Histoire décès, enfance abusive

Une maison familiale, envahie par les flammes, incendie si vite arrivé, une étincelle de trop.

Un cri du coeur d'un village trop éloigné pour que les secours arrivent à temps, une population échouée par leurs politiciens, une tragédie qui marquera les âmes à jamais.

Un appel à l'aide de l'intérieur, les corps qui se tordent de douleur, emprisonnés par les débris, les poumons étouffés par la fumée.

Et un jeune garçon, impuissant, la braise refletée dans la prunelle de ses yeux qu'il ne peut fermer, un regard qu'il ne peut détourner, une image qui hantera à jamais ses rêves.



Un orphelinat érigé dans un quartier un peu défavorisé, comme si ceux qui devaient y être admis n'avaient pas le droit de se sortir de la misère. Des employés pourtant aimants, qui sacrifient corps et âme pour choyer ces pauvres enfants privés de leur famille, ces petits bouts d'humains qui ne méritaient pas ce sort. Des employés presque parfaits, sauf un; le coeur teinté de sombres pensées, la haine qui coule à flot dans ses veines. La vue d'une forme de vie impure, un mélange de japonais et coréen qui le dégoûte.

Nuit après nuit, il frappe l'enfant dans le dos du premier objet qu'il trouve; laisse, fouet, chaîne. Il le heurte de plein fouet, une punition journalière pour des péchés qu'il n'a pas commis, un héritage qu'il n'a pas choisi. Une masquarade qui dure longtemps, trop longtemps. Plusieurs longs mois sans que personne ne s'en rende compte. Et puis le secret fut dévoilé au grand jour par une femme de ménage, au bon endroit au bon moment. L'homme est arrêté, Kiyoshi est libre. Mais à jamais il aura des cicatrices, tant physiques que mentales.

Autrefois si bavard, si affectueux; il est désormais silencieux, replié, effrayé. Il ne fait plus confiance à personne.



Un jeune homme, trois ans plus vieux que lui, qui mendie, qui grappille les sous qu'il trouve pour survivre malgré des parents alcooliques, absents, ou les deux. Deux âmes liées par le destin, emprisonnées par leurs circonstances respectives. Deux âmes qui s'entraident, qui errent les rues jusqu'à ce que l'un doive rentrer chez lui, l'autre soit rappelé à l'ordre par les employés de l'orphelinat.

Des heures passées ensemble, loin des adultes mais dans l'antre des traumatismes. Sales par moments, écorchés par d'autres, collectant chaque pièce ou billet qu'ils trouvent pour l'usage du plus vieux, le plus jeune n'en ayant pas besoin. Une amitié hors du commun qui se développe, une liaison unique qui à jamais les suivra. Taeil et Kiyo, un duo inséparable.



Un adolescent beaucoup trop confiant, qui joue de sa vie, qui court un trop grand risque pour le bien de sa famille. Et lui, du haut de ses 11 ans, qui pleure, qui le supplie, qui se met à genou devant lui. Taeil se joint un gang, une décision qui hante les nuits déjà sombres du plus jeune qui n'arrive pas à lui faire changer d'idée. Alors en secret, il le suit, parfois. Il veut le protéger même s'il est lui-même fragile, même s'il ne peut rien faire contre ces dangereux adultes.

Impuissant, il essaie finalement de faire confiance à son ami. Il l'espionne de moins en moins, il met davantage l'accent sur ses propres études, ses notes qui ne valent pas grand chose, sa nouvelle passion pour le piano développée à l'école. Il est loyal, il garde ce secret pour lui-même, jusqu'à sa tombe s'il le faut. Même s'il n'approuve pas des choix de Taeil, même si à chaque jour il a peur de ne plus jamais le revoir, même s'il ne sait pas s'il va un jour s'en prendre à lui.

Il sera toujours là pour son ami, coûte que coûte.



Un adulte laissé à lui-même malgré les circonstances, sans un sous à son nom, sans repère. Un appartement beaucoup trop petit, presque insalubre, mais qu'il accepte sans se plaindre. Il collectione les boulots ingrats pour survivre, essayer d'améliorer son sort, gravir les échelons. Il amasse suffisamment d'argent pour tenter de joindre des écoles de musique, torse bombé, l'espoir qui brille dans ses pupilles. Mais le résultat est toujours le même. La passion seule ne suffit pas, le talent n'est pas assez présent.

Il encaisse les échecs sans broncher, comprend que la musique ne sera qu'un passe-temps, rien pour gagner sa vie. Il tente de voler de ses propres ailes, il a finalement l'impression de vivre comme les autres. L'argent qui reste dans le compte de banque, la volonté d'être quelqu'un de bien, l'espoir qui renait lorsqu'il peut finalement déménager dans quelque chose de mieux.

Est-ce ça, le début du bonheur?



Un appel que personne ne veut recevoir, un téléphone qui heurte, la voix au bout du fil comme des poignards en plein coeur. Une course au coeur de la ville, du point A au point B, sans s'arrêter, sans prendre le temps de respirer avant qu'il soit au chevet de son meilleur ami. Un long mois à attendre qu'il ouvre les yeux, un long mois à espérer qu'il s'en sorte, un long mois à maudir cette décision que son ami a prise 10 ans plus tôt.

Un mois où il prend le petit frère de Taeil sous son aile, ne voulant pas le laisser seul aux prises de son père alcoolique. Un mois parmis les boîtes à moitié défaites de son nouvel apartement, les visites à l'hôpital, le boulot trop demandant. Le mois de panique se transforme rapidement en plusieurs mois de soulagement, plusieurs mois de convalescence pour Taeil, plusieurs mois à aider son meilleur ami à se remettre sur pied, à héberger son petit frère. Plusieurs mois à jongler entre ses propres besoins, ceux d'un adolescent qui ne comprend pas trop, et ceux d'un homme avec beaucoup trop de regrets.

Taeil quitte finalement le gang. Les journées d'inquiétudes sont terminées.


Une nouvelle venue dans l'immeuble, depuis deux ou trois ans à peine; un peu bizarre, parfois bruyante mais divertissante.

Un nouvel emploi au Panda Tea House, quelque chose de plus élégant, valorisant, et deux patronnes qui en valent la peine.

Un semblant de retour à la normale, loin des inquiétudes, loin des dangers, sans trop savoir s'il y a réellement quelque chose au bout du tunnel.