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Les mains dans les poches, il hoche simplement sa tignasse à la demande, roulant des yeux sous tous les mots emballés par son interlocuteur. « Un ami. Llewelyn. C’est lui qui m’a permis d’en avoir autant, sa collection est tout aussi impressionnante et il maitrise les langues en question. Je te le présenterai à l’occasion. ». Les deux tempéraments sont aussi étranges que compatibles, entre le savoir ambulant et le philosophe aux allures misanthropes, ils auront certainement des affinités insoupçonnées. Peut-être. Il secoue la tête, ne désirant aucunement le savoir, en vérité. Il l’observe juste, un léger sourire aux coins des babines devant les yeux pétillants du bicolore. « Ceux plastifiés, on n’y touche pas. Les autres, tu peux te permettre. ». Il se doute que l’autre prendra ses précautions, comme s’ils étaient des objets inestimables.

Et à chaque commentaire, le silence du danseur se fait plus insistant, creusant le fossé de leurs vies. Ses voyages, Ye Jun en a réalisé dans sa totalité, à plusieurs reprises, lors de vacances scolaires ou pour des sports d’hiver ou d’été. Au bout d’un moment, il vient s’installer sur l’un des canapés présents dans la pièce, laissant l’enfant découvrir chaque nouvel ouvrage comme on découvre les cadeaux sous le sapin à Noël. Il dépose sa caboche contre le dossier, celle-ci relevée vers le plafond et laisse son flot de pensées intérieures surgir. On ne l’entend quasiment pas, si silencieux et dans ses pensées qu’on penserait apercevoir un fantôme. Mais si alerte, ouvrant les paupières pour suivre la silhouette qui s’approche, qui repart, qui revient, qui s’exclame.

Au moins, il semblerait que l’un s’amuse dans cette pièce souvent trop calme. « Tu peux en prendre quelques-uns, si tu veux. ». Seuls mots soulevés depuis quelques longues minutes, l’œillade effilée détaillant chaque pas, chaque réaction du plus jeune à ses dires, à tout, en réalité. Ils n’ont plus vraiment le temps, mais à aucun moment, le chorégraphe ne coupe l’envie de l’autre dans ce qu’il fait, assumant les conséquences. Après tout, c’est bien lui qui l’a emmené ici et il était certain d’apercevoir ce comportement. Et cela le fait doucement sourire. Très léger, à peine perceptible, mais bien là.

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Un nouveau monde s'ouvre sous ses yeux ébahis, la bouche tombante et les mains difficilement retenues. L'envie de toucher et de feuilleter les pages des ouvrages le titille d'une manière féroce, mais il ne tente rien sans un accord. Le bicolore écoute la réponse de son interlocuteur, à savoir d'où provienne autant de livre. Un ami à lui, passionné de lecture certainement. Ma Eum se plonge dans son imaginaire, il visualise une bibliothèque géante, beaucoup plus grande que celle-ci. Et il trépigne, ne pouvant retenir quelques exclamations réjouissantes. L'ordre est clair, il ne doit pas toucher certains d'entre eux. Il opine du chef, comprenant bien l'assignement et se permet donc de prendre un roman à la couverture épaisse.

- Les as-tu tous lu? Au moins ceux écrient dans notre langue?

Il est curieux de savoir si Ye Jun aime lire, pour combler l'ennui ou passer le temps, ou simplement par intérêt pour les divers sujets abordés. Le garçon parle beaucoup, il s'esclaffe sur les titres qu'il parcourt d'une œillade, sur les quelques lignes qu'il s'autorise à lire pour découvre le thème de l'œuvre. Et il voyage à travers les bouquins, évitant consciencieusement les plastifiés. Sa voix est la seule chose qui résonne dans la pièce, aucun mot, ni aucun son ne provient du violacé et cela l'inquiète. D'un geste délicat, il range le livre entre ses mains et se tourne vers la silhouette échouée dans l'un des canapés.

Le silence retombe un court lapse de temps, avant que ce ne soit l'autre qui le brise. Une requête presque inespérée pour l'intru, mais qui le ravi amplement.

- Es-tu vraiment sûr de vouloir m'en prêter quelques-uns? Ce serait vraiment cool, mais je ne veux pas prendre le risque d'abimer ce qui ne m'appartient pas.

Ce serait un tel désastre. Ma Eum n'est pas un démon non plus, il prend toujours soin de ses affaires et davantage pour celles des autres. Enfin, si on peut dire qu'empiler des bouquins les uns sur les autres soit un signe de précaution. Le bicolore délaisse les étagères d'ouvrages pour s'approcher de l'autre, un trait soucieux se dessinant sur son visage.

- On dirait que je t'ai perdu. ça ne t'intéresse pas tous ces livres? Je suppose que si tu les as tous lu, effectivement, ça doit te paraître bien ennuyeux.

Il sourit. Une lueur amusée dans les pupilles, tandis qu'il s'adosse sur le dossier du canapé, face à la bibliothèque. S'il se montre calme à l'instant, c'est un flot incessant de pensée qui se déroule dans son crâne. Il s'interroge lui-même, sur quel livre pourrait l'intéresser le plus dans cette grande collection.

- évite de me céder trop de chose... Je ne suis pas raisonnable et j'ai tendance à croire que ce sera toujours ainsi. Si tu me dis de prendre des livres aujourd'hui, je pourrais t'en redemander demain. Tu vois le genre?

Ses épaules tremblent légèrement sous son rire, le regard en biais pour analyser son camarade. Il aimerait se perdre dans les chapitres, nager dans un océan de connaissance ou s'évader à travers des faits incroyables. Se remplir la tête d'un nombre incalculable d'histoires, d'anecdotes ou d'informations relatables. C'est son monde à lui, celui qu'il s'est crée en étant isolé et qu'il garde auprès de son coeur quand il a besoin de s'écarter à nouveau.

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Il coule un regard vers son interlocuteur, revenant se concentrer sur le flux des paroles élancées. Un haussement de sourcil hautain se démontre, devant les mots énoncés. « Je ne fais pas dans la charité, princesse. Et j’ai horreur de me répéter. De ce fait, si je te dis que c’est bon, c’est que c’est bien évidemment le cas. Et j’ai lu quasiment la totalité de ce qu’il se trouve dans cette bibliothèque, sauf ceux en latin. Tu seras dingue si tu croises celle de Llewelyn. ». Qui possède un bâtiment entier rien que pour lui. Bien qu’en considérant le personnage, cela n’est guère étonnant. Il partagera sans nul doute davantage de passion littéraire avec lui qu’en ce moment même. Et, encore une fois, les sourcils viennent se froncer, reculant légèrement le buste et la tignasse violacée pour l’observer. Il essaie de considérer les propos, avant d’offrir un sourire arrogant.

« Tu es si certain de toi ? Je suis bien trop autoritaire pour céder si j’estime que cela n’est pas nécessaire, princesse. Les jérémiades sont inutiles et tes propos infondés. Si tu me demandes plus que ce que je considère acceptable, tu risques de le sentir passer. ». Il ne faut pas oublier ce prince dédaigneux, pouvant s’offrir monts et merveilles par le biais des envies, sans se soucier des autres sphères qui peinent à s’octroyer un dixième de ce qu’il obtient par caprice. L’absolu dans les mots, l’avertissement par les mouvements, saupoudré par un regard équivoque. Si Ye Jun décide, il est peu probable qu’on puisse s’y détourner. « Je sais que c’est quelque chose qui te tient à cœur, mais je ne promets pas ce dont je suis incapable de donner. La limite s’imposera d’elle-même. ». D’où son insistance auprès de son ami littéraire, plus apte à remplir ce rôle.

Il penche la tête sur le côté, durant quelques instants, comme s’il faisait craquer celle-ci. Toutefois, cela traduit un ennui certain. « Mets ceux que tu veux prendre sur l’étagère vide, on les récupèrera avant de partir. ». Ainsi, il le laisse encore vagabonder au sein de l’immense endroit, devenu un compte à rebours avant qu’il ne décide à s’en extirper pour continuer la visite. Il avait donc raison d’explorer cette pièce maintenant et non pas pour finir, déposant ainsi ses propres barrières. Outre son tempérament difficile, le danseur est complexe entre ses agissements et la rudesse de ses termes. Une contradiction difficile à cerner. Autant pour les autres que pour lui-même, lorsqu’il s’agit des autres.

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Un sourcil se hausse, ses yeux posés sur lui. Il ne fait pas dans la charité, mais il veut quand même lui prêter des livres. ça le fait sourire, bien qu'il ne dise rien pour le contrarier. Ma Eum a bien compris que ce Llewelyn était quelqu'un d'impressionnant, pas seulement dans sa collection de livre. Le bicolore souffle par le nez, un son similaire à l'amusement.

- Je veux rencontrer ce Llewelyn. Quand je t'écoute, j'ai la net impression qu'il est incroyable comme personnage.

Ou c'est ainsi qu'il le ressent. Peut-être qu'il se trompe, mais il en doute un peu. Le jeune homme remarque surtout que l'autre lui cède bien trop de chose. Il craint de ne pas être capable de lui rendre, ni par les finances, ni par ses possessions. à part sa joie de vivre et son dynamisme, il ne possède pas grand chose à offrir aux autres.

- Donc, tout ceci est nécessaire? Bruh, tu vas finir par m'effrayer.

Nullement décontenancé par les propos de son ami, le bicolore s'esclaffe en reprenant une petite marche dans la pièce. Il n'est pas capricieux, encore moins désireux ou envieux. Avec le temps, Ma Eum a appris à se contenter de ce qu'il pouvait obtenir. Il n'a pas besoin d'une voiture de luxe, ni du dernier modèle de portable, ni même d'une montre connectée ou ce genre de chose qui coûte chère.

- Je n'en demande jamais trop.

Il se veut rassurant pour son ami, il ne demandera jamais la lune ou les étoiles. En vérité, il est déjà bien content d'être là et avec lui, de partager un peu de sa passion avec quelqu'un qu'il ne soupçonnait pas un tel point commun. Certes, ce n'est pas un passionné de lecture, mais il ne cherche pas ça. Alors quand Ye Jun lui dit de mettre les ouvrages qu'il veut de côté, Ma Eum n'hésite pas à empiler quelques titres qui l'intéresse.

- C'est fait.

D'un mouvement du menton, il indique ses petites trouvailles et offre une esquisse innocente au violacé. S'il veut faire autre chose en attendant, le bicolore n'a rien contre cette idée. Il attend sagement que le plus vieux se décide à se lever et à l'entraîner dans son sillage, sans se poser davantage de question.

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« À quel moment je n’effraie pas les gens, de toute façon ? ». Il en rit volontiers, ayant déclaré précédemment qu’il essayera de nouer contact entre les deux. Il laissera son homologue prendre connaissance du personnage que représente le philosophe. Le danseur a bien aperçu que l’autre n’est pas matérialiste et encore moins apte à chercher ce qu’il ne possède pas, à l’inverse de lui, qui n’hésite aucunement à dévorer pleinement pour s’en accaparer. Naïveté ou gentillesse, il n’a jamais fondamentalement saisi le manque d’opportunisme ou bien ne sont-ils tout simplement pas aussi aptes à conquérir comme lui a été éduqué. Son empire est prospère, mais se doit d’être protégé et de s’étendre, mordant jusqu’à faire éclater les veines de ceux qui essaient de l’en empêcher ou de lui barrer la route.

Ye Jun n’a jamais fait dans la concession, ni dans les sentiments. Marche ou crève, aucune pitié pour ceux qui ne résistent pas ou sont incapables de suivre le mouvement. « Je le sais. ». Et c’est bien pour cela qu’il lui concède ses quelques ouvrages. Parce qu’il n’ira jamais au-delà. Cette limite imposée par bonne conscience, pensant que c’est essentiellement pour l’autre qui ne s’en préoccupe pas. Cette distinction fait toute la différence, dans leur vie et leur entourage, comme leur propre vision. Se levant du canapé, il hoche la tête et pointe du doigt l’une des couvertures. « Je ne suis même pas étonné de tes goûts, princesse. Je vais en recevoir d’autres d'ici à deux semaines, tu reviendras voir si tu les connais ou pas. ». Aussi surprenant que cela puisse paraitre, le chorégraphe s’éprend à converser de sujets dont on ne douterait pas, abordant une façade auprès des autres sans montrer celle qui est au fond de lui.

Ils quittent la pièce magique et escalade vers un étage plus serein, plus intimiste. Entouré de plantes, de baies vitrées, comme pour inviter la lune à y laisser sa marque. Un bureau, une chambre à l’ambiance rockeuse et étrangement chaleureuse, comme un nid dont on aimerait se couvrir et ne pas le quitter, sous ses lampes tamisées et les couleurs chatoyantes. Et puis, des chambres d’amis, une immense pièce de détente : jeux en tout genre, virtuels, au billard, pour danser ou un karaoké improvisé. « Le bar, la salle de cinéma et ma salle de danse sont en bas. ». Est-ce seulement étonnant, de cette cachette, sous leurs pieds ? Pas vraiment.

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Il hausse des épaules en guise de réponse. Le bicolore n'est pas effrayé par lui, pas encore. Jusqu'à présent il n'a pas été méchant envers lui, ni trop sadique pour lui faire regretter leur amitié. Ils ont bien des différences tous les deux, mais ça n'empêche pas le plus jeune d'aimer passer du temps avec le violacé. D'après lui, Ye Jun est un bon gars. Avec une certaine personnalité. Ma Eum n'attend rien de ce monde, ni des gens. Il n'a pas besoin de construire un empire, ni même de le préserver. Il est là, et c'est déjà suffisant. Les grandes ambitions ne sont pas son point fort. Ni rêve, ni projet. Juste la tranquillité de pouvoir prospérer encore un peu, quelques années de plus. Il n'en veut pas à la terre entière d'avoir une existence différente, raccourci ou dans une moyenne qui peut paraître misérable pour ceux nageant dans la richesse.

Si une pièce suffit à un mendiant, quelques bouquins suffisent au jeune homme. Il ne demande rien d'impossible, rien de farfelu. Et puis, de toute évidence, il ne compte pas les garder pour lui. Ce n'est qu'un emprunt, qu'il rendra bien assez tôt à son propriétaire. Ma Eum a fait son choix, se contentant de quelques ouvrages pour ne pas abuser de la gentillesse de son ami. Ses goûts? Il lance un regard curieux aux livres empilés et sourit.

- Quoi? C'est cool la mythologie grecque et l'astronomie, à moins que tu parles de ce roman?

Il désigne la couverture rouge du roman, qui dénote avec les autres. Ce n'est pas un romantique, mais il aime lire de tout.

- Tu me laisses revenir? Trop bien! Je pourrais te ramener ceux que j'aurai déjà lu comme ça.

C'est sûr, il va en lire quelques uns d'ici là. Ma Eum quémande à son coeur de ne pas déconner, qu'il puisse être libre de se déplacer dans deux semaines. Puisqu'ils n'ont plus rien à faire ici, le bicolore attend son binôme pour quitter la pièce et voir ailleurs. L'endroit est immense, avec des pièces variées. Il n'a pas tout ça chez lui, ce n'est pas étonnant qu'il change d'expression en fonction des lieux visités. Tant de chose à faire pour un seul gars, c'est encore plus surprenant.  

- Et tu vas me dire que tu as le temps de faire tout ça? Lire, jouer à des jeux, boire, danser, mater des films ou encore dormir. Tu varies les plaisirs, c'est ça? Ou c'est selon tes humeurs?

Lui, il aurait tout le temps envie de lire ou d'écrire des textes, de se perdre entre des pages et des lignes. Peut-être de pousser la chansonnette ou regarder des documentaires sur la terre et la nature. Des trucs de vieux, malgré son jeune âge.

- Je pourrais vivre chez toi.

Un ton rêveur, pour une douce plaisanterie. Le cadet a droit à une chambre, une pièce rien qu'à lui. Il n'en veut pas plus, juste quatre murs où il peut s'épancher de ses passions sans être dérangé.

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La tignasse du violacé se penche sur le côté. « Tout dépend de mon emploi du temps et ce qui peut également conduire à mes humeurs. Le temps, on l’a, ceux qui prétendent le contraire ne le gère pas ou ne le désire pas. ». L’arrogance teintée sous la remarque. Beaucoup vont acclamer n’avoir les heures nécessaires à réaliser du sport, à titre d’exemple le plus commun. Mais en réalité, ils ne souhaitent pas se lever plus tôt ou le faire le soir venu, trouvant mille et une excuses pour déjouer et repousser l’échéance. Les exceptions sont rares et les couvertures toujours plus épaisses pour nier l’évidence et s’en complaire farouchement.

Ou est-ce ici que l’éclat d’un jeune riche ayant développement son intelligence sous d’autres formes que les autres. Axé sur les privilèges et l’investissement, tous les tenants et aboutissants ne passant inaperçu pour tous les héritiers. Un soufflement nasal s’extirpe d'un amusement certain. « Tu n’es pas difficile à vivre. ». Comme un animal de compagnie : lui laissant ce dont il a besoin et vient y répondre le moment venu. Pas aussi encombrant qu’un enfant, ni compliqué d’une personne aimée. Différent. Et cela le fait rire, à bien des égards. Après les autres pièces aperçues, il ne peut se permettre de laisser le temps défiler, ayant un horaire fixe pour la rentrée de la princesse dans sa tour de diamant. Il s’étire longuement. « Il va falloir écourter, babygirl. Je dois te ramener et ce n’est pas le quartier d’à côté. Tu n’as jamais dormi ailleurs, de temps à autre ? ».

Il n’est jamais contre la conduite, mais cette journée a été éprouvante pour les deux et il n’aurait été aucunement contre à ce que l’autre finisse enrouler dans les draps comme un chiot heureux avec une promenade méritée. Lui-même en fait autant après un concert animé ou des moments de bonheur partagés, surtout dans un lit respirant le confort et la douceur des draps pour un sommeil profond. Sa tête se penche sur le côté d’un geste bref, avant d’aller récupérer les livres trônant sur le meuble désigné. « Rien oublié, princesse ? ».

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Il opine du chef. C'est vrai que le temps est une notion particulièrement changeante d'un individu à un autre. Certains disent ne pas l'avoir, d'autres ne le possèdent pas autant que souhaité. Néanmoins, quand on veut, on peut. Il suffit simplement de s'en donner les moyens et de savoir donner de l'importance aux autres éléments de sa journée, pas qu'une seule. Le bicolore est d'accord avec son interlocuteur, lui-même peut prendre le temps qu'il désire pour accomplir des tâches et des activités. Pour quelqu'un étant au chômage, ce serait triste de dire le contraire. Il possède des journées à rallonge, qu'il peut épuiser d'un bout à l'autre, de l'aurore au crépuscule, jusqu'à voir les étoiles recouvrir le ciel de cette infinie voie lactée.

- J'ai été bien éduqué.

Dans le sens où ses parents ont fait du bon travail, malgré ce petit côté rebelle qui fait surface quand l'enfant est à bout de patience. La douceur dans les gestes, la tendresse dans le regard, un bout de soleil dans un sourire chaleureux. Il n'est pas ce qu'il y a de plus compliqué à contenir, ni à cerner. Un jeune chiot intenable, motivé par un biscuit appétissant, capable d'écouter à force de patience. Et surtout, fidèle, loyal. Les pièces défilent, le jeune homme s'en imprègne un peu d'un regard évasif.

- Oui, chef! ça m'est déjà arrivé, tant que je préviens à l'avance pour ne pas inquiéter mes parents. J'ai quand même vingt trois ans, un jour faudra bien que je m'envole de mes propres ailes.

C'est un adulte, il devrait agir en adulte. Son visage se tord légèrement sous une moue enfantine.

- Tu me laisserais dormir chez toi? »

Il est tard, Ye Jun doit être fatigué. Ce n'est pas visible chez l'autre, son allure est toujours parfaite aux yeux du bicolore qui le suit de près. Pour autant, est-il si infaillible? Ses yeux transpercent son dos, alors qu'il traîne quelques pas en arrière. Les livres n'ont pas bougés, ils attendent là que le môme les récupère et les embarque. Trottinant joyeusement, Ma Eum s'en va quérir son butin, le portant au creux de ses bras, sous un sourire attendrissant.

- Non, c'est bon, mais tu es sûr que ça ne fait pas trop loin pour toi? Je peux trouver un taxi.

La fierté du loup pourrait le remettre à sa place, lui faire comprendre qu'une parole est une parole, et qu'il ne compte pas lâcher l'agneau dans la forêt. Les épaules se soulèvent, incapable de débattre pour alléger le fardeau de l'autre.  

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« Comme un bon chiot, on voit ça. ». Légère boutade face à son interlocuteur, facile à vivre, il faut bien l’avouer. Trainant dans les pattes des autres sans toutefois déranger, restant assis ou couché lorsque l’ordre est donné et le danseur sait pertinemment qu’on ne le mordra jamais. Pas l’autre, cette certitude plane sur son rictus éloquent lorsqu’ils voguent vers les pièces, jusqu’à infantiliser celui qui utilise les mêmes gestuels. « Un jour, quand ils voudront ou quand tu voudras ? ». Là est la question, pour celui qui a toujours obtenu ce qu’il souhaitait. Le confort et la richesse, sans le besoin, ni même la maladie. Selon lui, aucune excuse n’est présente quand l’on désire ardemment conquérir ou atteindre ses objectifs. Mais si rien n’est construit, ni même envisagé, il n’est guère étonnant que l’individu reste ainsi paralysé dans son immobilisme et viendra s’en plaindre comme les enfants pleurnichent sur des jouets qu’ils n’ont pas.

Ses épaules se soulèvent avec désinvolture. « J’ai de quoi, dans tous les cas. Mais tu te sentiras trop seul au bout d’un moment, même si j’ai la bibliothèque d’ouverte. Je ne suis pas souvent ici, je te manquerai trop. ». Il en rit. Son travail prend un pan important dans sa vie, mais seulement : sa famille provient d’un conglomérat. De ce fait, des responsabilités sont imposées chez celui qui mord inlassablement les poignets ou tout ce qui se dresse sous son museau pour peu qu’on s’intéresse à ses parts ou ses actions. Son bureau est rempli de papiers importants, ses pensées tournées vers ses objectifs et l’acharnement de vouloir tout ce qu’il n'a pas encore. Il se fatigue, tout en sachant qu’il détiendra forcément l’étoile au bout. Chemin fastidieux, mais Ye Jun n’a jamais opté pour la facilité.

Il souffle du nez comme on dit à quelqu’un d’intelligent qu’il est bête. Saupoudré par ses yeux persifleurs et volontiers moqueurs. « Je n’aime pas me répéter, princesse. Si je dis quelque chose, c’est le cas. ». Ainsi termine le débat, ne laissant pas l’autre émettre une réponse en retour que déjà, il opère un demi-tour fort élégant pour sortir de la pièce et chercher son téléphone et ses clés. Si l’autre exprime quelque chose, il se contente de soulever sa main en la lançant dans le vide, preuve concrète qu’il ne prend pas la peine envers un quiproquo ou d’autres formes d’objections. Avec lui, c’est comme il veut. Quand il veut. Et le pire, c’est qu’il sait d’avance que l’autre obéira.   

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Une paire d'oreille dressée et une queue fendant l'air joyeusement, et ce serait bluffant. La docilité d'un toutou bien éduqué, quoi que un brin trop jeune pour tenir en place. Il ne mordra jamais son maître, se contentant de quelques bêtises matérielles sans grands impacts. La question posée lui fait relever un sourcil, une œillade dans sa direction.

- J'aimerai.

Ce n'est pas lui le problème, ni réellement ses parents. Il est vrai que sa vie a longtemps été bercé par ce climat familial, où papa et maman prenaient soin de lui jusqu'à l'étouffer. Néanmoins, c'est un adulte aujourd'hui et il songe de plus en plus à quitter la maison. Quand il trouvera un travail et qu'il aura une meilleure rentrée d'argent. En attendant, il profite de cette chambre d'adolescent qui n'a pas changé depuis le lycée.

- Comment peux-tu savoir que je me sentirais seul? Je ne me suis jamais senti seul avec moi-même, encore moins avec des livres à disposition. Néanmoins, il est vrai que tu me manquerais.

Le bicolore partage son rire, admettant qu'il serait bien triste sans sa présence. Ma Eum ne connaît rien de son univers, celui des papiers, des parts et des actions. En réalité, ça ne l'intéresse pas. Si le sujet venait à tomber sur la table, les oreilles seraient ouvertes. Dans le cas contraire, il ne cherchera pas à l'évoquer, ni à le provoquer. Son but n'est pas de déranger, quand il propose à l'autre de prendre un taxi, c'est pour l'arranger. Son souffle nasal prouve à quel point sa requête est stupide et qu'il aurait mieux fait de se taire.

- Le contraire m'aurait étonné. Je savais que tu allais me dire ça, j'aurai essayé.

Il en sourit, se pavanant un peu avec une once de fierté, tel le petit chien ayant trouvé un os à ronger en creusant un peu plus loin dans son jardin. Ye Jun ne l'a peut-être pas entendu, pressé de partir pour le ramener. La tendresse se peint sur son visage quand il observe ce tableau, se disant que derrière ses airs bourrus et ses crocs aiguisés, il est drôlement sympathique. Suivant la démarche assurée de son compagnon en trottinant derrière lui, il jette un dernier coup d'oeil vers ce qu'il délaisse, les bouquins contre lui.