliqua alors Shi Heon, avant même qu’on lui pose la question. « Cette jeune femme a volé mon argent. » Jeune femme qui croyait certainement que ce serait sa parole contre celle du garçon, hors elle se trompait et lui ne comptait pas la laisser s’échapper si facilement. Pas tant qu’elle n’aurait pas reçu d’avertissement.

La mise en garde du jeune homme n' aurait aucun effet sur elle. Pour Ji Ah, ses paroles n’étaient que du bluff, et même s’il menaçait d’appeler la police, elle savait que ce serait sa parole contre celle de Shi Heon. Bien sûr, l’argent était actuellement dans sa poche, mais elle était assez habile pour le déplacer rapidement dans un endroit inaccessible, il lui suffisait juste d’une petite diversion pour le faire.  À l’évocation des menottes, la jeune femme le jugea du regard. Si autrefois elle le considérait comme un sale con arrogant pensant que toutes les filles seraient à ses pieds, maintenant elle pouvait ajouter un autre qualificatif à son égard : pervers. Vraiment, elle regrettait d’avoir couché avec lui. « Je n’ai rien à régler avec un pervers comme toi, alors lâche-moi connard. » La brune essaya de se dégager de son emprise, mais il la maintenait fermement pour l’empêcher de s’enfuir.  « Lâche-moi où je hurle ! » S’il la menaçait, la coréenne pouvait aussi bien répliquer et le faire passer pour un harceleur.  « Lâche-moi, je te dis ! » Elle persista dans ses tentatives pour se libérer, n’hésitant pas à enfoncer ses ongles dans la chair de cette main qui la retenait avec fermeté.

Un homme s’approcha d’eux. Alors que Shi Heon l’accusait de vol, elle ne comptait pas se laisser faire, souhaitant semer le doute chez cet individu en adoptant un discours bien différent.   « Aidez-moi s’il vous plaît ! Ce type ne me lâche pas depuis qu’on a passé la nuit ensemble. Il invente des mensonges, parce qu’il ne supporte pas d’avoir été repoussé. C’est un déséquilibré. » Son regard exprimait aisément l’anxiété qu’une femme pouvait ressentir face à un homme menaçant, et sa voix tremblante ne faissait qu’accentuer cette impression qu’elle tentait de montrer. Si elle avait eu plus de chance dans sa vie, peut-être aurait-elle pu devenir actrice. « Il me fait mal. » gémit-elle, ajoutant une grimace pour simuler une douleur en réalité inexistante. Bien que Shi Heon la tenait fermement, il ne lui faisait pas pour autant mal, dosant bien sa force. Un détail en soit dont elle se fichait, car d’un point de vue extérieure il montrait clairement son envie de ne pas la lâcher.

Les pupilles légèrement écarquillées, Shi Heon ne put s’empêcher de poser son regard sur elle, surpris. Venait-elle réellement de le traiter de pervers ? Il comprenait où la jeune femme voulait en venir, c’était vrai que sorti de son contexte, ses paroles pouvaient être détournées. Hors, peu importait à quel point il aimait séduire et flirter, jamais il ne se serait permis de tels propos dans une situation comme la leur. Puis surtout, il ne proposerait pas ce genre d’activité à n’importe qui non plus ; ce n’était pas parce qu’ils avaient couché ensemble une fois qu’il désirait pratiquer ce type de penchant avec elle. Tout ce qu’il notait actuellement était donc que Ji Ah avait visiblement un esprit plutôt mal placé mais encore une fois, il pouvait comprendre sa méprise ; elle ignorait tout du métier que Shi Heon effectuait. « Alors… Je ne pensais pas du tout dans ce contexte là. » Répliqua-t-il sans daigner la lâcher, enchérissant aussitôt « Mais vraisemblablement ce n’est pas ton cas. » Après tout, n’était-elle pas celle qui s’imaginait des choses ? Et bien qu’elle lui ordonnait de retirer son emprise, le garçon n’en fit rien, se contentant de resserrer la puissance de ses doigts autour de son bras, tout en faisant attention de ne pas trop lui faire mal. Ce qui n’était pas réellement le cas de la demoiselle qui s’attelait à le griffer, dans l’espoir sûrement de le faire capituler. Pas de chance pour elle, Shi Heon avait déjà eu affaire à des criminels plus dangereux qu’elle, ce n’était donc pas quelques petites entailles sur sa paume qui le motiveraient à reculer.

Et Ji Ah continuait d’aggraver son cas, alors que le garçon avait pourtant certifié appeler la police. Quel genre de déséquilibré appellerait les forces de l’ordre s’il était vraiment fautif ? Un soupir traversa ses lèvres tandis que l’homme de la sécurité le dévisageait un instant, à cause des paroles de la jeune femme. « Vous pouvez la tenir vous si vous voulez. » Rétorqua-t-il alors que, de son autre main, il positionnait le portable contre son oreille. « J’ai également la preuve de mes soi-disant mensonges dans mon téléphone. » Sur ses dires, il reporta son regard sérieux sur la demoiselle, pas l’once d’une esquisse au bord des lèvres. « Tu es sûre de vouloir continuer sur ce chemin là, Ji Ah ? » Ce n’était plus une chance qu’il lui donnait ; elle en avait eu assez et n’avait pas saisi l’opportunité. La concernée n’eut pas le temps de lui répondre, la police décrochant enfin à l’autre bout du fil, permettant ainsi au garçon d’expliquer l’entièreté de la situation. « La police va arriver, on peut voir à ce moment là qui dit vrai, hm ? » Des paroles balancées surtout à l’égard de l’employé, avant de lui faire ensuite un signe de la tête pour qu’il s’occupe de la jeune femme, celle-ci l’ayant accusé de déséquilibré ; de cette façon, Shi Heon montrait ô combien il coopérait et que, non, il n’était pas celui avec les mauvaises intentions.