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Au beau milieu d'une ruelle abandonnée par le reste du monde, ses rangers frappent le sol avec une lourdeur brusque et familière.
Bas quartiers pour maison. Il envoie valdinguer sacs poubelles du bout de la botte. Mont de décharge dégueule son vomi en détritus sur la chaussée, fait fuir les matous errants.
Félins en horreur, il renâcle à leur vue, poings dans les poches, œil torve qui balaye.
L'esprit embrumé par les vapeurs enivrantes du houblon ne lui révèle pas la menace que représente la poigne soudain agrippée au cuir de sa veste.
Menaces qu'on crache à sa gueule.
C'était toi le gars de l'autre fois. Toi qui as pété les dents à mon cousin. Toi qui nous voles nos précieuses victuailles. Toi le salaud de la fosse.
Toi.
Sanghwa se laisse secouer par celui qui énumère le motif de sa présence comme une prière vaine.
Il est venu seul et c'est tout ce que le concerné remarque.
- Belle erreur.
À l'ombre des briques, on ne le voit pas bien, son rictus moqueur. On ne la voit pas bien non plus, son absence de culpabilité à faire tomber mort sur perturbateur.
Derrière les coutures de son blouson, son poing se serre. Émerge du tissu pour filer droit en uppercut contre l'os du nez.
Alors, on le lâche. L'autre titube, hébété non seulement par l'absence totale d'hésitation mais surtout par la force appliquée au sein de quatre phalanges seules.
Sanghwa s'avance en bourreau, accule le faiblard dos au mur.
- Si t'es venu avec un couteau, sors-le. Ce sera pas marrant, sinon.
À son tour de saisir le col, présenter le poing fermé à la carne déjà bien balafrée.
@im jisoo
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Les étoiles camouflées par le voile de pollution, je les imagine briller d’argent de mes yeux nuageux. La nuit est profonde comme l’aiguille enfoncée dans mon cœur par la troisième rose du bouquet. Quelques minutes auparavant, une réunion familiale entre ma mère, mon frère et moi a eu lieu entre les murs de l’hôpital sans rendez-vous fixé. Imprévu à la visite, la rencontre avec mon frère ne fut pas reçue comme un cadeau. Détesté, je ne peux plus l'associer à notre composition florale depuis de nombreuses années. Et malgré le sable qui s’écoule dans le verre déjà fissuré, la rancœur reste toujours rouge vive, prête à rouvrir les plaies suppurantes dès qu’un mot est prononcé.
Les nerfs électrisés, je rentrais pour rejoindre ma pauvre demeure en essayant de me calmer. Pour baisser la tension, quoi de mieux qu’une douce mélodie jouée au piano et à la guitare. Les écouteurs dans les oreilles, la musique est lancée sur le baladeur que je balade depuis mon ancienne vie. Les notes rebondissent avec légèreté comme des nuages blancs poudreux dans mes oreilles mélomanes. Elles parviennent à alléger le fardeau que je traîne de mes pieds lourds, laissant des traces de cendres suite à l'incendie qu’a lancé mon frère en mon for intérieur.
Tout à coup, bruits fracassants, mon regard s’informe. C’est une gueule qui se fait fracasser. Un poing rugueux cogne des dents. Cette silhouette me rappelle mes souvenirs de jeunesse. Une aura brumeuse qui me suit sans volonté.
Nous ne sommes pas destinés, pourtant nos chemins finissent par se croiser.
Il est comme une deuxième ombre qui apparaît mystiquement quand le yang vient séduire le ying.
Nous sommes deux astres qui vacillent dans l’obscurité.
Et je suis comme une étoile dont la lumière s’épuise, aimantée par ce trou noir qu’il représente.
Au risque de me faire absorber.
Casseur de gueule, loup des rêveurs, Sang Hwa a le poing levé et je l’intercepte soudainement. Mon regard qui a avalé toutes les étoiles du ciel se plonge dans le sien, obscur. “Arrête.” La voix plutôt calme, les risques de se prendre la météorite au coin de la bouche sont élevés, mais il faut savoir parfois, se lancer.
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Ils savent que mort se trouve au bout de son poing. Qu'il fait partie de ceux qui ne craignent ni la Faucheuse, ni son tranchant.
L'autre se terre un peu plus dans le sol, tordu à la brique froide. Sanghwa a saisi le col ouvert, soulève une carcasse qui de toute façon a déjà renoncé à la victoire. Ou même à la tentative d'intimidation.
Pas de couteau.
Un soupir las, seulement.
Ennui mortel pour celui qui se cherche un ennemi à sa hauteur. N'importe qui. Pourvu qu'il sente quelque chose.
Mais aucune lame. Aucun uppercut ne saurait l'atteindre jusqu'aux tréfonds de son être. C'est comme si l'abysse y était déjà si profond que plus aucun écho ne pouvait y résonner.
Aucun.
Sauf peut-être un.
À l'instant où son poing se referme dans la promesse de s'abattre,
une sensation ferme et inattendue s'enroule autour de son poignet.
Ferme, mais la plus douce qu'il ait jamais connue.
La voix, l'interdiction trace son chemin jusqu'à son oreille tendue.
Alors, rictus creuse sa ligne au coin des lèvres.
- Tu penses que tu peux me donner des ordres ?
Défiance illumine ses pupilles sombres. Il darde l'étudiant d'un œil torve accompli.
Et pourtant, nouvel arrivage accapare toute son attention quand l'autre déchet n'existe plus à ses yeux. Sanghwa délaisse le morceau de chemise, se tourne vers l'importun, libère sa main. Canines visibles sous les badigoinces retroussées.
Brutalement, sa poigne se saisit de la jugulaire à découvert, accule garçon dos à la pierre.
Il se fait étau mortel, enfonce la silhouette fine entre les veines du mur, son souffle chaud qui accuse la peau blanche.
Murmure se déplie mot à mot.
- T'en as pas marre de me poursuivre partout, sale petit con.
Paradoxe intérieur.
Sous la peau du ventre remue l'euphorie animale qui a trouvé le compère avec qui jouer.
Peut-être qu'il pourra s'amuser un peu, ce soir.
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À l’assaut pour venir en aide à un inconnu qui ne le mérite peut-être pas, loin d’être un chevalier, j'interprète le poing levé avant le coup fatal. Sans armure, le corps est ouvert aux coups, prêt à morfler. Alors, c’est sans difficulté que la matière se déplace sous la force de ses doigts impétueux. Murmures d’une ensorcelante, ma chair s'électrise de sa mélodie luciférienne.
Shot d’adrénaline, Sang Hwa est ce danger qui vient ébranler ma vie terne et bordée de banalités. Il incarne une tornade que je devrais éviter. Pourtant, tel un imbécile, je fonce droit dans son centre carabiné. Emporté comme un somnambule dans un rêve alambiqué, je me laisse esclave du sournois que je vois grandir depuis plusieurs années. Grandir et vieillir, la rage ronge ses dents acérées comme les premières fois où je l’ai rencontré. Il mord toujours le premier qui vient le déranger. Chien de la casse, il casse les gueules trop grandes. Et moi, au loin, je suis spectateur de l'ombre, piqué par la curiosité malsaine de le comprendre.
Le regard aux pupilles sombres et pourtant en état de tendresse se plonge dans le sien, qui vomit une colère méconnue. La main toujours tenue pour m’immobiliser, les veines de mon cou et de mon front gonflent face à l'insuffisance d’air. Or, à ses yeux, fragile, je ne compte pas fléchir. Alors, j’emprunte sa manière de parler sans timidité. “T’en ai pas marre de sortir les crocs ?” Dis à mi-voix, je l’espère peut-être poser les armes à terre et expirer tout le noir qui imbibe son cœur.
Subitement, les larmes de Zeus s’abattent sur nous. Une trombe de pluie s’empare du clair pour laisser que l’obscur du tableau que nous avons personnalisé. “Rentrons.” Les gouttes ruissellent sur mon visage découvert, où il se lit une affection presque mystérieuse à son égard.