Alary Llewelyn était un misanthrope errant. Ses déplacements perpétuels n’avaient de cesse de cultiver la curiosité du brun, qui ne savait jamais où il allait pour celui qui ne supportait pas le genre humain. Cette forme de sauvagerie, acceptée par la population, lui laissait donc un passage dans son chemin qu’il n’a jamais saisi.

Et pourtant, dès qu’Alary revenait, il prenait toujours le temps de lui conter des romans anglais, de la poésie française et des contes coréens. Cette manière de vivre frugal, apportant son lot de mots sur les mœurs, les civilisations et leurs tempéraments. Il vivait ce qu’il semblait vouloir être, pénétrant son âme sans négliger son apparence. Tout en subsistant à travers les avancées, les drames oubliées, les vertus et les vices. Mais plus que tout, Alary était un mystère à lui seul et qui paraissait s’en contenter.

Par le biais de quelques mots, Jin Hyun avait compris que la rencontre avec sa mère n’était pas un hasard, mais il n’a jamais su ce qui a pu contraindre cet homme perdu dans son idéalisme mystique à avoir une femme aussi monotone que sa mère. Peut-être était-ce la générosité d’une matriarche propre à pardonner ses enfants ou l’utopie qu’elle s’était toujours construite là où Alary ne concevait que des péchés odieux.

L’un comme l’autre, la relation portée entre les deux relevait autant de l’affection qu’un ardent désir égoïste lorsque les lumières étaient éteintes. Et Jin Hyun avait appris très tôt à disparaitre lorsque les regards rongeaient les mots et les sourires, ceux des envies. Il ne faut jamais s’accoutumer à regarder ailleurs que ce que l’on est venu chercher.

Et pourtant, en grandissant, a-t-il n'eu que pour vanité de l’oublier. D’un mouvement, comme une pensée, à s’échouer vers d’autres horizons. S’aventurant à froisser sous ses propres désirs d’adolescents les pommettes pimpantes, parsemer d’effluves en tout genre et à porter une main dévastatrice sur les élégants édifices que représente la nature humaine. Sous les regards prompts au silence de son tuteur, jugeant qu’il était bon pour Hyun Jin de chercher l’ange sous le nuage de sa vie.

Quand bien même les yeux étaient brûlants de contemplations échouées, cachant les frasques sous les voiles des chemises trop grandes. Et de trouver l’exaltation dans les regards perçants, comme on essaie de déchirer la flamme prise dans un déluge. Un fanatique attrait ayant causé des dommages corporels, mais ainsi a-t-il pu éclairer et tapisser son esprit d’une ouverture méconnue. Ou étaient-ce seulement les roucoulements d’un adolescent.

Néanmoins, il semblerait qu’il soit chose peu aisée de comprendre réellement un homme. Et d’autant plus à le juger sans en connaitre la moindre parcelle d’un vécu, de ses avènements, l’ombre de sa pensée et de ses propres tourments. Alary Llewelyn était doté de ce mystère, qui l’entourait, comme une multitude de dangers auquel on s’exulte et cherche inexorablement à en percer son secret.

Mais c'était un grand homme et lorsque celui-ci connu sa chute, Jin Hyun était persuadé, qu’intimement, cet homme avait dû faire le constat de beaucoup d’affects, jusqu’aux cieux, pour entrevoir un paradis inaccessible. Et ce fut le dernier chapitre d’Alary Llewelyn, un être énigmatique dont il se souviendra probablement toute sa vie.

Il s’est souvenu des mots d’Alary, depuis son retour en Corée du Sud : « les rêveries sont intrusives et peuvent être effroyables à bien des égards. Elle enjôle et leurre, pour mieux pousser au suicide de l’âme. ». Jin Hyun s’est évertué à en comprendre son sens et de se dire que tant qu’elle n’est pas vénéneuse, elle n’empoisonnera pas la source. Mais l’aveuglement du génie est de n’en voir jamais sa fin.

Ses choix d’études et de carrière l’ont amené à être ce qu’il est aujourd’hui : l’accomplissement d’un naturel, au caractère, d’une beauté gracieuse qui ne décore que son esprit, sans en oublier son allure. Et plus que tout, Jin Hyun s’attache à être le confident des tragédies des autres.