Histoire Sa vie a commencé de manière banal et normal, du moins aussi normalement que des parents alcooliques et toxicomanes ne le permettent. Au début, ses parents étaient plutôt enthousiastes à l’idée d’élever un enfant, c’était leur premier fils après tout, l’excitation de la nouveauté. Il ne faut cependant pas se voiler la face, ils ne sont pas devenus des parents modèles du jour au lendemain, ils n’ont même pas tenu un mois cette belle résolution qu’était d’arrêter l’alcool et la drogue, venant d’une personne qui n’a même pas arrêté lorsqu’elle a appris qu’elle était enceinte, il ne fallait pas s’étonner. Il ne lui a d’ailleurs pas fallu bien longtemps avant que cette dernière ne se lasse de son tout nouveau rôle de mère. À peine deux an après la naissance du petit Taeil, sa mère est parti sans jamais se retourner, le laissant avec un père en pleine débauche.

Il faut dire qu’il a eu de la chance dans sa malchance, après tout, aucun accident trop grave ne s’est produit durant son enfance, la preuve en est qu’il est encore là aujourd’hui. Il n’a pas eu assez de chance pour être repéré par les services sociaux, mais il s’en est sorti. Certes, son père n’était pas très doué avec les enfants, l’emmenant avec lui voir son dealer, lui faisant goûter de la bière ou organisant des fêtes avec un afflux de drogues et d’alcool conséquent, ce n’était donc pas facile tous les jours pour un bambin. Mais Taeil a fini prendre le coup de main dans cette vie d’infortune. À environ 5 ans, il savait à peu près comment se débrouiller tout seul, cuisiner, peut-être pas, mais il savait comment se dégoter de quoi remplir son estomac et il avait rapidement compris, en observant son père, que toutes ces substances qu’ingérait son père n’était peut-être pas si bonne que ce dernier clamait. Après tout, le genre de cache-cache auquel il jouait avec son père n’avait rien d’amusant, passer des heures dehors pour essayer de trouver ou est-ce que son père a bien pu s’évanouir quand il ne rentrait pas le soir n’avait rien de bien marrant.

♤
Grâce à un moment de lucidité de la part de son père, le petit Taeil pu aller à l’école comme un enfant normal. La première fois qu’il mit les pieds dans l’enceinte de l’école, il fut émerveillé. Apprendre de nouvelles choses, lire des livres, pouvoir dessiner, laisser libre cours à son imagination, et tout simplement apprendre! C’était un tout nouveau monde qui s’ouvrait à lui, un univers qu’il n’avait jamais pu explorer, pas même en avoir un aperçu. Et puis il y avait les amis, tous ces enfants de son âge qui ne demandait qu’à être son ami. À partir de ce moment, le petit Taeil s’est transformé. Il avait toujours plus ou moins été un enfant joyeux, curieux et plein de vie, mais son environnement familial ne lui a jamais permis de rester heureux bien longtemps. À l’école en revanche, plus de responsabilités, plus d’adulte à devoir traîner jusqu’au canapé à la force de ses tous petits bras, plus de galère pour trouver de la nourriture, juste apprendre. Apprendre et jouer.

L'école a apporté au petit Taeil un semblant de normalité. Même s'il devait parfois manquer l'école à cause, la plupart du temps, de son père et de ses lubies. Mais comme toute bonnes choses, il fallait que ça se termine. Plus il grandissait et plus il prenant conscience de tous les problèmes dans lesquels sont père s'était fourré. En enfant très précoce qu'il était, il ne lui a pas fallu bien longtemps pour comprendre, et surtout, pour passer à l'action. Ça a commencé par cacher l'argent que recevait son père pour ne pas qu'il le dépense dans de l'alcool ou de la drogue, argent qu'il utilisait dans un premier temps pour faire les courses, car bien évidemment, il a très vite appris à cuisiner et c'est lui qui gérait ça dans la maison. Puis lorsqu'il a pu comprendre un minimum ce dont les courriers qu'il recevait parlait, il a commencé à utiliser l'argent pour payer les factures. Gérer les finances de la maison en plus de devoir gérer son père qui lui tenait la jambe à chaque début de mois pour avoir son argent, c'était un job à temps plein, et il a fini par manquer l’école plus fréquemment. Ça n'aura duré que 3 ans.

Avec la gestion des finances, est venue la réalisation qu'ils n'avaient clairement pas assez d'argent pour payer toutes les factures et être capable de s'acheter de quoi manger derrière. Il n'y avait qu'une seule solution, comme il était impossible de convaincre sa tête de mule de père de se secouer les miches pour trouver un travail, il devait lui-même travailler. Le truc, c'est que trouver un travail pour un enfant de 8 ou 9 ans, ça n'avait rien de facile. Son sourire d'ange et son enthousiasme lui on bien permis de faire quelques petits travaux ici et là pour aider les vieilles dames du quartier, mais ce n'étaient pas quelques centaines de wons qui allaient les nourrir pour la semaine. Il s'est donc mis à monter des petites arnaques en tout genre, des ventes de citronnades à un prix exorbitant qu'il écoulait en retournant le cerveau des clients avec ses belles paroles, des petits jeux, truqués bien évidemment, qu'il installait devant les bars en attendant son père pour faire parier les ivrognes et tout plein d'escroqueries de ce genre. Il avait même parfois recours au vol, même s'il n'aimait pas beaucoup ça. Il allait même jusqu'à ramener ses arnaques dans la cours de récré lorsqu'il était à l'école. Ça lui a valu des problèmes, mais il s'en fâchait, quand la survie était sur le tapis, l'apprentissage devenait tout à coup bien moins important.

♤
Puis, alors qu'il n'avait que 10 ans, son père a amené une femme qu'il a présentée comme sa nouvelle maman. Il ne lui a fallu qu'un coup d'oeil pour deviner que cette femme était exactement pareille que son père et qu'il ne fallait pas compter sur elle pour ramener de l'argent, au contraire, elle allait être un gouffre financier, et ça, Taeil n'allait pas laisser passer. Il est devenu encore plus méfiant et protecteur avec l'argent, calculant tout à la milliseconde près pour être le premier à récupérer le chèque de pension, cachant l'argent comme un chien enterre son os et n'en lâchant aucun won à cette soi-disant “nouvelle maman”. Il faut dire que l'ambiance à la maison était loin d'être joyeuse, encore pire que d'habitude, entre les soirées bien trop arrosées et les caprices de ces deux enfants taillent adultes, ce n’était pas de tout repos pour Taeil. Ça a duré une petite année avant qu’un événement inattendu ne vienne chambouler le foyer. Cette femme avait perdu les eaux en plein milieu du salon. Quand était-elle tombée enceinte? Le mystère n'a jamais été résolu, le fait est qu'elle allait accoucher. Un mois plus tard, après sa sortie de l'hôpital, la femme s'est pointée, a lâché le bébé dans les bras de Taeil, qui avait ouvert la porte, et elle est partie pour ne jamais réapparaître. Pour Taeil, en voyant ce tout petit être, ça a été le coup de foudre, il est tombé gaga de ce petit bout et s'est promis d'en prendre soin comme son propre fils. Oui, il n'avait que 11 ans, mais il était hors de question de laisser son paternel s'occuper d'un autre gamin, si c'est pour qu'il le nourrisse à la bière et à la poudre blanche, il en était hors de question.

Le problème avec un nourrisson, c'est que ça coûte de l'argent. Et puis, Taeil ne savait pas comment s'occuper d'un bébé. Pour ce dernier point, ce n'était pas si compliqué, il n'avait qu'à demander aux dames de son quartier. Pour l'argent en revanche, c'était bien plus problématique. Il a donc dû réfléchir à des arnaques plus élaborées et plus fréquentes qui pourrait lui rapporter plus d'argent. Il se débrouillait bien, il gagnait une petite somme qui les aidait à passer la journée et l'argent des aides allait pour les factures. Il s'occupait de son petit frère à merveille, et parfois de son père quand il devait aller le cherché complètement torché dans un bar ou quelque part dans la rue. Ce n'était pas facile, mais il se débrouillait, du moins quand l'école ne se décidait pas à mettre le nez dans sa vie familiale. Comment leur en vouloir après tout, ses absences répétées levaient des soupçons et l'école ne comptait pas se séparer d'un si bon élément. Il a toujours réussi à inventer des bobards pour qu'ils lui fichent la paix et qu'il n'est pas de trop gros soupçons sur sa situation familiale, il ne pouvait pas risquer qu'ils préviennent les services sociaux et que Taeil et son frère finissent séparés.

♤
Il a vécu cette vie jusqu'à ses 14 ans, à faire tourner le foyer familial à bout de bras et en donnant tout ce qu'il avait à son frère. Mais les arnaques, ce n'était pas un métier très sûr, il a suffi d'un jour, d'une arnaque et de la mauvaise personne pour que tout bascule. À se croire plus malin que les autres, on finit par trouver plus fort que soit. Un grand gaillard, trois fois plus grand que lui, des tatouages sur tout le haut du corps, un air intimident et des biceps qui faisaient la taille de sa tête. Mais Taeil avait bien trop confiance en ses capacités à embobiner les gens, il pensait pouvoir se sortir de tous les mauvais pas si ça tournait mal. Et ça a bien sûrement tourné mal, le gars n'a pas mordu à l'hameçon du tout. Il aurait pu lui deviser la tête d'une seule droite, ça sentait vraiment le roussi pour le jeune ado. Mais contre toute attente, au lieu de le tabasser, il s'est mis à rire. Il a aimé l'aplomb du gamin devant lui et son esprit vif. Il lui a même proposé un job. Le jeune Taeil était d'abord méfiant, mais face aux sommes d’argent qu’on lui faisait miroiter, il ne pouvait qu’accepter. Cet homme l’a pris sous son aile et c'est devenu son mentor, et avec le temps, une figure paternelle. Et c'est ainsi que, du haut de ses 14 ans, il a intégré un cartel de drogue.

Il n'avait pas un très grand rôle au début, il ne faisait qu'user de son jeune âge et de son vocabulaire sophistiqué, comme il le faisait avant, mais la paye était bonne et il a vite pris goût à tout ça, il a encore plus lâché l'école et n'a même pas pris la peine de s'inscrire l'année suivante. L'école a bien tenté de le repêcher, mais avec son père qui trouvait l'école inutile comparée à son nouveau métier, ils n'ont jamais réussi à le récupérer. Il ne lui a pas fallu longtemps pour que ses idées ne fassent parler d'elles dans le cartel, et avec l'appuie de son mentor, qui était assez bien gradé dans le gang, il a réussi à monter les échelons jusqu'à devenir un conseiller clé du gang. Sa famille n'a plus manqué de rien à partir de ce moment. Taeil offrait tout ce que son petit frère désirait, et même s'ils n'avaient pas quitté leur petite maison miteuse, ils n'avaient plus peur de se retrouver sans électricité, sans eau ou sans nourriture. Tout l'excédent d'argent était soigneusement caché comme économie, acheter un joli appartement pour son frère et lui et pour payer les études du premier. Quant à son père, il était nourri et logé gratuitement, alors il n'avait pas intérêt à trop la ramener. La vie était enfin belle.

♤
Il est resté avec son gang pendant 10 ans. 10 longues années à conseiller les têtes du cartel, à les aider à faire de leur business un empire, à gagner toujours plus de territoires. Et ça lui réussissait bien. De l'argent à flot, un respect qu'il n'avait jamais eu auparavant et pour couronner le tout, il était bien plus en sécurité que certains membres, n'étant pas vraiment un des chefs et ne se montrant jamais sur le terrain, il était plus protégé de la police que d'autres. En 10 ans, la confiance lui était montée au cerveau et il se pensait invincible. Très méfiant, mais très confiant. Il prenait tellement de précautions qu'il se pensait imprenable. Et il l'était. Du moins pour la police. Ce qu'il avait un peu plus négligé en revanche, c'étaient les gangs adverses. Cette menace était toujours présente dans ce genre de métier, mais elle n'avait jamais vraiment été une menace pour son genre de personne. Après tout, il ne se montrait pas et les gens qui l'entouraient étaient très bien protégés. Mais le début des ennuis est arrivé avec un gang adverse bien plus menaçant que les autres. Un gros gang qui avait le nombre, mais aussi la tactique. La première douche froide fut à la mort de son mentor. Tué par ce même gang. Ce fut un coup dur pour Taeil, lui qui voyait en lui un second père, un modèle. Il était parfaitement conscient que son “métier” était dangereux et que son mentor n'était peut-être pas le meilleur modèle qui soit, mais il l'admiration en tant qu'homme, un homme droit, juste avec des valeurs et, caché sous son intimidante carrure, avec un grand coeur. Il avait été très compréhensif quand Taeil lui a expliqué sa situation familiale et il a toujours été bon avec son frère, c'est même lui qui lui a appris à ne pas être trop dur avec son père. C'est pourquoi sa mort fut un choc. Mais malgré ça, il ne pouvait pas se laisser démonter, il devait continuer et assumer ses responsabilités. Il aurait peut-être mieux valu se plonger sous sa couette et pleurer pendant quelques jours, car une semaine plus tard, c'était à son tour de voir la mort de près.

Il avait à peine 24 ans. Fort, le regard plein de confiance. Il ressemblait de plus en plus à son mentor, les tatouages en moins. C'était lors d'une réunion d'urgence avec quelques conseillers et sous-chefs. Il fallait faire quelque chose à propos de ce gang rival. La discussion était houleuse, mais Taeil était resté légèrement en retrait, à réfléchir, il n'ouvrait la bouche que lorsqu'il avait quelque chose de pertinent à dire dans ce genre de situation. C'est là qu'ils sont arrivés, dans ce hangar désaffecté où ils s'étaient réfugiés. Ils étaient plusieurs, armés de mitraillettes, Taeil et son gang n'ont même pas eu le temps de réagir, ils ont ouvert le feu. Avant même que Taeil ait pu faire quoi que ce soit, une vive douleur la prit dans le ventre et il s'est écroulé. Il ne se souvient plus très bien ce qu'il s'est passé par la suite, mais il se souvient avoir vu la police arriver et, à ce moment, une seule pensée a traversé son esprit “on nous a vendus”.

Trois balles dans l'abdomen, une touchant le foie, deux autres l'intestin. Si la police n'était pas arrivée aussi vite, il se serait vidé de son sang. Il a passé un mois inconscient à l'hôpital et cinq autres encore en convalescence. Pendant ces quelques mois, la police l'a approché pour lui proposer un deal. Il les aide à attraper le reste de son gang et du gang adverse, et en échange, il ne fait pas de prison, à la seule condition qu'il suive un programme de réinsertion. Bien entendu, il a accepté. Cet événement fut une révélation pour Taeil, le déclencheur qui l'a décidé à quitter ce monde de crimes. Après tout, qui veillerait sur son petit frère s'il se faisait tuer? Il avait déjà un aperçu, étant coincé à l'hôpital, son frère venait tous les jours, mangeait à l'hôpital, parfois même y dormait quand les infirmières ne venaient pas le renvoyer chez lui. Il ne pouvait pas continuer sur cette voie et risque de laisser son frère tout seul. Alors il a vendu ses anciens compagnons, il a dit tout ce qu'il savait sur son gang et l'autre. Il craignait les représailles, mais il se rassurait en disant qu'il pourrait sûrement dévier le blâme sur un autre, il était doué avec les mots après tout. Et puis, il faut dire qu’il n’était pas spécialement proche de ses camarades. La soi-disant fraternité des gangs, elle n’était pas très présente dans le sien, le seul qui comptait s’est fait tuer à cause de ces histoires, alors à quoi bon. Et donc, en sortant de l'hôpital, il fut placé au soin de la SC Agency. Avec eux, il put passer son suneung, qu'il n'avait jamais passé, avec des résultats étonnement élevé pour quelqu'un qui n'est jamais allé au lycée, ils l'ont même aidé dans les démarches juridiques pour devenir le tuteur légal de son frère après lui avoir offert une situation plus stable en l'embauchage en tant qu'agent d'entretien. Touché par tout l'aide qu'il a reçu, Taeil s'est lancé dans des études en psychologie, bien décidé à aider d'autres jeunes en difficultés comme lui l'a été. La démarche fut difficile, mais il finit par se surprendre à espérer un avenir meilleur, sans la menace de finir en prison ou de se faire tuer. L'argent qui rentrait n'était plus aussi conséquent, mais en se serrant la ceinture, il a pu garder une vie à peu près normale. Ses économies l'ont aidé à payer une partie de ses études, en plus de la bourse offerte par la SCA, mais il a fait attention à en garder une grosse partie pour son frère et continue d'économiser chaque won pour son avenir.

♤
Aujourd’hui, il travaille dur tous les jours et continue de traiter son frère au petit oignon même si leur relation s'est un peu dégradée depuis la crise d'adolescence de celui-ci. Les disputes sont plus fréquentes, car il est devenu plus turbulent et problématique, Taeil fait tout son possible pour qu'il reste sur une bonne voie et pour qu'il fasse de bonnes études, mais la voie que son petit frère est en train de prendre ressemble un peu trop à celle qu'il a lui-même pris, ce qui ne le rassure pas vraiment. Son père quant à lui, commence peu à peu à perdre la tête, ravagé par l’alcool et les drogues en tout genre, et même si Taeil a plus que l'habitude de le gérer lui et ses excès, cette nouvelle responsabilité rajoute un poids sur un fardeau déjà bien lourd à porter. Ils vivent tous les trois dans ce même taudis qui les a vu grandir, mais pour le moment, tout va bien. Tant que son frère est en bonne santé et a une vie confortable, alors tout va bien pour Taeil.