Histoire

-- à huit ans déjà, le penchant pour les sciences se faisait sentir. une intelligence qu'on ne pourrait délimiter à son âge, la bibliothèque familiale est remplie de livres sur des sujets médicaux divers et variés. mais qui aurait pu le prédire, au sein de cette famille vibrant depuis des années pour le divertissement, un retournement aussi soudain ? une larme a coulé, puis une autre lorsque le paternel a perdu son meilleur ami dans la pression du secteur. le souvenir est dur, amer. il n'autorisera jamais son seul et unique fils à parcourir cette branche. jamais. cependant, le petit a déjà les yeux qui brillent en voyant les émissions musicales japonaises sur les écrans. un miroir, une chanson, et le voilà déjà, tentant de reproduire ce qu'il venait tout juste d'apercevoir. sans crier gare, une passion, un rêve venait de naître dans son esprit.

-- à quel moment a-t-il arrêté de s'attacher ? peut-être au bout de la troisième fois, ou serait-ce la quatrième ? le petit garçon ne compte plus les environnements qu'il a pu côtoyer ; les établissements scolaires à tōkyō sont changeants, les cours, les professeurs, rien n'a de sens à ses yeux. les jours s'enchaînent, mais la routine luxueuse est la même : dix ans, il fait déjà une paire inséparable avec ce sentiment que l'on surnomme plus communément l'ennui. il aurait aimé que les choses soient autrement, il aurait aimé garder des bons souvenirs, ne pas se lier d'affection, inutilement puisqu'ensuite, les liens se dénouent. la distance, le changement. il ne saurait expliquer pourquoi au vu de son si jeune âge, mais ces sentiments, le rebute. sora est en quête d'amour. cette émotion que ni sa génitrice, ni son géniteur, ni aucun être ne peut lui donner. alors il se rapproche, s'attache, se détache, se méprend. il ne comprend pas. il aime se sentir aimé alors pourquoi est-ce si difficile, de simplement garder des liens ? même son professeur particulier, n'est jamais le même. la routine et le changement sont ironiquement sœurs jumelles dans cette perpétuelle danse infinie. on lui inculque avec plaisir les sciences, la musique classique, la littérature et derrière cette barricade dorée, on lui enlève ce qui le fait rêver.

-- à nouveau, il observe le cadran au-dessus de la grande cheminée inspirée de l'ère oda. l'aiguille trottine, lentement, rapidement puis de nouveau elle décélère. peut-être sont-ils arrivés au dixième déménagement. sora ne réfléchit même plus. c'est la lassitude qui s'empare de son être. mais cette fois-ci lui semble sincèrement différente des autres fois. les heures passent. enfin, il laisse son regard ennuyé se balader autour de lui. la frénésie du hall de gare, il aurait préféré ne jamais la rencontrer ou tout du moins, pas de sitôt. quatre silhouettes avec de longs manteaux noirs d'hiver traversent le hall et lui passe devant. sora dévie son regard lorsqu'il entend les talons de sa génitrice impitoyable. un rouge nacré sur le bord de ses lèvres, le maquillage est aussi parfait que celui des plus grands mannequins du pays. la japonaise est belle, les années passent mais jamais elle ne se fane, telle une fleur de lotus à la vie éternelle. le jeune adolescent aimerait pouvoir faire demi-tour, ne pas quitter sa terre natale. la vie en a sûrement décider autrement. c'est donc avec un dernier regard au loin qu'il s'envole pour une autre vie.

-- le changement n'a jamais fait aussi mal. la culture n'est pas la même, il a longtemps un mal du pays qui ne le quitte pas. l'incompréhension est maitresse de ses émotions. pourquoi doit-il toujours suivre, la tête baissée, tout ce qui lui est imposé ? la majorité n'est pas encore atteinte et malheureusement, il devra suivre encore quelques années. à moins qu'il n'en décide autrement. les brûlantes flammes de la rébellion prennent possession de son cœur et de son âme soudainement. les soirs sont nombreux où le jeune garçon se recherche, continuellement. cette passion qui ne l'avait jamais quitté reprend le cours de son chemin, là où les vidéos visionnées sur la street dance s'enchaînent. un gros coup de cœur. quelque chose qui prend aux tripes. la krump dance, il réalise. il s'entraîne en secret. jusqu'à ce que le cauchemar d'une possible découverte ne soit plus qu'une réalité ; le ton monte entre sora et ses géniteurs, chaos régnant dans une haine explicite. mais l'adolescent en avait besoin, de cette évasion. et pourtant, on voulait de nouveau lui prendre ce qui lui appartenait.

-- vivant dans ce monde où tout n'était qu'abondance et somptuosité depuis qu'il était né, sora fut inscrit dans un lycée privé de seoul. un établissement haut de gamme qui n'accueillait que l'élite la plus pompeuse, magnifique, presque princière. lentement, furtivement, une nouvelle page du livre s'est écrite. il est sans conteste, le meilleur élément de sa classe, il est brillant, beau, charmant. mais l'ennui toujours est son compagnon, il cherche ce quelque chose qu'il n'a pas. il se sent vide à certains moments, sa nouvelle passion pour le basket ne suffit pas à remplir ce manque de repères. alors l'ennui, une fois rassasié, laisse place à l'envie, la nouveauté, aussi gourmande que sa comparse. elle est belle, cette douce coréenne aux traits angéliques. des regards échangés, des touchers presque trop électriques, une tension ressentie dans l'air. puis, cette sensation de vide s'évapore peu à peu, les atomes crochus sont si forts, indissociables. son prénom est aussi exquis que sa peau qu'il rêve de toucher, hana. il en a parlé avec son meilleur ami, il aimerait avoir son attention à elle, et à elle uniquement. difficile, la belle a déjà son regard ailleurs. alors pendant un temps, il tente d'oublier. il se délecte de ce qui lui est possible d'avoir, séduit, charme, se joue des cœurs avides mais n'ouvre jamais le sien. il vivait au jour le jour, et l'observait pourtant toujours de loin. il s'était fait une raison, jusqu'à ce qu'elle devienne sa partenaire pour les tâches quotidiennes de la salle de cours. naturellement, sora a senti son cœur sombrer dans les méandres du sentiment le plus fort qu'il n'ait jamais pu ressentir. ses yeux brillent, son sourire s'élargit, lui qui est de nature réservé se détend en sa présence. mais il n'en est pas sûr, c'est interdit après tout. peut-être vaudrait-il mieux se taire et laisser planer cette ambiguïté pour toujours. wanting you is all i know and loving you is out of my control.

-- les soirs de pleine lune, le jeune homme se voit rêver les paupières ouvertes. l'interrogation restera toujours entière, son incapacité à trouver le sommeil causé par le sortilège de la lune. les songes reviennent après avoir été chassés, il aime le rap et la danse. en observant la clarté de ces nuits depuis son balcon, il se demande si le fait de songer ainsi ne peut être que vain. alors jour après jour, il s'entraîne sans relâche. sa confiance en lui grandit, et son envie d'être en haut du podium explose à travers son âme remplie de juvénilité. et lorsqu'il tente vainement une audition dans une agence et qu'il se voit y refuser son accès, le ténébreux se relève, encore plus éblouissant qu'auparavant. les sentiments de haine et de colère se bousculent une nouvelle fois en lui lorsqu'une altercation familiale éclate. s'ils ne t'ont pas accepté, assume le. tu devrais juste te concentrer sur tes études, c'est tout. une famille, l'ironie du sort. il trouve plutôt repère au club de basket, là où il est maintenant devenu le capitaine de l'équipe. des entraînements sportifs jusqu'à des heures tardives, l'adonis souffle après un énième panier, l'expression de ses efforts coulant le long de sa nuque. pour une fois, il laisse ses jambes le porter à terre, avant de faire disparaître son visage trempé dans le creux de ses bras. what doesn't kill you makes you stronger.

-- victorieux, le sourire parcourt chaque centimètre de son visage lorsqu'il brandit la coupe du championnat de basketball inter-lycée de seoul. le capitaine rit aux éclats, sa popularité n'a d'égale que sa beauté en cet instant ; une prestance, un charisme, un charme enivrant alors qu'il dévisage l'assemblée, avide de voir son meilleur ami et puis, elle. il la voit alors, au bras de celui qu'elle est censée aimer de tout son être, alors une pointe de douleur froisse son coeur. pendant une fraction de seconde, son regard croise le sien. il ne semble pas l'avoir inventé. l'organe vital bat à toute vitesse dans la poitrine, sans savoir réellement si ce sentiment reflète l'euphorie de ce moment magique ou bien la passion amoureuse qu'il refoule inconsciemment au plus profond de son être.

-- dans cette majorité fleurissante, le bellâtre fit la merveilleuse acquisition d'une honda qu'il cachait chez un ami pour n'attiser aucun soupçon. quel bonheur de sentir ce vent souffler sur les creux de ses pommettes, cette vitesse qui lui donnait des ailes, comme un aigle volant à travers la nuit étoilée.
il s'était juré que c'était terminé avant même d'avoir commencé. et puis un jour, les limites devinrent floues. aidés par une saveur alcoolisée, instant charnel et douceur insoupçonnée de ses lèvres contre les siennes, il n'aurait jamais voulu s'échapper de cette emprise langoureuse. un cœur qui entame une course folle avec son voisin, une main presque passée à travers cette chevelure, voluptés brunes aux étincelles des nymphes aquatiques. une erreur, il n'aurait jamais dû. parce qu'elle était déjà à quelqu'un d'autre. la porte se claque. et le cœur se noircit à nouveau.

il entend les mots qu'elle lui exprime. il les entend sans vraiment le vouloir. il essaie de les oublier. il aimerait tout effacer et faire comme si de rien n'était. il aimerait supprimer cet homme et prendre sa place. parce que, si elle s'était réfugiée dans ses bras plutôt que dans les siens, c'était que sora était le véritable gagnant, non ? le ton est sec et brutal, sora souffle de frustration mais reste silencieux. trois mots.

c'était une erreur.

son regard sombre se baisse, en signe d'acceptation. difficile d'accueillir un rejet lorsque tout le monde vous admire avec des yeux brûlants. mais ce qu'il ne peut pas avoir, le tente encore plus. pris dans cette spirale infernale, sora est le premier client de la tentation, du vice charnel, des douces émotions qui font vibrer les cœurs. elle s'en va, elle prétend en aimer un autre que lui, alors que lui, ne peut oublier l'erreur qu'ils ont réalisé ensemble.

-- l'erreur est de nouveau répétée. encore et encore. c'est arrivé une fois, et puis ça continuera d'arriver, chaque semaine, puis chaque soir à la sortie des cours, cachés dans les vestiaires du gymnase.

tu m'avais pas dis que c'était une erreur ?
mmh.

sora était devenu assoiffé d'elle, de cette relation toxique qui n'en finissait plus. il l'aimait, plus que de raison. il ne voyait que par elle, ne regardait plus personne d'autre quand il sortait en soirée. l'apollon s'était pris à son propre piège de séduction, et s'il croyait pouvoir s'en sortir indemne, c'était un doux rêve éveillé. cette relation n'était pas viable. il le savait. et elle aussi.

-- quelques mois plus tard, hana le trompera, comme elle l'avait déjà fait avec le précédent. et lui, en fera de même après moults batailles pour la faire sienne encore et encore. il la trompera avec sûrement, l'une de ses plus belles histoires qui n'aurait jamais dû exister. attaché à l'un des trainees de l'agence qu'il venait de rejoindre, la sc entertainment, il aurait dû se dire que cette romance n'allait pas les mener bien loin. mais il était devenu trop affectueux, trop attaché pour que cela ne soit simplement qu'amical. les nerfs sont à vifs, il est en colère, c'est plus fort que ce qu'il ne souhaiterait réellement. il ne veut rien s'avouer lorsqu'il le voit avec cet homme, trop proche de lui, bien trop proche à son goût. sora est possessif, sora est autoritaire, sora est jaloux. mais il ne veut rien entendre, son regard est sombre et il préfère tenter d'oublier.

-- certaines âmes partent, d'autres restent tandis que des dernières arrivent. ça lui rappelle vaguement des souvenirs d'enfance, des choses qu'il aurait préféré complètement oublier. il déteste le changement, les imprévus mais il vit pour défier les règles. seulement, sa volonté de réussir est plus forte que tout. alors il se calme et dirige son énergie vers les entraînements, sans relâche. il devient l'un des meilleurs trainees et dépasse de loin celui qui avait les faveurs de ses sentiments. il s'en va à son tour, il quitte sa vie et sora préfère tirer un trait définitif. faire la fête et se sentir aimé juste pour une nuit lui suffit amplement. le brun s'accroche à son rêve, quelle douce et chaude victoire s'il pouvait montrer à sa famille qu'il est fait pour briller sur scène, pour que tout le monde le regarde et non derrière un bureau, à traiter des patients à qui il n'accorde véritablement aucune importance.

-- et tu l'as prouvé tu sais. les mots de son meilleur ami résonne en lui comme une jolie mélodie. sora, à présent devenu cassiel, lorsque les projecteurs illuminent la scène, laisse reposer sa nuque contre le dossier du canapé. son regard balaie le dortoir tantôt rangé, tantôt en bordel. un dortoir composé uniquement de garçons, de parfaits inconnus il y a quelques années encore, à présent devenus son quotidien. zødiac, la raison pour laquelle les entraînements sont devenus deux fois plus intensifs. mais la gloire est à ses pieds et à présent, il ne peut que tout donner.