Il vient hocher doucement la tête, l’index glissant sur le téléphone. « Oui, exactement. Maintenant qu’on a ton pseudo, il faut trouver une image de profil. Une chose à la fois. ». Il tend le bras avant de subtiliser sa boisson chaude, la paille entre les lèvres, laissant faire son interlocuteur dans les démarches. Celle de la création d’un compte instagram qui l’aidera sans aucun doute à se faire connaitre. Il lui expliquera bien après les conditions pour que son travail ne lui soit pas dérobé, surtout aujourd’hui, où beaucoup cherchent le succès et la rançon, à défaut de la passion et de ce qui ne leur appartient pas. Les flocons se déposent contre l’immense baie vitrée du café, le doux sourire sur les lèvres devant son ami.

« Tu pourras la changer si tu le veux plus tard. Pour moi, c’est celle-ci par exemple. ». Démonstration de son compte à travers l’écran légèrement fissurée à divers endroits. Emplis de croquis, d’activités, de lui, parfois. « Tu animes comme tu le souhaites et là, regardes, je t’ai suivi. Je vais t’envoyer certaines personnes qui m’ont déjà demandé des dessins, si cela peut t’aider à débuter. ». Et ne pas rencontrer la même difficulté qu’il a pu avoir, dans cet océan d’informations dont on ne peut maitriser dans sa totalité. Mais cela l’a grandement encouragé dans sa voie artistique, permettant d’acheter de nouveaux matériels plus performants pour son petit frère et lui, sans compter ces crédits déjà existants.

Ses doigts tapent lentement sur les touches de son clavier numérique sans vraiment savoir si son choix de pseudo est pertinent ou non. De toute évidence, il n’aurait pas su quoi mettre d’autres si ce n’est son propre nom. Il lance un regard incertain au jeune homme assis près de lui, attendant un signe d’approbation. « Oui, exactement. Maintenant qu’on a ton pseudo, il faut trouver une image de profil. Une chose à la fois. » Un instant d’hésitation. Une photo de profil ? Comme sur une photo d’identité ? « Hum… » Disons que son téléphone ne grouille pas spécialement de photo de lui, en trouver une convenable ne sera pas question de secondes. Mais comme pour apaiser ses doutes, son ami lui tend son téléphone pour lui montrer l’exemple. Donc une photo de soi n’est pas obligatoire, ce qui est bon à savoir, mais, s’il a bien compris, c’est une plateforme qui permettra aux gens de découvrir son travail, cette photo de profil doit logiquement être quelque chose qui le représente un minimum.

Après un court moment de recherche intense dans sa galerie photo rempli de photo de paysage, de références de livres en tout genre, d’animaux pris dans la rue et de photos de son frère pris pour la plupart par surprise, il trouve enfin une photo qu’il pense idéal. La photo de quelques-uns de ses livres dessinés et reliés à la main qu’il avait montrés a une vieille dame de son quartier pour les donner à ses petits-enfants. « Tu animes comme tu le souhaites et là, regardes, je t’ai suivi. Je vais t’envoyer certaines personnes qui m’ont déjà demandé des dessins, si cela peut t’aider à débuter. » En quelques cliques, Eros l’avait déjà suivi. Une gorgée de café plus tard, ses sourcils se fronce. « C’est aussi simple que ça ? » Du moins, ça semblait simple lorsqu’il le faisait. Son regard se reporte sur son écran, tout aussi fissurer que son interlocuteur, il faut dire que son frère n’était pas particulièrement soigneux avec ses téléphones, et lorsque Taeil les récupérait, ils étaient tous déjà dans un état questionnable. Il voulut reproduire la manœuvre, mais il ne sut même pas par où commencer pour entrer le nom de son ami. Il relève la tête, un sourire enfantin sur les lèvres. « Je sais pas comment te remercier ! Laisse moi payer, ce sera ma façon de dire merci, tu peux prendre tout ce que tu veux ! » Après tout, le plus jeune était en train de l’aider à se créer une seconde source de revenu, et une complètement légal cette fois, ce n’est tout de même pas rien. Revenant a son téléphone, il observe l’interface de l’application avec curiosité « Et alors, qu’est-ce que je suis censé faire maintenant ? J’imagine que je dois mettre des photos ici, comme tu as, toi. » Il désigne avec un geste du doigt l’endroit qu’il mentionne sur les deux téléphones, un espace vide et l’autre rempli de photos diverses. Montrer son travail, n’est-ce pas là la prochaine étape ?

Un sourire doux se pose envers son interlocuteur. « Les joies de la technologie. Tout va très vite, mais oui, en quelques clics et le tour est joué. ». Laissant son ami éclaircir ses idées et mieux appréhender la magie de l’application, l’illustrateur en profite pour ainsi délivrer quelques messages privés envers des réguliers ou d’autres artistes sous une demande souple d’aider à se lancer. Fort heureusement, sa communauté est certes petite, mais solidaire. Dans quelques heures ou quelques jours, il affluera de demandes d’abonnements et de suivis. S’il peut ainsi aider dans ce domaine et tout autre, il s’y donne à cœur joie, bien évidemment. « Si tu le veux, merci à toi. ».

Cela ne sert sans doute à rien de contredire ce remerciement, même si cela n’est pas grand-chose à ses yeux. Loin de là, même, et il se prête volontiers à tout pour répondre aux besoins des autres. Prenant quelques gorgées de sa boisson, il semble réfléchir quelques instants avant de répondre. « En vérité, tu peux montrer ce que tu veux. Sur quoi tu travailles actuellement, des sorties, tout dépend si tu veux en faire un compte professionnel ou pas. ». Dans son cas, cela n’est pas totalement nécessaire, puisque son emploi lui permet de vivre convenablement, mais ces bonus permettent de rembourser certains prêts, payer les études de son petit frère ou même aider sa mère au quotidien. Ou de gérer des imprévus, comme ce téléphone récupéré comme son ancien a malheureusement fini dans l’eau.

« Si tu as un début de croquis, ou un projet fini, tu peux le mettre. Je te conseille en revanche de ne jamais mettre en très haute qualité, à cause des vols. Ou de mettre ton nom sur ce que tu fais, tout le monde ne pense pas à créditer. ». Malheureusement, les réseaux grouillent de malhonnêteté et beaucoup subtilisent les travaux des autres pour s’en attribuer le mérite. « Je peux te montrer comment faire. Et on verra pour les storys après. ». Une chose à la fois, pour que son homologue ne soit pas trop perdu dans la masse d’informations. « Qu’est-ce que tu en penses, pour le moment ? Intéressant, facile ? ». Il espère ne pas se montrer trop curieux.

Son sourire s’attarda sur ses lèvres lorsqu’Eros accepta son remerciement. Payer pour quelqu’un n’était, d’ordinaire, pas dans les moyens de Taeil, mais son jeune ami n’avait probablement pas conscience de l’aide qu’il lui apportait. Mais ce n’était pas la première fois qu’il lui venait en aide. Cela semblait naturel d’aider les gens pour Eros, à l’instar de Taeil. Ils étaient décidément faits pour s’entendre.

Son attention à nouveau sur les téléphones, le plus vieux s’enquit de la prochaine étape à suivre, mettre du contenu. Une autre gorgée de café coula dans sa gorge avant qu’il ne l'éclaircisse doucement. Alors il pouvait mettre n’importe quoi. Taeil ne se voyait pas vraiment mettre des photos de lui, surtout qu’il n’en prenait quasiment jamais. Il aurait pu mettre des photos de son frère, mais ce dernier n’aurait sûrement pas vraiment apprécié la blague. Il était peut-être mieux pour le moment de se contenter de ses dessins. Peut-être qu’un jour, il trouvera ses photos de paysages et d’animaux assez intéressantes pour les montrer aux yeux du monde, mais chaque chose en son temps.

Une petite bouffée de chaleur fit rosir ses joues à l’évocation de ses dessins. C’est qu’avant de trouver le courage de mettre des photos de paysage, il devrait plutôt trouver le courage de montrer ses dessins. Disons qu’il n’a jamais vraiment montré ses œuvres à qui que ce soit en dehors de son frère, et de son père qui ne pouvait s’empêcher de fourrer son nez dans ses affaires, car, sait-on jamais, Taeil aurait pu garder un petit sachet de poudre blanche, souvenir de son temps dans le gang. Ce n’est pas comme si le jeune homme faisait encore attention aux délires de son paternel. Et puis ses dessins ne l’intéressait que peu, donc vraiment, il n’y avait que son petit frère. Ainsi que des enfants et des vieilles dames à qui il a fait don de ses livres, mais, pour une obscure raison, ce n’était pas pareil à ses yeux.

« Oui j’ai euh… J’ai ramené quelques dessins… » Sa voix mourut assez rapidement à la fin de sa phrase. Sa main, plongée dans sa poche de veste, hésita un instant avant de ressortir plusieurs papiers partiellement froissés et pliés plusieurs fois. « Je n’ai pas vraiment de photo de ces dessins alors je les ai pris avec moi… J’ai… J’ai pas vraiment l’habitude de montrer ce genre de dessin… » Un petit rire nerveux traversa ses lèvres, mais il fit de son mieux pour se reprendre et étala les quelques dessins sur la table, prenant soin de les lisser au possible avec sa main. Des dessins représentant des gens pour la plupart, assez peu soigné, quelques bavures causées par le passage d’une main ici et là. On devinait facilement que ça avait été fait sur le moment, dans un métro ou un parc. Certains étaient au stylo, d’autres au crayon à papier et au milieu de tous les portraits, le dessin d’un paysage, la fontaine d’un parc de Séoul entouré d’arbre et la silhouette de personnes se promenant tranquillement. La technique n’était pas particulièrement soignée, mais le résultat était fidèle à la réalité, donnant un style particulier, mais charmant. « Je peux te montrer comment faire. Et on verra pour les storys après. » Taeil écoutait encore son interlocuteur tout en essayant de dispatcher ses dessins pour qu’ils soient plus visibles, lorsqu’un mot lui fit relever la tête. « Des storys ? On peut aussi mettre des histoires là-dessus ? » Si c’était le cas, Taeil en avait pas mal en stock, ce n’était pas vraiment son imagination qui lui faisait défaut, et il avait des inédites tout le tour du bras.

« Qu’est-ce que tu en penses, pour le moment ? Intéressant, facile ? » Un petit rire échappa au jeune homme. « Et bien tout ça m’a l’air bien… Fournis, mais j’ai hâte de voir ce que ça va donner ! Et puis mon frangin pourra bien me donner un tuyau ou deux, il passe des heures sur son téléphone, alors j’imagine qu’il s’y connaît mieux que moi pour ce genre de chose. » Il se recula dans son siège pour boire son café avant de reporter son attention sur son ami, un sourire chaleureux toujours collé aux lèvres. « C’est vraiment un tout autre monde, c’est fascinant ! » Et c’est peu de le dire. Il faut dire aussi que tout ce qui est nouveau est fascinant pour lui.

Il lève ses pupilles vers son interlocuteur, écoutant soigneusement les mots délivrés, dérivant silencieusement vers les trésors cachés pointant le bout de leur nez. Il laisse le temps d’observer, de se questionner sur la manière dont les photos seront prises pour être mieux perçues. Les croquis sur papiers apportent une délicatesse du dessinateur, le travail réalisé depuis des heures, qu’on ne remarque peu, qu’on ne peut qu’apercevoir sur les paumes caleuses. Néanmoins, les pépites qu’il peut observer docilement lui font briller les rétines comme un arc-en-ciel en temps de pluie. Un émerveillement qui ne s’épuisera jamais. L’authenticité n’a pas de prix. Un rire s’élève légèrement aux propos, secouant la courte tignasse d’un air doux. « Disons que c’est un peu différent. Je vais te montrer ce que c’est. ». Son téléphone entre ses doigts, il se pose aux côtés de son interlocuteur, l’épaule frôlant l’autre pour lui permettre d’observer ses démarches.

D’un mouvement de la pulpe légère, glissant vers la gauche comme pour prendre une photo. Il se positionne, prenant une partie des boissons, ainsi que le dessin légèrement caché. « Là, tu vois, j’ai pris en photo et maintenant, je vais ajouter ton nom et une petite phrase. ». Ce qu’il fit rapidement, ajoutant un smiley et l’envoyant une fois satisfait. « Maintenant, tu vois en haut, le rond ? Il s’est coloré, cela veut dire que j’ai posté une story. Si tu cliques dessus, cela va s’afficher. C’est comme partager ta vie en temps réel. Tu peux le faire ou simplement reprendre ma story pour le mettre sur le tien. ». Proposition douce, pour commencer à se familiariser avec le vocabulaire et les procédés. La technologie est pratique, mais parfois peu intuitive.

Il hoche la tête en riant, trouvant les termes absolument, justes. « N’hésite pas à lui demander, surtout s’il est familier aux réseaux. Tu vas en apprendre petit à petit et ne crains pas les bugs, c’est un réseau auquel il y en a beaucoup, mais rien n’est grave. Et puis, une fois lancé, tu verras que c’est assez difficile de s’en décrocher. ». Même lui doit avouer, passer bien plus de temps dessus qu’il ne voudrait l’admettre, permettant à son encéphale de s’octroyer suffisamment de temps à se consacrer uniquement sur l’art et moins sur ses pensées parasites. « Et puis, tu pourras faire autant de storys que tu veux. Tu pourras en faire avec ton frère, même ? ». Douceur dans les mots.

Les dessins étaient maintenant éparpillés sur la table, plus de retour en arrière. Les yeux du jeune parcouraient les pages, mais il n’eut pas le temps de s’exprimer que l’attention du plus vieux fut attiré par le commentaire précédent. Un doux rire s’éleva après sa réponse. Une courte confusion s’éprit de lui avant qu’on éclaire sa lanterne. Ses yeux se posèrent sur le téléphone de son ami, attentif à la moindre manipulation. La photo fut prise en un clin d’oeil de leurs boissons devant eux, laissant apparaître la vague idée d’un dessin posé sur la table. C’était une jolie photo qui renvoyait une certaine chaleur qui contrastait avec le froid extérieur. Son regard glissa d’un écran à un autre, s’arrêtant sur l’endroit désigné. Un cercle coloré entourant la photo de profil du plus jeune étant, en effet, apparu. Il cliqua dessus comme conseillé et l’exacte photo qui venait d’être prise s’afficha sur son écran, agrémenté du même texte qui fût tapé plus tôt. Taeil lâcha un « Wouah… » inconscient. Partager sa vie en temps réel… Il n’était pas entièrement sûr d’en cerner l’utilité, mais si tout le monde le faisait, c’est bien qu’il y avait une raison derrière. Son bras se tendit pour attraper sa tasse de café, et parla avant d’en boire une gorgée. « Et comment je fais pour la mettre sur le mien ? » Question innocente pour tenter de comprendre ce tout nouvel outil. Il connaissait le succès de l’application, mais il n’aurait jamais pensé y trouver une quelconque utilité lui-même.

Eros ne pourra pas toujours être là en cas de besoin, mais son frère le pouvait. Ce dernier, comme tous les jeunes de son âge, il faut dire, était toujours penché sur ce petit appareil. Ce n’était pas un de ces commentaires idiots critiquant la jeune génération trop connecté. Si Taeil en avait eu l’opportunité, sans nul doute qu’il aurait lui aussi finit le nez plongé dans son écran. Hélas, la vie en a décidé autrement en lui mettant la survie de son foyer sur les épaules. Une autre petite gorgée de café pour chasser cette pensée et la tasse fût reposée sur la table. « Il y en a beaucoup, des bugs ? » Taeil était peut-être à la ramasse au niveau technologie, il n’était pas non plus enfermé dans une cave, il connaissait quelques trucs. Se servir d’un ordinateur avait été une étape obligatoire pour suivre ses études convenablement. Cela ne se limite qu’à de simple recherche google et du traitement de texte sur Word, mais ce n’était pas si mal pour un début. Un rire s’échappa de ses lèvres alors qu’il appuya son dos sur le dossier de sa chaise. « Je ne sais pas si mon frère acceptera. Il n’a jamais quitté son âge rebelle alors juste prendre une simple photo de lui le fait râler. » Le temps est loin ou son petit frère s’accrochait à lui comme à une bouée de sauvetage, mais il faut bien que les enfants grandissent.

« Je vais te montrer, attends… ». Les démarches sont simplistes, reprenant la story pour ajouter un petit commentaire et un sticker. « Est-ce que ça te convient ? ». Et une fois l’approbation, d’appuyer sur envoyer pour que lui aussi puisse faire connaitre à quiconque de ce partage doux. Le dessinateur a pris le temps de lui expliquer les choses, étape après étape, pour qu’il puisse mieux saisir et reprendre la main lorsqu’il ne pourra être présent. Et apparemment, son jeune frère pourrait être utile si une question survient. Il secoue doucement la tête à la question, culpabilisant sensiblement à avoir dévoilé ce pan de l’application. « Non, pas tant que ça. Tu verras ton explorer…ici… oui, parfois changer ou avoir ton post shadowban. C’est-à-dire qu’on ne le verra pas malgré les hashtags. Cela peut arriver, mais c’est excessivement rare. On est dans l’illustration, on ne risque rien. ». Normalement, si les règles sont toujours aussi souples, mais cela n’est pas le problème des artistes.

Prenant une gorgée de sa boisson, il cligne des paupières. « Tu n’es pas proche de ton frère ou c’est lui qui reste dans sa période ? Même t’aider un tout petit peu ? ». Il ne peut en vouloir, sachant qu’il n’est pas plus proche du sien. Attis, ce petit être qu’il désire protéger comme la prunelle de ses yeux, mais bien incapable de lui offrir quelque chose de décent. Malgré les années, d’être toujours dans ce statu quo, cette ligne fine où tout peut se casser si facilement. Il ne le souhaite pas, Eros fera tout en son pouvoir pour que cette possibilité n’arrive jamais, quitte à commettre les pires choses pour que son jeune frère ne soit toucher de rien. Il sera un gilet pare-balles et trainera volontiers face contre terre si cela permet au brunet de marcher vers le paradis.

« Il changera peut-être si tu lui demandes, que c’est pour le travail ? J’ai aussi un petit frère, mais je ne sais jamais à quoi il peut penser. Je te soutiens. C'est si compliqué avec ton frère ? ». Il vient lui tapoter l’épaule dans un geste amical, lâchant un sourire réconfortant. « Sinon, tu peux m’envoyer un message et j’essaierai de te répondre rapidement entre deux maquettes au boulot. Ou deux interventions. N'hésite pas, Taeil. ». Le weekend étant essentiellement consacré à la garde, pompier volontaire qui ne peut se résoudre qu’à cette éventualité.

Il reste attentif tout le long de la manipulation, qui en soit, est plutôt simple, il serait capable de le refaire si besoin, ce qui était plutôt une bonne chose. « C’est parfait! » La story est envoyée et le voilà officiellement lancé sur Instagram. Taeil espérait vraiment pouvoir en tirer quelque chose, il espérait aussi ne pas faire trop de connerie, il avait beau être à l’aise avec les gens, la technologie ce n’était pass trop son truc, alors interagir avec des gens à travers ce genre de logiciel, il n’était pas à 100% confiant. Le plus jeune répond ensuite à sa question et lui explique un peu le genre de bug qu’il pouvait rencontrer sur la plateforme. Il n’avait pas tout compris, mais ce genre de chose devait s’apprendre sur le tas, au fur et à mesure des problèmes rencontrés.

« Oh, si on est très proche! C’est juste lui qui reste dans sa période. Il m’aidera, mais il ne laissera sûrement pas cette occasion pour râler. » Un rire s’échappe de ses lèvres en imaginant la scène. « Il fait le dur à cuire, mais c’est vraiment un gentil gars, il a beau râler un peu, il refuse jamais de me donner un coup de main. Pour les photos par contre… Il est très farouche là-dessus, je ne sais pas pourquoi il ne se laisse pas prendre en photo comme ça! C’est peut-être juste une phase… » Le rôle du grand frère n’a rien de facile, le désir de protéger les plus jeunes de tout, de leur donner le monde sur un plateau et parfois se retrouver face à un mur d’apparence infranchissable qui sépare la jeune génération de la plus vieille.

Un petit rictus apparaît sur son visage. « C’est parfois compliquer les petits frères. » Un petit rire lui échappe, mais la question lui fit légèrement froncer les sourcils. « Et bien… Je dirais oui et non? Quand il était jeune, on était presque inséparable, mais maintenant qu’il a grandi, il se fait un peu plus distant. Peut-être qu’il est pressé de se rendre utile, ou peut-être que je le materne trop. Je ne sais pas trop, c’est difficile de savoir ce qu’il se passe dans la tête des plus jeunes! » Un sourire sincère étire ses lèvres à l’entente de ces paroles. Peu de gens sont au courant pour sa situation familiale, il faut dire qu’il n’en parle pas beaucoup, mais malgré tout l’aide qu’Eros lui a apporté avec son père, il est encore prêt à l’aider. Il ne s’attendait pas a tant de générosité venant d’une seule personne et tout ça lui réchauffait le cœur. « Merci Eros, vraiment, pour tout. » Il ne s’agissait présentement que d’une page Instagram, mais pour Taeil, c’était bien plus que ça. Après avoir vécu la misère toute son enfance, le moindre geste de bienveillance était un cadeau qui se devait d’être chéri.

Il laisse un léger rire se frayer en écoutant son interlocuteur. « Il râle beaucoup, mais il le fait quand même ? Il fait un peu genre en vrai, l’adolescence, en fait. », dit-il en souriant. Véritablement, les mots n’ont aucune résonance dans son myocarde, ayant vécu dans une histoire totalement différente de ce qu'à quoi chacun peut penser. Loin de sa douceur après les coups, éloigné de sa légèreté à la damnation de ses pensées vouées aux Enfers. Ses épaules se soulèvent. « Peut-être un manque de confiance en lui ? Est-ce que tout va bien dans sa vie, avec d’autres ? ». Certains refusent catégoriquement par haine de soi, d’autres pour des résultats plus obscurs. Les raisons sont diverses et il vient tapoter l’épaule de son ami avec gentillesse, l’encourageant dans ce dédale complexe des adolescents et petit frère.

Il conçoit le besoin de protéger l’autre, réalisant la même chose avec Attis, quand bien même celui-ci est bien plus réservé. Son mutisme ne le chiffonne aucunement, prenant en compte le passif et le besoin de se retrouver. Néanmoins, il a toujours l’impression de ne pas faire assez. D’où la question et la crainte interne que la relation est plus difficile, de ne pas faire ce qu’il faut pour être plus proche. Il se rassure toutefois avec les propos, riant de plus belle aux mots de son interlocuteur. « Ils veulent peut-être grandir un peu vite ou c’est nous qui les voyons encore comme des enfants ? Je ne sais pas, mais je ne peux pas m’empêcher de vouloir le protéger. C’est plus fort que tout, je pense ? ». De désirer voir un sourire sur les lèvres, un bonheur, même petit ou simpliste. Loin des maux et de la peine.

Les épaules se haussent, touché en plein cœur et le sentiment de ne pas tant le mériter. « Pas de problème, Taeil. Tu peux me demander tout et rien, je serais là. ». Il dit vrai. Jamais il ne se dérobera s’il peut aider quelqu’un. Quitte à chuter, quitte à en s’en asphyxier, quitte à ne plus rien posséder, il donnera tout pour que l’autre soit bien. « N’hésite jamais si tu as le moindre problème. Tant que cela est dans mes cordes, je le ferais. En tout cas, question réseaux, je me débrouille. Le reste, j’ai aussi des collègues pompiers. ». Praticité, apprenant avec eux à chaque occasion.

C’est à son tour de rire. Qualifier son petit frère d’adolescent ne pouvait pas être plus exact, il avait pourtant bientôt 18 ans, déjà, mais lui le voyait toujours comme l’enfant qu’il avait toujours connu. « Oui complètement! Enfin, tant qu’il ne va pas trop loin, il peut bien faire genre autant qu’il veut! » Sa véritable hantise, voir son frère reproduire les erreurs qu’il a pu commettre étant jeune, ce moment d’égarement qui a bien failli lui coûter la vie. Si à l’époque, il pensait faire ça pour le bien de la famille, que c’était la seule solution pour sortir la tête hors de l’eau, il sait, maintenant, qu’il n’a fait que chercher la solution de facilité, il y a toujours moyen de s’en sortir sans avoir recours à des moyens louches et illégaux, et il espérait vraiment lui donner un meilleur exemple maintenant qu’il n’a pu le faire auparavant.

La question de son interlocuteur lui fait froncer les sourcils. « Je ne sais pas, il ne m’a pas parlé d’un quelconque problème. Il ne se confit plus beaucoup en ce moment, alors j’essaye de ne pas être trop sur son dos. Je me suis toujours dit que ça faisait partie de sa crise d’adolescence… » Un doux sourire s’affiche sur ses lèvres au contact de son ami. Il allait devoir avoir une petite discussion avec son cadet, il ne peut pas rester dans l’obscurité si quelque chose ne va pas dans sa vie, il doit le savoir. Il ne veut que son bien après tout, simplement l’aider. L’instinct de grand frère que les deux jeunes hommes ici présent ont en commun. Son sourire s’agrandit en écoutant son vis-à-vis. « Je pense que c’est un peu des deux. Comment va Attis? Tout va bien entre vous? » Connaissant les deux, Taeil ne peut qu’être intéressé par l’évolution de leur relation, s’il peut les aider, il le fera avec plaisir. Il ne peut pas se prétendre frère de l’année et encore moins un modèle à suivre en la matière, après tout, il a dû endosser le rôle de figure paternel pour son frère à un très jeune âge, et plus les années passent, plus il se demande si ça n’a pas altéré leur relation fraternelle, mais s’il peut ne serait-ce que donner quelques conseils utiles à quelqu’un, alors ça lui fait plaisir.

Ses mots touchent Taeil profondément, il se trouve chanceux d’avoir rencontré autant de visages bienveillants ces cinq longues dernières années. « Ah, arrêtons-nous là, arrêtons sinon je vais me mettre à pleurer! » Un petit rire lui échappe furtivement alors qu'il attrape sa tasse pour en boire une gorgée. Très proche de ses sentiments et il l’assume pleinement. Après autant de temps à devoir jouer au gros dur, c’est libérateur de pouvoir exprimer ses sentiments comme il l’entend. Il peut bien se prendre des remarques de la part de certaines personnes, ce n’est pas ça qui va l’atteindre. Et puis, Eros ne lui semble pas le genre de gars à prôner la masculinité virile qui est encore bien trop proéminente dans cette société.